1Le nom d’Edward Deming n’est pas passé à la postérité comme celui de Frederick Winslow Taylor, dont les préconisations en matière d’organisation du travail ont profondément influencé les méthodes de la production industrielle au début du XXe siècle. L’un et l’autre ont pourtant bouleversé la façon de travailler avec des méthodes intellectuelles assez voisines, même si leurs conclusions divergeaient sensiblement. Le premier a recherché, autour des années 1880, la meilleure façon de produire en organisant scientifiquement et en mécanisant le travail afin d’éliminer tout ce qui était de nature à en ralentir le processus ou en réduire l’efficacité. D’abord servi par le seul labeur humain, le taylorisme a ensuite inspiré un mode de production robotisé dans lequel la place de l’activité humaine s’est réduite au point de presque disparaître aujourd’hui.
2Une telle évolution ne se serait probablement pas produite aussi vite si elle n’avait pas bénéficié des progrès dans les méthodes d’organisation, connues génériquement sous le terme de management. S’il n’en n’est pas l’inventeur, Edward Deming (1903-1993), statisticien, professeur, auteur et consultant américain, l’a fait considérablement évoluer, d’abord aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais, peu reconnu dans son pays, c’est au Japon qu’il eut, à partir de 1950, la possibilité d’enseigner aux étudiants et surtout aux grands patrons ses points de vue sur la notion de qualité appliquée non seulement à la production de biens mais aussi à celle de services. Ces derniers, dans l’esprit de Deming, comprennent l’administration publique et l’enseignement. Le management consiste à optimiser les processus de production et à anticiper leur évolution. Dans sa philosophie, et c’est une innovation radicale, l’attention qu’il convient de porter au facteur humain est essentielle car l’ordre qu’il entend organiser ne peut se passer de la meilleure entente possible entre tous les acteurs du processus.
3Deming a exposé les principes de sa méthode dans un ouvrage publié en 1982, Out of the crisis, qui réunit ses analyses diagnostiques sur les entreprises (les « sept maladies mortelles ») et les préconisations en quatorze points qu’il a affinées au fil de son enseignement pour aider celles-ci à améliorer leur efficacité. Plusieurs de ces recommandations affirment que le contrôle de la qualité du service n’est pas l’étape ultime du processus de production mais son esprit même, et qu’une telle démarche ne peut réussir sans le développement de la connaissance dans toutes les activités industrielles et économiques. À partir de 1989, il généralisera sa méthode [1], d’abord conçue en quatre parties interdépendantes (perception d’un système, sens des variations, théorie de la connaissance et psychologie) sous le nom de « Méthode de connaissance approfondie » (System of Profound Knowledge).
Notes
-
[1]
Cette méthode est présentée en détail dans l’un des chapitres de son ouvrage posthume, The New Economics for Industry, Government, Education, trad. française Du nouveau en économie, 1996, Paris, Economica, 202 p.