1Une enquête qualitative menée auprès de salariés de la Sécurité sociale montre que leur taux de satisfaction au travail est lié à leur attachement à un ensemble de valeurs de l’institution qu’ils sont fiers de représenter, dont la solidarité, la protection, l’égalité et l’humanité. Toutefois ces agents témoignent, surtout les plus anciens, de difficultés croissantes pour mettre ces valeurs en œuvre, qu’ils attribuent à l’évolution tant des publics que de l’organisation du travail.
2Soucieuse de connaître les opinions des salariés de la Sécurité sociale sur leur travail et leurs attentes, l’Union des caisses nationales de sécurité sociale (Ucanss) [1] a mis en place en 2009 un Baromètre social institutionnel (BSI). L’objectif de cette enquête d’opinion interne annuelle est de connaître les perceptions et les attentes de ces salariés concernant leur travail et leur environnement professionnel et de suivre leur évolution dans le temps.
3L’édition 2012 du baromètre a mis en évidence une différence notable de la satisfaction au travail des salariés en fonction de leur ancienneté dans l’institution. Le taux de satisfaction va en décroissant, de 88 % chez les salariés de moins d’un an d’ancienneté à 74 % chez ceux qui ont entre un à quatre ans pour s’établir à seulement 64 % chez les agents ayant entre cinq et neuf ans d’ancienneté. Si cette tendance à la baisse est observée dans nombre d’entreprises, elle est, en comparaison d’autres benchmarks réalisés par BVA, sensiblement plus accentuée au sein de l’institution Sécurité sociale.
4Partant de ce constat, et compte tenu de la durée des carrières au sein de l’institution, il est apparu essentiel pour l’Ucanss d’en comprendre les raisons liées afin de nourrir des actions de nature à maintenir la motivation des agents. Ainsi, en complément des résultats du baromètre, l’Ucanss a confié à BVA [2] la réalisation d’une enquête qualitative auprès des salariés en début de carrière (de trois à dix ans d’ancienneté) exerçant en Production et d’un niveau 3 ou 4 [3].
5L’objectif principal de cette enquête était de comprendre les raisons de la baisse de la satisfaction au travail au bout de trois ans d’ancienneté ainsi que, plus largement, de mieux cerner la perception qu’ont les salariés de leur situation de travail et de recueillir leurs attentes professionnelles et de reconnaissance. Il s’agissait également de comparer les résultats du BSI avec l’analyse qualitative de cette enquête.
6Si l’enquête qualitative réalisée ne portait pas précisément sur les valeurs de ces salariés, il est apparu que la problématique de la satisfaction au travail englobait très largement cette question. L’image de l’institution, les valeurs qui lui sont associées et la manière dont elles s’incarnent ou non dans le quotidien des salariés sont en effet des critères qui comptent pour la satisfaction ou l’insatisfaction au travail.
Méthodologie de l’étude qualitative
Elle s’est centrée sur les salariés en début de carrière (trois à dix ans d’ancienneté) des différentes branches de l’institution, exerçant en Production et d’un niveau 3 ou 4. La diversité en matière de sexe et d’âge a été recherchée. Sept organismes ont participé à l’enquête : Caf de l’Ain, CPAM de l’Ain, Urssaf du Rhône, Caf de Paris, Cnav, CPAM de la Seine-Saint-Denis et Urssaf d’Île-de-France.
L’étude a combiné approche collective et individuelle en réalisant :
- deux réunions de groupe en salle à Bourg-en-Bresse et Paris, auprès de salariés des sept organismes,
- trente entretiens individuels en face-à-face sur le lieu de travail des salariés.
7À travers les propos recueillis auprès de ces hommes et femmes travaillant au sein de caisses d’Allocations familiales (Caf), de caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM), de la Caisse nationale d’Assurance vieillesse (Cnav) ou des unions pour le recouvrement de la Sécurité sociale et des allocations familiales (Urssaf), nous nous sommes interrogée sur les valeurs que porte la Sécurité sociale à leurs yeux, l’adéquation ou non de ces valeurs avec les leurs à titre personnel, et leur évolution dans le temps à partir des résultats de l’enquête qualitative.
8Nous présentons ici une analyse des opinions des agents sur la question des valeurs. Les propos tenus par les personnes interviewées sont directement restitués à travers des verbatim de leurs réponses. Les verbatim sont qualifiés de façon à donner des éléments de profil sur la personne interrogée. Néanmoins, pour des raisons déontologiques certains profils n’ont pas été précisés pour préserver l’anonymat des répondants.
Une institution jugée porteuse de fortes valeurs
9En « spontané » [4], les représentations et valeurs associées à la Sécurité sociale par les salariés rencontrés se révèlent dans l’ensemble très positives : « On ne s’en rend pas compte car on est dans un pays où ça va de soi ; mais quand on va dans d’autres pays, on se rend bien compte que oui, effectivement on a énormément de chance d’avoir la Sécurité sociale » (femme, 30 ans, Cnav, trois ans d’ancienneté) ; « C’est la couverture pour tous, des frais pris en charge par l’État » (CPAM de l’Ain).
10Pour tous, quelle que soit la branche dans laquelle ils travaillent, l’institution apparaît en premier lieu comme une spécificité française historique, un bien commun indispensable car porteur d’une fonction essentielle « d’amortisseur social ».
11En ce sens, plusieurs valeurs phares et mélioratives associées à cette fonction d’atténuateur des inégalités sociales résonnent fortement chez les agents :
- la solidarité entre l’État et ses administrés ; entre les Français quels que soient leur origine ou leur statut ; entre les agents et les bénéficiaires ; et enfin entre les agents entre eux ;
- à la solidarité est associée comme son pendant la valeur « d’humanité », c’est-à-dire la prise en compte des situations les plus difficiles, des individus les plus fragilisés ;
- la protection : tous ont le sentiment d’un système unique au monde à un tel degré de couverture, avec des soins accessibles à tous et des prestations qui se déclinent sur un ensemble de cas ;
- la notion de service, qui recoupe à la fois :
- la dimension de service public et ce, malgré le caractère « privé » de la Sécurité sociale : une mission de Service public au sens noble du terme,
- le service rendu aux bénéficiaires : une écoute, une attention et une disponibilité à l’égard de tous les bénéficiaires. En parallèle, on retrouve l’idée d’une continuité de service au plan territorial.
12Ces valeurs, en particulier la solidarité et l’entraide, sont d’autant plus importantes que la France connaît un contexte de crise où les populations sont de plus en plus fragilisées socialement et économiquement : « J’ai envie de dire [que ces valeurs sont] essentielles. Car sans la Sécurité sociale, je pense que la société française aurait du mal à surmonter la crise. (…) C’est une institution très importante puisqu’elle est garante du bon fonctionnement de l’entraide qu’il y a avec la population française » (homme, 34 ans, Urssaf d’Île-de-France, quatre ans d’ancienneté). Pour les agents rencontrés, ces valeurs sont capitales et s’incarnent, si ce n’est en pratique, du moins en théorie, dans les missions de la Sécurité sociale qui sont qualifiées de « sociales ».
Des valeurs universelles
13Les valeurs évoquées plus haut reviennent dans les discours de toutes les personnes interrogées, quels que soient leur âge, leur sexe, la branche et l’organisme dans lesquels elles travaillent. Cette homogénéité des discours est d’autant plus frappante qu’il ne semble pas y avoir spécialement de culture commune entre des branches qui agissent dans des domaines divers et appliquent chacune leur politique. Plus étonnant encore, le discours sur la solidarité est tenu également par les agents des Urssaf, qui n’ont pourtant pas un rôle de redistributeurs mais de collecteurs.
14Les valeurs mentionnées ont donc un caractère universel pour les agents ayant participé à l’enquête. De plus, il semblerait que le partage de ces valeurs par des agents des différentes branches est un élément fédérateur en contribuant à créer de la cohésion entre des régimes de sécurité sociale aux cultures assez différentes.
Des valeurs que les agents sont fiers de porter
15Les valeurs exprimées par les personnes rencontrées sont non seulement formulées avec leur regard interne d’agents, mais également du point de vue des usagers et des bénéficiaires. En effet, les agents interrogés estiment que ces valeurs sont partagées par le grand public.
16De plus, si pour les agents l’ensemble des valeurs évoquées n’ont pas forcément été un élément de motivation déterminant à l’entrée dans l’institution, et sont en partie décorrélées de l’image de l’institution en tant qu’employeur, elles sont néanmoins très souvent présentées comme étant en concordance avec leurs valeurs personnelles. De fait, si l’entrée dans la Sécurité sociale se fait souvent par hasard, voire par défaut, nombre des salariés rencontrés déclarent posséder une « fibre sociale » en adéquation avec les valeurs associées à l’institution, ce qui leur permet de donner, en partie, du sens à leur travail et est source de fierté. Ce sont donc des valeurs autour desquelles ils et elles se retrouvent et qui se traduisent par le sentiment gratifiant d’être utile en « aidant » ceux qui en ont besoin : « On rend service aux gens, on se sent utile » (femme, 27 ans, Caf de Paris, quatre ans d’ancienneté) ; « C’est important car c’est beaucoup plus facile de rentrer dans une institution en laquelle on croit, et de pouvoir la défendre quand elle est attaquée, plutôt que dans une institution où on dit “Vous avez raison, c’est pas génial mais, bon, on n’a pas le choix” » (femme, 30 ans, Cnav, trois ans d’ancienneté) ; « Je suis fière car on couvre 80 % de la population. Je suis contente qu’on puisse donner certaines prestations. On a un rôle à jouer » (groupe de Bourg-en-Bresse).
17Parmi les sources de satisfaction au travail, la valeur « d’humanité » qui se joue dans la relation avec l’usager revient de manière récurrente dans les discours. La relation particulière qu’ils et elles entretiennent avec le bénéficiaire est un aspect de leur travail perçu très positivement par les agents, qui soulignent l’humanisation du service rendu.
18Enfin, la dimension « qualitative » de leur travail semble essentielle pour les salariés, qui insistent sur leur volonté d’effectuer un suivi individualisé et personnalisé du dossier du bénéficiaire dont ils et elles s’occupent, dans l’optique de se sentir « utile » en apportant une réponse optimale à la demande de ce dernier : « Lorsqu’une personne fait une demande et est dans une situation difficile, et que j’arrive à résoudre la situation, j’ai l’impression de faire quelque chose de ma vie » (homme, 42 ans, CPAM de la Seine-Saint-Denis, dix ans d’ancienneté) ; « Apporter une aide aux gens, c’est quelque chose de positif » (femme, 28 ans, Caf de Paris, cinq ans d’ancienneté).
Des valeurs mises à mal tant par les usagers que par le fonctionnement de l’institution
19Si ces valeurs sont très appréciées et source d’intérêt et de satisfaction à propos de leur travail, globalement les agents s’accordent sur le fait qu’elles tendent à devenir de plus en plus virtuelles dans l’exercice quotidien de leur travail, et avancent deux explications majeures de cette évolution.
Le comportement des usagers
20Selon les agents interrogés, certains publics, notamment celui de la Caf, font preuve d’une attitude de plus en plus revendicatrice, qui prend diverses formes. En premier lieu, un public, particulièrement touché par la crise, considère les prestations comme un dû, et déplore légitimement les temps d’attente des versements et les retards dans les remboursements, dans la mesure où ceux-ci peuvent avoir des conséquences importantes sur leur situation déjà difficile. Ces personnes ont tendance à manifester de manière croissante des signes d’agressivité envers les agents : « On observe de plus en plus d’actes d’incivilité de la part des cotisants. Avec la crise, on le voit, avec des cotisants qui se montrent menaçants – on a déjà été obligés d’appeler la police. Ou des gens qui menacent de se suicider (mais ce n’est pas de l’incivilité, ça), des insultes… » (homme, 34 ans, Urssaf d’Île-de-France, quatre ans d’ancienneté).
21En second lieu, certains usagers font preuve de mépris à l’égard des agents, assimilés dans leur esprit à des fonctionnaires et affublés des stéréotypes habituels sur la « fainéantise » des agents de l’État : « C’est plus [un problème à cause de] la mauvaise image que ça dégage ; on dit qu’on est plutôt fainéantes et j’aurais tendance à me justifier sans être sûre d’être comprise » (groupe de Bourg-en-Bresse) ; « Par exemple, pour les assurés, on est tous fonctionnaires alors qu’on ne l’est pas. On est sous tutelle de l’État mais pas fonctionnaires. Donc je pense que de l’extérieur on a cette image-là, de fonctionnaires » (femme, 31 ans, Cnav, cinq ans d’ancienneté).
22En parallèle, les agents interviewés font le constat d’abus, de fraudes répétées de la part de ceux qui exploitent les « failles du système » en bénéficiant de prestations non dues ou dont ils n’ont pas réellement besoin, risquant ainsi de remettre en cause le principe de solidarité : « Certains ne réclament pas alors qu’ils pourraient le faire, contrairement à d’autres » (groupe de Paris) ; « Il y a vraiment des abus » (Caf de l’Ain).
23Au-delà d’une critique sur les « abus », plus fondamentalement les salariés déplorent le changement de nature de la relation entre l’institution et l’usager ces dernières années, un usager qui n’est plus un simple bénéficiaire mais, en quelque sorte, un « client roi » : « Les gens ont un peu l’impression que l’institution est [devenue] comme un droit » (Caf de l’Ain).
24Face à ce type de comportement de la part de certains usagers, c’est le délitement du relationnel et du respect qui heurte les agents et conduit à une baisse de leur motivation au travail, alors même que les relations humaines, et bienveillantes, sont une dimension clé de ce qui fait la satisfaction au travail des agents des différentes branches de la Sécurité sociale.
Le fonctionnement bureaucratique de l’institution
25Les valeurs de l’institution sont également mises à mal en raison d’une perte de la notion de service côté public et de la dimension humaine. La Sécurité sociale serait une institution bureaucratique, procédurière et complexe. D’une part, les usagers déplorent – à raison semble-t-il – une complexité et une lenteur face auxquelles ils se sentent impuissants. Ce sentiment d’impuissance est d’autant plus fort qu’ils peinent à obtenir des informations et qu’ils considèrent ne pas être suffisamment accompagnés. D’autre part, les salariés eux-mêmes, particulièrement les plus anciens, mettent en cause les évolutions récentes tendant à alourdir l’aspect bureaucratique de l’institution (par exemple le cadencement). Les agents questionnés partagent ainsi le sentiment d’être passés d’une logique qualitative centrée sur l’humain à une logique plus quantitative de rentabilité, qui non seulement contribue à remettre en cause la notion de service public mais également le traitement égalitaire, ou tout au moins neutre, des dossiers des bénéficiaires qui sont de plus en plus gérés dans l’urgence (l’urgence est source de potentielles erreurs et de priorisation des dossiers, entraînant le risque de décisions aléatoires voire arbitraires). Dans ce contexte, les salariés déplorent souvent la transformation des bénéficiaires en « simples numéros ». Cette nouvelle logique entre en contradiction avec leur volonté de qualité et d’humanité, lesquelles demandent nécessairement du temps, et une notion d’individualisation que le fonctionnement des branches tend à rendre impossible.
26Dès lors, ce fonctionnement est considéré comme nuisant à l’épanouissement des valeurs portées par l’institution : « Moi ce que je gère, ce sont des courriers d’insultes parce qu’on traite les dossiers en urgence : c’est ça les valeurs ? C’est ça l’égalité de traitement ? » (Urssaf du Rhône) ; « On ne peut pas faire quantité et qualité en même temps. La quantité est toujours au détriment de la qualité » (groupe de Bourg-en-Bresse) ; « C’est une très grande boîte en France. C’est l’administration, avec les lourdeurs, la paperasse… » (homme, 42 ans, CPAM de la Seine-Saint-Denis, dix ans d’ancienneté).
27Plus généralement, il semble qu’un changement de paradigme, notamment matérialisé par le changement sémantique qui a fait de l’« assuré » un « usager » puis un « client », soit en train de se produire, face auquel les agents sont peu préparés, qu’ils ne comprennent pas et qu’ils ne peuvent donc pas s’approprier : « Qu’on nous demande d’oublier ça [la qualité], de parler de “clients”, c’est comme si on perdait notre âme (…) Vers les années 2005, 2006, il y a eu une rupture. (…) Le jour où ça m’a marqué, c’est le jour on a remplacé “assuré” par “client”. Je n’ai rien compris, ça m’a choqué » (homme, 42 ans, CPAM de la Seine-Saint-Denis, dix ans d’ancienneté).
Un fonctionnement qui s’éloigne des valeurs de l’institution
28En interne également, dans les relations entre les salariés et leur hiérarchie, la perte de valeurs se ferait jour. La dimension humaine qui devrait prévaloir dans la relation administration / usager devrait aussi être la règle entre les agents de l’institution. Or, dans un contexte où l’on observe une discordance entre le mode de fonctionnement de l’institution et les valeurs que veulent porter les salariés au quotidien dans leur travail, ceux-ci se sentent de moins en moins écoutés et pris en compte.
29Dans l’ensemble, les salariés rencontrés déplorent le manque de crédit accordé à leur parole alors qu’ils sont les premiers concernés par ces évolutions. À cet égard, les critiques se cristallisent autour des entretiens annuels d’évaluation. Ceux-ci sont censés être des occasions de parole ouverte pour évoquer les éléments positifs et négatifs de leur travail, notamment cette question des valeurs et du sens de leur travail, mais ils se transforment le plus souvent en « exercice de style » : « On se sentait écouté mais aujourd’hui ce n’est pas le cas. Écouté par le manager aujourd’hui, oui, mais pas au-dessus » (groupe de Paris) ; « On n’est pas forcément assez écoutés dans ce qu’on voudrait améliorer… Je ne sais pas si c’est un manque d’écoute ou de moyens » (Caf de l’Ain).
30En fin de compte, les salariés les plus critiques ont l’impression de n’être que des « pions », voire d’être « instrumentalisés » dans une optique de rentabilité par leur direction, ce qui remettrait en cause les valeurs « humaines » avancées par l’institution.
Des valeurs à replacer au cœur du travail au quotidien
31Si les valeurs mentionnées sont ontologiques, c’est-à-dire au fondement même de l’existence de la Sécurité sociale, la question est donc plutôt celle de leur déclinaison au quotidien pour les agents.
32La demande des agents interrogés est simple : pouvoir se réaliser professionnellement. Cet objectif pose la question des valeurs partagées au sein de l’institution et entre celle-ci et les bénéficiaires. Ainsi, ils placent au cœur de leurs attentes la nécessité de mettre en place une organisation du travail qui privilégie la qualité : délimitation des fonctions des agents, gestion de dossiers complexes en back-office, remontée des problématiques terrain… Ces solutions font partie de leurs propositions pour leur permettre de faire ce qu’ils considèrent comme leur mission prioritaire : assurer un service de qualité aux usagers. Ils aimeraient également que des actions soient entreprises pour conduire à une relation usagers / agents apaisée, fondée sur le civisme et une reconnaissance mutuelle des difficultés et de l’implication des uns et des autres.
33Si le devenir et la sauvegarde de ces valeurs comptent autant pour les agents rencontrés, c’est parce que celles-ci sont un point d’ancrage pour leur action. Pour eux, il s’agit de défendre des éléments jugés essentiels qui donnent sens mais également du prix au travail effectué et sont donc source d’engagement envers l’institution.
34***
Des valeurs garantes de la pérennité de la Sécurité sociale
35Malgré les critiques sur le fonctionnement et la remise en question des valeurs de la Sécurité sociale, l’intégralité des agents consultés n’imaginent pas que l’institution puisse être en réel danger. En premier lieu, parce qu’il y a un attachement réel à ce qu’elle représente en tant qu’institution, sur le plan symbolique. Pour tous, ce système a des valeurs qui sont chevillées au corps des citoyens français même si elles peuvent être remises en cause. Plus encore, ces valeurs semblent plus que nécessaires en période de crise, où des besoins réels de solidarité et d’entraide se font sentir.
36Dans un second temps, ils n’y croient pas parce que ce système historique, solide, a fait ses preuves et a su rebondir malgré tous ses dysfonctionnements. De plus, il est soutenu par un monde politique qui refuse apparemment sa destruction puisqu’il ne remet pas en cause l’institution et les valeurs qu’elle incarne mais opère des aménagements pour en assurer la pérennité : « Globalement, pour l’instant je pense pas qu’ils remettent en cause l’institution de la Sécurité sociale. Ils remettent en cause son système. On est en déficit, ils remettent ça en cause. Mais je pense pas qu’ils remettent en cause le principe même de la Sécurité sociale » (femme, 31 ans, Cnav, cinq ans d’ancienneté).
37En conclusion, nous pouvons interpréter les opinions des salariés des différentes branches de la Sécurité sociale comme la conviction que c’est la persistance de ces valeurs et leur défense, par les hommes et les femmes qui les incarnent et par l’ensemble des citoyens, qui garantissent la pérennité du système. La question des valeurs de l’institution est donc essentielle et dépasse largement le cadre de la vision des agents sur le sens de leur travail.
Notes
-
[1]
L’Ucanss est la fédération d’employeurs du régime général de Sécurité sociale. Elle négocie les conventions collectives nationales et fait vivre le dialogue social dans l’institution. Dans le domaine des ressources humaines, l’Ucanss prend en charge notamment l’évaluation, la coordination et la mise en œuvre des politiques de formation du personnel.
-
[2]
BVA, troisième institut d’études en France, est une société d’études et conseil à l’expertise multisectorielle.
-
[3]
NDLR : dans la classification des emplois de l’Ucanss, les niveaux 3 et 4 correspondent principalement aux fonctions des employés assurant l’accueil et le traitement des dossiers des allocataires.
-
[4]
La question posée était la suivante : « Pour vous, la Sécurité sociale en tant qu’institution, c’est quoi ? Quelle image avez-vous de la Sécurité sociale ? » Il s’agit d’une question dite « en spontané », c’est-à-dire sans aucune suggestion de réponse ni relance.