CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Le champ de l’économie sociale et solidaire a connu une institutionnalisation par étapes, opérée grâce au rapprochement progressif de la « société civile organisée » (coopératives, mutuelles et associations puis, sous conditions, sociétés commerciales) et des politiques publiques. Après la création de secrétariats d’État, à l’économie sociale en 1984 puis à l’économie solidaire en 2000, l’ESS a été consolidée par la loi du 31 juillet 2014.

1L’« invention de l’économie sociale » remonte au XIXe siècle (Gueslin, 1987). Elle atteint son apogée à l’occasion des expositions universelles parisiennes de 1867, 1889 et 1900 mais connaît une éclipse de la Grande Guerre jusqu’aux années 1970 en raison de l’intervention accrue de l’État dans l’économie et de la segmentation de celle-ci en plusieurs statuts – associations, coopératives, mutuelles (Dreyfus, 2017, p. 70-71). Si l’histoire de ses composantes se poursuit pendant les six décennies suivantes, leurs trajectoires se séparent.

2La « réinvention de l’économie sociale », comme ensemble structuré, date des années 1970 (Duverger, 2014b, p. 30-43). Elle tient aux transformations de l’intervention économique de l’État et procède d’un réarrangement institutionnel qui contribue à l’essor de la société civile. Un Comité national de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives (CNLAMCA) est créé en 1970. Fondé sur les principes de liberté d’adhésion, gestion démocratique, absence de but lucratif et indépendance vis-à-vis de l’État, il fonctionne comme un groupe d’intérêt qui a pour mission de relier ses mouvements constitutifs et d’influencer les politiques publiques.

3L’attention accordée à cette résurgence de l’économie sociale soulève immédiatement le problème de son institutionnalisation, que seule l’exploration du double mouvement d’organisation d’une société civile et d’intégration aux politiques publiques permet de comprendre. Notre analyse se concentrera sur les trois principaux cycles de cette institutionnalisation pour saisir la structuration du champ de l’Économie sociale et solidaire (ESS) : l’amorçage par Michel Rocard suivi de la création du secrétariat d’État de Jean Gatel, puis la convergence de l’économie sociale et de l’économie solidaire avec le secrétariat d’État de Guy Hascoët et enfin la loi de reconnaissance de l’ESS du 31 juillet 2014 portée par le ministère de Benoît Hamon.

La première politique publique d’économie sociale (1981-1986)

4La première politique publique d’économie sociale naît dans le creuset du Parti socialiste au milieu des années 1970. Après les Assises du socialisme en 1974, qui ouvrent le PS à des militants issus du christianisme de gauche (PSU, CFDT, GAM, La Vie nouvelle, etc.), Michel Rocard est nommé secrétaire national du parti. Soucieux d’offrir un débouché économique au concept d’autogestion qu’il a défendu les années précédentes, il réunit des dirigeants de la mutualité et de la coopération, venant des rangs du CNLAMCA, pour élaborer une politique publique d’économie sociale. Il en ressort une résolution, intitulée « Pour un développement de l’économie sociale », adoptée par le bureau exécutif du Parti socialiste en décembre 1977. Ces travaux alimentent la théorisation de la deuxième gauche, qui se différencie idéologiquement du Programme commun et des nationalisations proposées par le PS au congrès de Nantes en 1977. Michel Rocard fait alors de l’économie sociale l’un des deux piliers – l’autre étant la décentralisation – de la revitalisation de la société civile dans une France jacobine.

5En 1981, François Mitterrand, candidat à la présidentielle, inscrit l’économie sociale dans ses 110 propositions. Une fois au pouvoir, il nomme Michel Rocard ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire puis le charge de proposer des mesures intéressant la coopération et la mutualité. Michel Rocard met en œuvre la première politique publique d’économie sociale avec Pierre Roussel, ancien trésorier de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) devenu collaborateur de cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy, qui définit l’économie sociale comme le regroupement « des mutuelles, des coopératives, ainsi que des associations dont les activités de production les assimilent à ces organismes ».

Des mesures sont prises autour de quatre axes :

61) L’instauration, le 15 décembre 1981, d’une délégation à l’économie sociale, dont Pierre Roussel est nommé responsable. Administration de mission, interministérielle, elle organise le dialogue institutionnel, impulse et coordonne le développement de l’économie sociale.

72) La création d’outils, comme, le 10 mars 1983, l’Institut de développement de l’économie sociale (Ides) dont Jacques Vandier, directeur général de la Macif, prend la tête. Aux côtés de l’État, l’Ides réunit des banques coopératives, des mouvements coopératifs, des mouvements associatifs, des mutuelles d’assurance et des mutuelles de santé pour apporter des fonds propres aux entreprises de l’économie sociale et garantir leurs prêts auprès des établissements financiers.

83) L’adoption d’une loi relative au développement de certaines activités d’économie sociale le 20 juillet 1983, qui, en plus de créer, fixer ou rénover certains statuts coopératifs, crée un statut d’union d’économie sociale pour favoriser l’intercoopération des coopératives, des mutuelles et des associations pour la gestion d’intérêts communs.

94) L’introduction de l’économie sociale dans le IXe Plan en 1982-1983, conçue comme l’un des trois piliers – avec le secteur public et le secteur privé – de l’« économie mixte » promue par François Mitterrand afin d’« habiller » le tournant de la rigueur. L’économie sociale est mise au service tout à la fois de la politique de l’emploi, à travers l’insertion et la réponse à de nouveaux besoins sociaux, de la modernisation du pays, par le branchement sur les secteurs innovants, et de la décentralisation, avec les fonds de garantie régionaux et les contrats de Plan entre les collectivités territoriales et les entreprises de l’économie sociale pour le développement local.

10Cette politique est coconstruite avec un Comité consultatif de l’économie sociale, créé dès 1981, au sein duquel siègent les représentants de la mutualité française (FNMF et Éducation nationale), de la coopération (coopération de production, bancaire et agricole), des associations (solidarité, éducation populaire) et le président du CNLAMCA, Georges Optat.

11Après un bref intermède assuré à partir de 1983 par Jean Le Garrec, un proche de Michel Rocard, cette politique est couronnée en 1984 par la création d’un secrétariat d’État à l’économie sociale auprès du Premier ministre, confié au chevènementiste Jean Gatel. Le développement local faisant partie de son périmètre, celui-ci pousse jusqu’au bout la logique du IXe Plan et développe en 1985 des opérations pilotes de développement local partenarial avec les acteurs des territoires sur une cinquantaine de sites. Plusieurs mesures sectorielles sont prises. Citons la loi du 11 juillet 1985 qui crée le titre associatif, la nouvelle loi d’économie sociale du 12 juillet 1985 qui porte sur les unions d’économie sociale, l’accès des coopératives aux marchés publics et la coopération agricole, ou la loi du 25 juillet 1985 réformant le Code de la mutualité. Deux rapports rendus en 1986 reconnaissent le rôle de l’économie sociale, à l’instar de celui de Thierry Jeantet, passé du Crédit coopératif à la délégation à l’économie sociale en 1981, sur La modernisation de la France par l’économie sociale, ou de celui de Georges Davezac, secrétaire général de la Ligue de l’enseignement, sur Les entreprises de l’économie sociale pour le Conseil économique et social.

La convergence de l’économie sociale ET solidaire (1997-2002)

12À cette économie sociale historique, issue de la réunification des familles coopérative, mutualiste et associative, s’ajoute une économie sociale émergente, l’économie solidaire, qui apparaît au cours des années 1980. Elle naît au point d’articulation entre l’insertion et les services de proximité. Dès les années 1970, des travailleurs sociaux critiques de l’État-providence et inspirés par l’utopie autogestionnaire imaginent des entreprises alternatives visant à l’insertion des personnes éloignées de l’emploi, afin de développer leur pouvoir d’agir et éviter les trappes à inactivité. Ces initiatives d’insertion par l’activité économique sont soutenues par l’État au cours des années 1980. Les Associations intermédiaires (AI) sont créées en 1987 pour combiner l’insertion des personnes exclues et le développement des services de proximité qui répondent aux transitions sociodémographiques (vieillissement de la population, emploi féminin, temps libre, etc.) (Brégeon, 2008, p. 9-10).

13Une Agence pour le développement des services de proximité (ADSP) est créée en 1989 pour mener une expérimentation sociale et de recherche sur ces nouvelles formes d’activités. Dans les années 1990, les sociologues Jean-Louis Laville et Bernard Ème théorisent à partir de ces expériences la notion d’économie solidaire, qu’ils élargissent ensuite au commerce équitable, à la finance solidaire et aux associations non monétaires (échanges réciproques de savoirs, systèmes d’échange locaux, etc.). Ils la définissent comme une économie hybride, qui agence les ressources de l’État (subvention), du marché et de la société civile (bénévolat) pour conduire un projet politique d’insertion des personnes exclues, de cohésion sociale et de démocratisation de la société.

14L’alternance politique de 1997 fondée sur une majorité de gauche plurielle ouvre la voie à une reconnaissance de l’économie solidaire, prévue par l’accord signé entre Les Verts et le Parti socialiste. Un Appel pour l’économie solidaire est publié dans Le Monde en juin 1997, qui débouche sur la création d’un Inter-réseaux de l’économie solidaire (Ires). L’alliance entre l’économie sociale, proche du Parti socialiste, et l’économie solidaire, proche des Verts, est donc très directement liée à cette configuration politique.

15Dans le contexte de la création des emplois jeunes, une mission d’information est confiée en 1998 au député des Verts Alain Lipietz par Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, pour étudier l’opportunité d’un nouveau statut de société à vocation sociale. C’est l’occasion pour le nouveau Délégué interministériel à l’innovation sociale et à l’économie sociale (DIISES), Hugues Sibille, issu du mouvement coopératif et du rocardisme, de manœuvrer pour le rapprochement en organisant en 1999-2000 des Consultations régionales de l’économie sociale et solidaire, qui encouragent les convergences à partir du bas.

16La mission Lipietz est également à l’origine de la création d’un secrétariat d’État à l’économie solidaire, confié au Vert Guy Hascoët, un ancien responsable associatif dans les domaines de l’environnement et de la lutte contre les exclusions devenu député. La politique mise en œuvre se décline en trois volets.

171) Le lancement de deux appels à projets « Dynamiques solidaires » pour faire émerger et soutenir les initiatives socio-économiques d’utilité sociale. Sur les 2 700 réponses reçues au premier Appel, 176 projets sont retenus et financés par le secrétariat d’État ; 29 % de ces projets œuvrent dans le domaine des services à la personne, 26 % concernent les services au territoire, 15 % la solidarité Nord/Sud et 12 % l’écologie.

182) La création du statut de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) par la loi du 17 juillet 2001. Inspirée des coopératives sociales italiennes et des sociétés à finalité sociale belges, cette proposition figurait dans le rapport Lipietz. Utile socialement, démocratique, territorialisée, la SCIC innove surtout par son multisociétariat composé d’au moins trois des cinq catégories autorisées : salariés, usagers, bénévoles, collectivités publiques ou autres personnes morales ou physiques.

193) Le développement de l’épargne solidaire avec la loi sur l’épargne salariale du 19 février 2001, qui prévoit un agrément « entreprise solidaire » pour flécher les investissements de 5 à 10 % des encours des fonds communs de placement d’entreprises (FCPE) nouvellement créés. S’ajoute ainsi, aux familles historiques de l’économie sociale, l’entreprise solidaire, définie comme une entreprise non cotée sur les marchés financiers et qui emploie au moins un tiers de salariés en difficulté d’insertion, ou comme une structure exerçant une gouvernance démocratique et limitant les écarts salariaux.

20Enfin, Guy Hascoët porte à la fin de la mandature un projet de loi-cadre sur l’économie sociale et solidaire. Celui-ci prolonge les conclusions du rapport Lipietz en faveur de la création d’un label d’utilité sociale, qui serait attribué par les acteurs eux-mêmes en fonction des critères de gestion démocratique, de but non lucratif et d’utilité sociale. Cette idée est toutefois rejetée par l’économie sociale historique qui y voit une atteinte à sa définition statutaire. Le projet de loi comprend également des dispositions sur l’épargne salariale, reprises du rapport de Christian Tytgat, fondateur de la caisse solidaire du Nord - Pas-de-Calais en 1997. Elles préconisent la création d’une banque solidaire nationale essaimant en une cinquantaine de caisses dans les territoires pour pratiquer du crédit solidaire et apporter des fonds propres aux projets alternatifs. Les divisions des acteurs de l’ESS, le calendrier parlementaire et les arbitrages du gouvernement ont cependant raison de ce projet de loi, qui avorte peu avant les élections présidentielles de 2002.

Une grande loi pour l’économie sociale et solidaire (2012-2017)

21Au cours des années 2000, l’économie sociale et solidaire est remise en question par un nouveau courant : l’entrepreneuriat social. L’entreprise sociale a une double filiation, qui affecte son sens et engendre confusions et controverses. L’une, anglo-saxonne, dont le fer de lance est l’association internationale Ashoka d’appui aux entrepreneurs sociaux, désigne des activités économiques marchandes mises au service d’un but social. L’autre, latine, est associée aux coopératives sociales italiennes qui se substituent à un État social défaillant pour accomplir des missions d’intérêt général. La première émane du secteur marchand classique, la seconde de l’économie sociale (Defourny, 2004, p.9-10).

22En France à la fin des années 1990, la mission Lipietz notamment s’interroge sur l’opportunité d’un statut de société à vocation sociale. L’idée est défendue par Hugues Sibille lors de sa prise de poste à la DIISES. Le constat de la difficulté des associations à constituer des fonds propres le conduit à proposer l’élargissement de l’ESS aux sociétés commerciales respectant un faisceau de critères. Il penche ainsi pour la création d’un agrément plutôt que d’un nouveau statut. Le rapport Lipietz conclut également en faveur d’un label d’utilité sociale, repris dans le projet de loi Hascoët. Hugues Sibille est à l’origine en 2006 d’un Collectif pour le développement de l’entrepreneuriat social (Codes), qui se transforme quatre ans plus tard en Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves). L’entreprise sociale, n’excluant a priori aucun statut, est caractérisée par la combinaison d’un projet économique, d’une finalité sociale et d’une gouvernance participative.

23Au tournant de 2010, en pleine crise économique et sociale et crise de la dette, la notion accède à la reconnaissance au niveau européen pour substituer les entreprises aux États dans la lutte contre les exclusions. En France, à la demande en octobre 2009 du Premier ministre François Fillon, le député Francis Vercamer conduit une mission sur le développement de l’économie sociale et de l’entreprise sociale. Les hérauts de l’entrepreneuriat social saisissent l’opportunité pour remettre en débat l’idée du label. Le rapport Vercamer d’avril 2010 plaide alors pour la « création de labels qui dépasse la seule approche statutaire pour mieux reconnaître l’appartenance à l’ESS », ce qui suscite l’émoi des acteurs historiques de l’économie sociale.

24Nommé ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire en 2012 après l’engagement de ses proches sur le sujet au sein du Parti socialiste, l’ex-rocardien Benoît Hamon est immédiatement confronté à ces débats. Sur une ligne de crête, il abandonne la proposition de label mais défend une vision inclusive de l’économie sociale et solidaire. La loi du 31 juillet 2014 définit l’économie sociale et solidaire comme un « mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine » qui comprend les coopératives, les mutuelles, les associations et les fondations. Le décret du 23 juin 2015 transforme l’agrément « entreprise solidaire » en « entreprise solidaire d’utilité sociale » (Esus) pour ouvrir le périmètre de l’ESS à des sociétés commerciales ayant un but non lucratif et recherchant une utilité sociale.

25La loi renforce l’organisation de la représentation de l’économie sociale et solidaire pour mieux l’associer à l’élaboration des politiques publiques : un Conseil supérieur rénové, une association représentative refondée (ESS France) [1] et des Chambres régionales de l’ESS (Cress) pleinement reconnues. Parallèlement, une Union des employeurs de l’économie sociale (Udes) est créée en 2013 puis reconnue comme une organisation multiprofessionnelle par la loi du 5 mars 2014 sur la démocratie sociale.

26L’État crée également des outils administratifs pour mettre en œuvre les politiques publiques d’ESS. Il rétablit en 2016 la délégation interministérielle, supprimée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy ; les régions ont l’obligation de consacrer un volet à l’ESS dans leurs schémas de développement économique tandis que les collectivités territoriales atteignant un montant de 100 M€ d’achats publics doivent adopter des schémas de promotion des achats responsables ; enfin, deux appels à projets déploient des pôles territoriaux de coopération économique.

27Plusieurs mesures sectorielles sont également prises pour améliorer le financement de l’économie sociale et solidaire, comme la sécurisation juridique de la subvention ou les certificats mutualistes ; elles visent à soutenir la vie démocratique des organisations, avec par exemple la rénovation de la procédure de révision coopérative ou la rédaction d’un guide des bonnes pratiques, et à promouvoir les modèles de l’ESS à travers le statut de Société coopérative et participative (Scop) d’amorçage [2], les coopératives d’activité et d’emploi ou plus largement l’innovation sociale. Plusieurs fonds de financement sont également mobilisés, tels le Programme d’investissement d’avenir (PIA) ou le Fonds d’investissement dans l’innovation sociale (Fiso).

28***

29Les contours de l’économie sociale et solidaire ne sont jamais stabilisés. Sa morphologie évolue en permanence. Aussi ne peut-on la saisir qu’à travers son institutionnalisation, produite par un double mouvement d’organisation de la société civile et d’intégration dans les politiques publiques.

30La notion de société civile organisée permet de rendre compte de la structuration de l’économie sociale et solidaire qui regroupe ses trois familles, les coopératives, les mutuelles et les associations. Elle traduit le souci des acteurs d’être plus représentatifs, donc plus légitimes et plus efficaces pour discuter avec la puissance publique et peser sur ses orientations. En ce sens, la société civile organisée recouvre des organisations qui assurent une fonction de groupe d’intérêt. Elle ne peut se comprendre que dans son rapport avec l’État dont elle constitue une « béquille ».

31Le deuxième terme de l’institutionnalisation se retrouve donc dans l’État qui, en tant que tiers instituteur de la société dans lequel celle-ci se réfléchit, cherche à stabiliser un ensemble de valeurs, de normes et de pratiques. Il s’appuie pour cela sur les formes organisées de la société civile dont il contribue à asseoir la légitimité et qui participent de la reconnaissance de son autorité. La politique joue alors le rôle de pivot entre la société civile organisée de l’économie sociale et solidaire et l’État en s’appuyant sur la pluriappartenance de ses membres.

32L’analyse de l’institutionnalisation de l’économie sociale et solidaire révèle de la sorte une fertilisation croisée entre l’État et la société civile organisée pour fonder un véritable État consultatif.

Notes

  • [1]
    Le Conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’ESS (Ceges), héritier du CNLAMCA, a connu en 2009 une scission du mouvement coopératif à la suite de désaccords sur la structuration de l’économie sociale dans le champ du dialogue social.
  • [2]
    Pour aider les salariés repreneurs de leur entreprise en difficulté, la loi ESS du 31 juillet 2014 a créé le statut de société coopérative et participative (Scop) d’amorçage. Il permet aux salariés de renforcer progressivement leur part au capital social (NDLR).
Français

La « réinvention » de l’économie sociale dans les années 1970 soulève le problème de son institutionnalisation que seule l’exploration du double mouvement d’organisation d’une société civile et d’intégration aux politiques publiques permet de comprendre. Notre analyse se concentre sur les trois principaux cycles de cette institutionnalisation pour saisir la structuration du champ de l’Économie sociale et solidaire (ESS) : l’amorçage par Michel Rocard suivi de la création du secrétariat d’État de Jean Gatel, puis la convergence de l’économie sociale et de l’économie solidaire avec le secrétariat d’État de Guy Hascoët et enfin la loi de reconnaissance de l’ESS du 31 juillet 2014 portée par le ministère de Benoît Hamon.

Bibliographie

  • Blein Y. et Fasquelle D., 2016, Rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, Paris, Assemblée nationale, 9 mars.
  • Brégeon P., 2008, Histoire du réseau de l’insertion par l’activité économique, in Vilbrod A. (dir.), À quoi servent les professionnels de l’insertion ?, Paris, L’Harmattan.
  • En ligneDefourny J., 2004, L’émergence du concept d’entreprise sociale, Reflets et Perspectives de la vie économique, t. XLIII, n° 3, p. 9‑23.
  • Dreyfus M., 2017, Histoire de l’économie sociale : de la Grande Guerre à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes (Pur), 2017.
  • Duverger T., 2014a, La reconnaissance législative de l’économie sociale et solidaire, Note de la Fondation Jean Jaurès, n° 224, juillet.
  • Duverger T., 2014b, La réinvention de l’économie sociale : une histoire du CNLAMCA, Revue internationale de l’économie sociale (Recma), n° 334.
  • Duverger T., 2016, L’économie sociale et solidaire : une histoire de la société civile en France et en Europe de 1968 à nos jours, Lormont, Le Bord de l’eau.
  • Gueslin A., 1987, L’invention de l’économie sociale. Le XIXe siècle français, Paris, Economica.
Timothée Duverger
Historien
Maître de conférences associé à Sciences Po Bordeaux et chercheur associé au Centre Émile Durkheim, Timothée Duverger a notamment publié L’économie sociale et solidaire : une histoire de la société civile en France et en Europe de 1968 à nos jours (préface de Benoît Hamon, Le Bord de l’eau, 2016), L’égalité impossible ? Manifeste pour une solidarité active, avec Stéphane Junique (Les Petits Matins, 2018) et L’invention du revenu de base, la fabrique d’une utopie démocratique (Le Bord de l’Eau, 2018).
Mis en ligne sur Cairn.info le 18/10/2019
https://doi.org/10.3917/inso.199.0028
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Caisse nationale d'allocations familiales © Caisse nationale d'allocations familiales. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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