1Comme celui qui « fait de la prose » sans le savoir chez Molière, toute personne qui vit dans une société organisée est, y compris à son insu, un usager du service public, accueilli et accompagné dans la plupart des domaines de sa vie par des institutions qui appartiennent à la collectivité dont il est membre. Dans les années 1990, un vaste débat a accompagné la modernisation non seulement technique mais aussi gestionnaire de ces dernières à mesure que les missions de service public s’ouvraient à un modèle économique plus souple. L’interrogation portait principalement sur la nature du statut des personnes qui bénéficient des prestations. D’« administré » devant subir passivement les règles appliquées, à « client » admis à faire valoir face au prestataire des droits inspirés par ceux du Code de la consommation, en passant par « utilisateur » reconnu dans sa spécificité, les réponses sur le statut de l’usager se déclinaient sur le registre des divers degrés d’autonomie et de participation d’un individu face aux pouvoirs publics.
2En contrepoint de ces portraits à dominante sociologique, Seydou Traoré, maître de conférences en droit public à l’université de Reims, s’est intéressé au statut juridique de l’usager des services publics tel qu’il est défini par le droit [*]. Une consultation des divers codes ne lui apportant pas d’autre réponse que la définition tautologique selon laquelle l’usager est un individu qui, dans une situation donnée, tire profit d’une prestation fournie dans le cadre d’une activité de service public, il a alors choisi d’interroger le contentieux administratif. Il a identifié trois dimensions de la notion d’usager du service public du point de vue du droit positif : l’acquisition de la qualité d’usager, la spécificité des droits attachés à cette qualité et les devoirs propres à son détenteur.
3La notion d’usager apparaît selon l’expression de M. Traoré comme « le condensé du droit administratif dans son ensemble, qui lui est principalement applicable », c’est-à-dire à la fois objet et sujet. La notion d’usager en constitue pour partie le champ d’application matériel, puisque les activités de service public sont destinées aux usagers, et organique, puisque les organes administratifs sont par définition, seuls investis de missions de service public.
4Le chercheur introduit ces distinctions dans le portrait de l’usager en se référant à des catégories plus philosophiques que juridiques qui le conduisent à parler d’usager effectif, de candidat-usager et d’usager potentiel. Ces désignations ne relèvent évidemment pas du droit positif, qui esquive a priori toute définition d’un tel objet.
5En prenant acte, M. Traoré souligne que, dans la mesure où le droit administratif tient pour partie son existence de la catégorie des usagers du service public, il devient possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle l’avenir de la discipline reposerait au moins partiellement sur le maintien de la qualité d’usager et sur la combinaison des droits et des devoirs qui appartiennent à l’usager sous l’angle de l’intérêt général, lequel établit, précisément, le lien entre eux.
Notes
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[*]
Seydou Traoré, L’usager du service public, Paris, LGDJ, 2012, 179 p.