1Les entreprises d’insertion (EI) et les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI), au nombre de 1 200 en France, portent un modèle économique à finalité sociale qui conjugue travail salarié, accompagnement socioprofessionnel et acquisition de compétences pour favoriser l’accès et le retour à l’emploi des personnes qui en sont éloignées. Depuis plus de dix ans, la fédération des entreprises d’insertion collecte chaque année les données économiques et sociales des entreprises membres de son réseau (508 en 2015) afin de rendre compte du rôle qu’elles jouent dans la requalification des personnes éloignées de l’emploi, la création et la redistribution de richesses ou encore l’émergence et l’accroissement d’activités nouvelles dans les territoires.
Particularité du modèle
2Soumises aux mêmes règles fiscales, économiques, juridiques que toute TPE/PME, les entreprises d’insertion exercent leur activité aux conditions du marché : en 2015, près de 80% des ressources des EI et 85 % des ressources des ETTI proviennent de leur chiffre d’affaires lié à la commercialisation des biens et/ou services qu’elles produisent [1]. Les personnes en parcours d’insertion sont embauchées avec un contrat de travail de droit commun, en majorité à temps plein, d’une durée maximale de deux ans. Elles intègrent immédiatement une équipe de production en EI ou sont mises à disposition d’entreprises clientes en ETTI ; elles bénéficient, pendant cette période, d’un accompagnement socioprofessionnel pour construire leur parcours.
3Toutes les EI et ETTI sont conventionnées par l’État, via ses services déconcentrés, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’économie (Direccte), et salarient des personnes relevant au préalable d’un agrément de Pôle emploi. Pour leur mission d’insertion, les EI et ETTI bénéficient de financements publics de l’État et des collectivités. En 2015 [2], l’aide au poste versée par l’État est fixée pour son montant socle à 10 080 € pour les EI et à 4 284 € pour les ETTI par équivalent temps plein d’insertion ; montant auquel s’ajoute une part modulée comprise entre 0 et 10 % du montant socle. Les financements de l’État représentent ainsi, en 2015, 13 % des ressources des EI et 11 % des ressources des ETTI.
Efficacité économique
4Les entreprises de la fédération enregistrent un chiffre d’affaires cumulé de 551 M€ en 2015, stabilisant leur chiffre d’affaires moyen par rapport à 2014 tous secteurs d’activité confondus, soit environ 1 M€ pour les EI et 1,2 M€ pour les ETTI. Cette stabilité globale recouvre néanmoins des disparités selon le secteur d’activité ou la taille économique de l’entreprise, liée à ses années d’existence.
5L’emploi reste quasi stable avec, en moyenne, 27 équivalents temps plein en EI, dont 16 en équivalents temps plein d’insertion, et 41 équivalents temps plein dans les ETTI dont 36 équivalents temps plein d’insertion. Cette relative stabilité peut s’expliquer par le contingentement du nombre de postes d’insertion financés par l’État chaque année. Elle tient aussi à la réduction des achats des collectivités qui conduit à une exacerbation de la concurrence sur des marchés arrivés à maturité et sur lesquels les EI et ETTI sont historiquement positionnées, comme la collecte des déchets, le nettoyage ou l’entretien des espaces verts. La maturation de ces marchés induit aussi une concentration organisationnelle et technique, comme c’est le cas des chaînes de tri. Les EI et ETTI doivent donc s’adapter pour se positionner sur de nouveaux relais de croissance.
6Pour la population des entreprises de la fédération des entreprises d’insertion, le travail temporaire reste le premier secteur pourvoyeur d’emplois d’insertion (40 % des équivalents temps plein d’insertion), suivi des services et transports (26 %) et des déchets (23 %). Ces chiffres sont corroborés par l’analyse menée par la fédération en 2016 sur les filières porteuses d’activités et d’emplois en EI [3]. Il en ressort qu’un salarié sur deux en parcours d’insertion nouvellement embauché en EI travaille aujourd’hui dans les services à la personne et à la collectivité (48 %) ; la moitié d’entre eux (24 %) exercent essentiellement des métiers liés à la propreté et à l’environnement urbain – collecte, tri, récupération, recyclage des déchets – et 19 % d’entre eux, des métiers liés au nettoyage et à la propreté industriels. Vient ensuite le secteur du transport et de la logistique (11 %) sur des postes de manutentionnaires, magasiniers, déménageurs, chauffeurs…, suivi de l’agriculture (10 %) où près de trois quarts des embauches se concentrent dans les espaces verts et espaces naturels. Le secteur de la construction, du bâtiment et des travaux publics est quant à lui dominant dans les ETTI : 41 % des nouveaux intérimaires en insertion y travaillent contre 19,3 % dans l’intérim classique [4] et ce, malgré une conjoncture très dégradée dans ce secteur sur la période.
Utilité sociale
7Les entreprises d’insertion de la fédération salarient en 2015 près de 36 500 personnes dont 81 % en parcours d’insertion, soit près de 30 000 personnes éloignées de l’emploi.
8Les salariés en parcours d’insertion sont à 27 % des femmes et à 73 % des hommes. Cette disparité s’explique essentiellement par la nature des métiers manœuvriers proposés au sein des EI et ETTI, traditionnellement à dominante masculine. 73 % des salariés ont un niveau inférieur ou égal au CAP/BEP ; 48 % sont demandeurs d’emploi de longue durée et/ou allocataires de minima sociaux (31 %). Les jeunes de moins de 26 ans représentent 25% de l’effectif des salariés en parcours d’insertion et les seniors, 12 %. Ces chiffres sont stables depuis plusieurs années et sont le signe que l’entreprise d’insertion cible toujours sa mission d’insertion en direction « des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières » [5].
9Les salariés permanents représentent 19% de l’effectif global des entreprises d’insertion, soit 6 856 personnes. Près de la moitié de ces effectifs sont en charge de l’accompagnement et de l’encadrement des salariés en parcours d’insertion tandis que l’autre moitié assure des fonctions similaires à celles de toute entreprise (direction, gestion financière, commerciale, administrative…) ou sont à la production aux côtés des salariés en parcours d’insertion.
10En 2015, 45 % des salariés en insertion retrouvent un emploi en CDD ou CDI à l’issue de leur parcours en EI ou ETTI. 18% d’entres eux voient leur situation s’améliorer suite à la résolution de problèmes de santé, de logement ou de mobilité, poursuivent leur parcours en formation ou intègrent une autre structure d’insertion par l’activité économique ou du handicap. Les entreprises d’insertion de la fédération enregistrent ainsi un taux de sorties des salariés en parcours d’insertion de 63 %, soit une progression de 4 points en cinq ans. Ces résultats s’expliquent autant par le professionnalisme des équipes permanentes que par les démarches qualité mises en œuvre au sein des entreprises : à la fin de 2015, 18 % des entreprises membres de la fédération sont certifiées Afnor-AFaq EI/ETTI ou en cours de certification, ce qui garantit la qualité des pratiques sociales des EI et ETTI.
Un acteur essentiel de l’économie sociale et solidaire
11Au-delà de ces chiffres, avec 429 M€ de masse salariale redistribuée et 14 M€ d’impôts et taxes versés, les entreprises d’insertion participent activement à la création et redistribution de richesses dans les territoires ; au regard de l’aide aux postes de 85 M€ qu’elles ont reçue en 2015, ce sont plus de 5 € de revenus redistribués pour 1 € de financement de l’État. Par la création d’emplois et d’activités nouvelles qu’elles développent, elles ont aussi démontré leur capacité à innover sans cesse pour répondre à des besoins non pourvus sur les territoires. Pionnières hier dans le recyclage des déchets et d’autres activités à fort impact environnemental (nettoyage biologique, circuits courts, etc.), elles investissent aujourd’hui les métiers de l’artisanat comme la boulangerie, en intégrant la filière de production de blé bio, transforment des containers en habitat social, intègrent les parties prenantes du territoire dans la marche de leur entreprise… Plus largement, elles mettent en place de nouveaux systèmes de coopération, à l’image des Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) initiés par certaines entreprises d’insertion [6].
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13Les entreprises d’insertion ont participé à l’émergence de cette économie qui a du sens. Les valeurs d’équité, d’engagement, d’exigence, de solidarité et d’audace qu’elles portent et l’impact social de leur action en font un acteur essentiel de l’économie sociale et solidaire. La loi du 31 juillet 2014 qui définit le nouveau périmètre des Entreprises solidaires d’utilité sociale, en sortant d’une lecture binaire « intérêt général vs intérêt lucratif », « association vs entreprises », « social vs économique », est venue renforcer les entreprises d’insertion en les inscrivant clairement dans le champ de l’utilité sociale.
Notes
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[1]
Toutes les données 2015 de ce focus sont issues des chiffres clés des entreprises d’insertion de la fédération, au nombre de 508 en 2015, publiés en octobre 2016.
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[2]
Arrêté du 18 février 2015 (année de référence des données des EI et ETTI relayées). Depuis la réforme du financement de l’Insertion par l’activité économique (IAE) en 2014, l’aide au poste est fixée par arrêté chaque année. En 2017, elle est passée à 10 237 € pour les EI et 4 351 € pour les ETTI.
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[3]
Analyse des nouvelles embauches de salariés dans les EI et ETTI en 2015 d’après la nomenclature des métiers correspondant aux codes Rome, à travers les données transmises par la Dares, extraites de l’extranet ASP (Agence de services et de paiement) – (La Fédération des entreprises d’insertion, 2016).
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[4]
Rapport économique et social 2014 de Prism’emploi paru en juin 2015.
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[5]
Extrait de l’article L. 5132-1 du Code du travail sur l’objet de l’insertion par l’activité économique.
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[6]
Cf. la synthèse 2014 de l’Observatoire des entreprises d’insertion (p. 22 à 24).