CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Si les professionnels du secteur sanitaire et social ont des valeurs sociopolitiques aussi nuancées que celles de l’ensemble des Français à propos de l’interventionnisme social, et s’ils partagent avec eux le refus d’augmenter les dépenses d’aide sociale, comme le RSA, ils défendent davantage en moyenne l’État-providence. Les deux facteurs les plus clivants dans ce milieu professionnel sont le secteur d’appartenance (public, privé ou indépendant) et le niveau de responsabilité.

2Les valeurs sociopolitiques des professionnels du secteur sanitaire et social constituent un point presque aveugle de la recherche sur les transformations de l’État-providence. Le sujet n’est étudié que très indirectement au travers de deux réflexions menées, l’une sur l’extension et la modernisation des doctrines gestionnaires dans les services publics du secteur sanitaire et social (Chauvière, 2007 ; Vérité, 2011), l’autre sur les pratiques de certaines professions soumises à des impératifs de rendement et de performance, notamment à l’hôpital public (parmi une littérature assez fournie : Schweyer, 2010 ; Bertézène et Dubrion, 2013). On ne dispose pas en revanche d’analyse permettant de savoir si les représentations politiques que ces professionnels ont des priorités de l’action sanitaire et sociale, qui peuvent nourrir ou bloquer des projets de réforme, se différencient de celles partagées par l’ensemble des citoyens voire par d’autres secteurs d’activité. On ne dispose pas non plus d’analyse sur les facteurs qui modulent ces visions à l’intérieur même d’une sphère d’activité, dont les interactions professionnelles semblent créer a priori une solidarité de groupe, alors même que les acteurs de cette sphère sont des salariés du privé ou du public ou bien encore des indépendants, dont l’insertion dans les politiques sanitaires et sociales se joue de manière très différente en fonction d’intérêts et d’horizons professionnels fort variés. L’intérêt de cette réduction aux valeurs sociopolitiques est de pouvoir mesurer l’homogénéité de ce champ professionnel face aux réformes libérales menées en matière sanitaire et social et de voir si, et alors en quoi, il partage des représentations communes des assurances sociales ou des politiques de santé.

3Plus généralement, on peut s’interroger sur le point de savoir quelles sont les orientations politiques des acteurs du champ sanitaire et social : sont-ils nécessairement favorables à la gauche, défendent-ils tous un État-providence généreux ou sont-ils au contraire nuancés voire demandeurs de libéralisme ? La thèse que l’on soutiendra ici est que ce champ n’est pas homogène et que ces professionnels partagent avec l’ensemble des Français une vision très nuancée de l’interventionnisme social. Pour ce faire, on a étudié leurs représentations au travers de l’enquête électorale du Cevipof dont les échantillons de grande taille permettent de mener des analyses comparatives précises sur les différentes composantes de cette population. On conduira cette étude en partant du plus général, les représentations que cette population partage en matière de libéralisme culturel et de libéralisme économique, pour mesurer ensuite l’effet des clivages internes puis sa position plus que nuancée sur les dépenses d’aide sociale.

Méthodologie de la recherche

L’enquête électorale française du Cevipof menée entre décembre 2015 et juin 2017 a permis d’identifier 2 554 professionnels du secteur sanitaire et social. Ce groupe réunit l’ensemble des professions qui concourent d’une manière ou d’une autre à la production de services sociaux en y incluant les services sanitaires. Sur la base de la nomenclature Insee, on a donc réuni des médecins, des kinésithérapeutes, des infirmiers mais aussi des éducateurs spécialisés, des spécialistes de la rééducation, des aides-soignants, des assistantes maternelles comme des personnels des organismes de sécurité sociale. On n’a pas pu repérer néanmoins les cadres de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique de l’État intervenant dans ce domaine, puisqu’ils sont regroupés par catégories professionnelles sans que l’on puisse connaître leur secteur d’intervention. Une autre difficulté méthodologique tient au fait que l’usage de la nomenclature Insee en quatre chiffres réunit parfois en un seul groupe des métiers dont le statut se partage entre le salariat privé, le salariat public et le travail indépendant. Il en va ainsi notamment de la catégorie 5630 qui associe les assistantes maternelles aux gardiennes d’enfants et aux familles d’accueil. De la même façon, certains cadres des organismes de sécurité sociale se classent d’eux-mêmes parmi les salariés du privé ou parmi ceux du public, selon qu’ils ont retenu une définition juridique ou bien sociale de leur situation professionnelle. Malgré ces imperfections, et bien que l’auto positionnement dans un secteur participe de la définition des univers de valeurs, on peut travailler sur la base d’une distribution distinguant 14 % d’indépendants, 40 % de salariés du privé et 40 % de salariés du public. Parmi ces 2 554 professionnels, 1 926 soit 75 % sont actifs, 94 soit 4 % sont au chômage et 534 soit 21 % sont à la retraite. La question se pose également ici de savoir s’il faut ou non séparer les retraités des actifs. On peut soit partir du principe que le retraité s’est détaché de son ancien univers professionnel soit considérer que l’exercice d’un métier conditionne les valeurs retenues après la retraite. On retient ici la seconde solution.

Les métiers dans leur environnement sociopolitique

4On peut se demander en quoi le monde de l’intervention sanitaire et sociale se différencie des autres secteurs d’activité sur le choix des politiques sociales et sanitaires et en quoi le statut professionnel ou le niveau de qualification fait varier ce choix. Sans entrer dans l’immense débat sur la notion de valeur, on en retiendra ici une acception limitée, en tant qu’ensemble de représentations sociopolitiques concernant l’action sanitaire et sociale en particulier et l’action politique en général.

5On peut tout d’abord s’interroger sur le niveau de soutien que les professionnels du social apportent à l’État-providence, ce soutien étant pris dans son contexte sociopolitique par l’étude simultanée de leurs opinions à propos de la question de l’immigration et de leur niveau de libéralisme économique. L’évaluation des univers axiologiques est un exercice délicat car on ne peut se contenter des réponses à des questions ponctuelles qui peuvent très bien n’avoir que peu de lien entre elles. On a donc privilégié l’utilisation de trois indices [1]. Un indice identitaire reposant sur trois items (diminuer le nombre d’étrangers autorisés à rester en France, diminuer le nombre de réfugiés et augmenter le nombre d’expulsions de clandestins) ; un indice de défense de l’État-providence, également constitué de trois items (renforcer les dépenses d’assurance-chômage, d’assurance-maladie et d’aides sociales comme le RSA) ; et un indice de libéralisme économique reposant sur les réponses à trois items (diminuer le nombre de fonctionnaires, réduire le salaire minimum, augmenter la liberté de licencier des entreprises).

6L’analyse montre que les professionnels du secteur social se situent au-dessus de la moyenne des enquêtés en matière de défense de l’État-providence (indice moyen de 0,93 contre 0,80), qu’ils se situent plus bas sur l’indice identitaire (1,52 contre 1,71) comme sur l’indice de libéralisme économique (0,47 contre 0,60). En matière de défense de l’État-providence comme de libéralisme économique, le secteur est plus discriminant que le niveau de qualification. C’est ainsi que l’indice moyen de défense de l’État-providence passe de 0,69 chez les indépendants à 1,07 chez les salariés du privé et à 0,87 chez les salariés du public alors qu’il oscille autour de 0,93 que les professionnels soient de niveau cadre, technicien ou employé. L’indice identitaire varie en revanche bien plus en fonction du niveau de qualification et de diplôme, ce qui reste conforme à la sociologie générale du libéralisme culturel (Schweisguth, 2007).

7Cet univers de valeurs se traduit par une proximité partisane orientée majoritairement à gauche pour 38 % d’entre eux contre 8 % pour le centre, 17 % pour la droite et 12 % pour le Front national, 25 % affirmant n’avoir aucune proximité partisane.

8Cette distribution moyenne est cependant trompeuse car elle varie assez fortement en fonction du secteur d’activité. Les indépendants sont plus orientés à droite (22 %) que les salariés du privé (14,5 %) ou les salariés du public (18,5 %) mais moins que l’ensemble des indépendants d’autres secteurs professionnels (32 %). On remarque également que les professionnels du sanitaire et du social salariés du privé sont davantage proches des partis de gauche que leurs homologues du secteur public, du fait des effets de structures renvoyant à la composition professionnelle différente des métiers du social d’un secteur à l’autre. Dans l’échantillon, les indépendants comprennent 57 % d’employés, 27 % de professions intermédiaires et 17 % de cadres. Cette catégorie est écartelée entre des métiers très modestes (assistantes maternelles et aides familiales, lesquelles ont voté en faveur de Marine Le Pen à hauteur de 25 % au premier tour de la présidentielle de 2017) et des métiers supérieurs (médecins), ce qui explique le taux relativement fort de proximité à la fois avec le FN et la droite parlementaire. Les salariés du privé sont employés à concurrence de 40 %, appartiennent aux professions intermédiaires à 54 % et sont cadres à hauteur de 6 %. Chez les salariés du public, la répartition est légèrement différente : 34 % d’employés, 60 % de professions intermédiaires et 6 % de cadres.

Des professionnels en phase avec les représentations dominantes des grands problèmes politiques et sociaux

9La grande diversité des métiers du sanitaire et du social peut être réduite à deux clivages principaux : le secteur d’appartenance (indépendant, salariat privé ou public) et le niveau de responsabilité (professions supérieures, professions intermédiaires et employés). On part ici des réponses des enquêtés sur l’importance à leurs yeux d’un certain nombre d’institutions sociales ou de questions de société. Comme le montre le tableau 1 p. 138, un certain nombre de questions font l’objet d’un quasi-consensus, que ce soit l’assurance-maladie ou la lutte contre le chômage. La plupart des autres sujets, en revanche, qui renvoient à la position sociale des enquêtés, suscitent un niveau de préoccupation qui varie surtout en fonction du niveau professionnel. Le cas de la criminalité est particulier dans la mesure où il concerne davantage les indépendants (on pense notamment aux médecins fuyant les banlieues sensibles) comme les professionnels du social de niveau modeste. D’une manière générale, la comparaison de la moyenne des réponses avec les préoccupations générales des Français montre que ces professionnels ne sont pas en déphasage avec l’ensemble de la population : une grande importance est accordée aux mécanismes d’assurance sociale, à la pauvreté, au chômage, à l’insécurité – sujets qui passent bien avant la question de l’immigration – et une faible importance est accordée à l’Union européenne comme aux aides sociales.

Tableau 1

Les sujets qui, à titre personnel, sont les plus importants aux yeux des professionnels du sanitaire et du social, par secteur et catégorie socioprofessionnelle (en %)

Tableau 1
Moyenne métiers Moyenne du générale sanitaire et du social Métiers du sanitaire et du social Indép. Salariés du privé Salariés du public Cadres Prof. Inter. Employés Assurance maladie 83 86 84 86 86 83 85 87 Aides sociales 51 56 51 58 56 47 58 56 Retraites 84 86 85 86 87 77 84 91 Lutte contre le chômage 93 92 92 93 92 90 91 94 Pouvoir d’achat 88 87 83 87 88 78 85 91 Criminalité 80 78 87 75 77 71 72 86 Union européenne 46 46 46 48 45 52 46 45 Immigration 70 69 73 67 69 62 65 75

Les sujets qui, à titre personnel, sont les plus importants aux yeux des professionnels du sanitaire et du social, par secteur et catégorie socioprofessionnelle (en %)

Notes :
  • La question est formulée ainsi : « pour vous, à titre personnel, quelle importance revêt l’assurance maladie » etc. Les données indiquent la proportion d’enquêtés se situant sur les degrés 4 et 5 d’une échelle allant de 0 à 5.
  • « Indép. » : indépendants ; « Prof. inter. » : professions intermédiaires.

La critique des dépenses sociales

10Cette première analyse doit être complétée par celle des choix en matière d’aide sociale tels qu’ils s’expriment lors d’arbitrages budgétaires portant sur des questions précises. L’importance d’un sujet ne préjuge pas en effet des réponses qu’on peut apporter à la résolution des problèmes. L’enquête a posé la question de savoir s’il fallait ou non augmenter les dépenses pour un certain nombre de politiques publiques dans le domaine sanitaire et social. Cette seconde analyse confirme celle présentée plus haut, en montrant que le niveau de soutien à des politiques budgétaires plus généreuses envers les aides sociales, l’assurance-chômage ou les aides versées aux étrangers en situation régulière, est bas et ne distingue guère les professionnels du social entre eux ni de l’ensemble des enquêtés, dont le niveau de défense de l’aide sociale est globalement faible [2].

11Les professionnels du social différencient nettement ce qui relève des retraites et de l’éducation de toutes les mesures citées concernant les aides sociales en tant que telles qui n’appellent pas à leurs yeux d’augmentation budgétaire particulière (tableau 2). L’analyse détaillée des réponses révèle cependant que leurs réactions sont même plus négatives sur certains points et ne se limitent pas à refuser des augmentations mais à souhaiter des réductions de crédits. En moyenne, 35 % de ces professionnels souhaitent diminuer le budget de l’assurance-chômage et 42 % souhaitent le laisser à son niveau. De même, 45 % désirent une réduction du budget des aides sociales comme le RSA alors que 36 % souhaitent le maintenir à son niveau actuel. Enfin, last but not least, 63 % d’entre eux veulent réduire le budget consacré aux aides sociales versées aux étrangers en situation régulière alors que 28 % se contenteraient de son maintien au même niveau.

Tableau 2

Les mesures budgétaires à prendre pour l’intervention sanitaire et sociale (en %)

Tableau 2
Augmenter le budget Moyenne pour : générale Moyenne métiers du social Métiers du sanitaire et du social Indép. Salariés du privé Salariés du public Cadres Prof. inter. Employés Le remboursement des soins médicaux 40 42 37 42 43 38 42 43 Les retraites 66 66 61 66 68 60 66 68 L’éducation 62 65 64 68 64 70 67 62 L’assurance chômage 22 22 21 25 19 20 20 25 Les aides sociales comme le RSA 18 18 14 22 16 19 19 16 Les aides sociales versées aux étrangers en situation régulière 6 8 5 10 7 9 8 6

Les mesures budgétaires à prendre pour l’intervention sanitaire et sociale (en %)

Notes
  • La question est formulée ainsi : « Faut-il pour chacune des ces politiques : beaucoup moins de dépenses, un peu moins de dépenses, autant de dépenses, un peu plus de dépenses, beaucoup plus de dépenses ? » Les réponses données ici regroupent celles qui sont données aux deux dernières modalités.
  • « Indép. » : indépendants. « Prof. inter. » : professions intermédiaires.

Une nouvelle polarisation politique

12Le positionnement restrictif voire conservateur des professionnels du social sur certaines dimensions des politiques dont ils sont les principaux acteurs permet d’avancer qu’ils se sont « droitisés ». Pour tester cette hypothèse, on peut comparer leur vote au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 au vote lors du premier tour de la présidentielle de 2012. À l’image de ce que l’on observe pour l’ensemble de l’électorat, le glissement vers le centre et la droite est très sensible, dans la mesure où l’on considère qu’Emmanuel Macron appartient au centre. Ce point peut sans doute être discuté ; en tous cas, les professionnels eux-mêmes interrogés sur le positionnement politique de ce dernier le placent au centre à 60 %, à droite à 22 %, à gauche à 12 % et 5 % ne savent pas. Au total, leur choix électoral est passé (en suffrages exprimés) de 49 % pour l’ensemble des candidats de gauche en 2012 à 32 % en juin 2017 tandis que le choix pour l’ensemble des candidats du centre et de la droite (incluant ici le Front national) est passé de 51 % à 68 %. Par comparaison, le choix moyen de tous les électeurs est passé de 42 % pour les candidats de gauche en 2012 à 28 % en 2017 tandis que leur choix en faveur des candidats du centre et de la droite passait dans le même temps de 58 % à 72 %.

13Mais, comme pour l’ensemble de l’électorat, ce glissement recouvre surtout trois phénomènes de polarisation : la montée en force de Marine Le Pen qui passe notamment de 19 % à 27 % chez les professionnels de niveau employé ; la radicalisation à gauche en faveur de Jean-Luc Mélenchon qui double presque son score moyen et progresse dans toutes les catégories ; l’émergence d’un positionnement centriste et « gestionnaire » porté par Emmanuel Macron qui attire les cadres et les professions intermédiaires qui ont abandonné Benoît Hamon. L’attraction qu’exerce Marine Le Pen sur les professionnels du sanitaire et du social s’explique de la même manière que pour l’ensemble de la fonction publique (Rouban, 2017). L’offre politique du FN a profondément évolué en direction d’un soutien appuyé aux services publics en général et aux services hospitaliers en particulier, comme l’indiquent les « 144 propositions » de Marine Le Pen. Celle-ci a su par ailleurs occuper à droite l’espace politique de la pauvreté et de la précarité tout en capitalisant sur la demande forte d’autorité qui traverse l’ensemble de l’électorat français.

14L’argumentaire nationaliste et souverainiste du FN renvoie également au rejet de l’immigration qui constitue sans doute l’un des marqueurs politiques les plus clairs de la campagne électorale de 2017. Par exemple, si la moyenne des enquêtés considère « qu’il y a trop d’immigrés en France » à hauteur de 57 %, cette proportion est également de 52 % chez les professionnels du sanitaire et du social mais passe de 45 % pour ceux ayant un niveau cadre à 65 % chez les employés. La radicalisation à droite et à gauche est également liée à des facteurs professionnels comme la dégradation des conditions de travail associée au sentiment de ne pas être reconnu pour son travail. L’enquête montre qu’en moyenne 35 % des professionnels actifs estiment être reconnus pour leur investissement dans le travail avec une amplitude qui passe de 43 % pour les indépendants à 36 % pour les salariés du privé et à 32 % pour les salariés du public. En termes de catégories professionnelles, cette proportion varie entre 41 % pour les cadres à 29 % pour les employés.

Tableau 3

Evolution du vote des professionnels du secteur sanitaire et social au premier tour des élections présidentielles de 2012 et de 2017 (en % de suffrages exprimés)

Tableau 3
Résultat 2017 Écart 2012/2017 en points Moyenne Indép. Salariés du privé Salariés du public Cadres Prof. Inter. Employé-e-s J.-L. Mélenchon 22,6 % + 10 + 10,9 + 8,9 + 10,7 + 6 + 11,8 + 11,7 F. Hollande / B. Hamon 7,7 % - 23,9 - 17,2 - 24,6 - 25,1 - 20,2 - 22,5 - 23,2 F. Bayrou / E. Macron 24,3 % + 14,8 + 14,2 + 14,3 + 15,3 + 21,8 + 16,1 + 12 N. Sarkozy / F. Fillon 18 % - 7,7 - 10 - 4,5 - 10,7 - 9,5 - 7 - 12,1 N. Dupont- Aignan 4,8 % + 3 + 1,8 + 3,4 + 3,1 + 1,8 + 3,3 + 3,6 M. Le Pen 18,6 % + 5,1 + 2,4 + 4 + 6,6 + 3,6 + 0,5 + 7,3

Evolution du vote des professionnels du secteur sanitaire et social au premier tour des élections présidentielles de 2012 et de 2017 (en % de suffrages exprimés)

Notes :
  • Les réponses portant sur 2012 et 2017 sont données par les mêmes enquêtés.
  • « Indép. » : Indépendants. « Prof. inter. » : professions intermédiaires.

15Le vote n’est pas en soi un prédicteur de choix en matière de politiques publiques car il intègre des dimensions comme le niveau de patrimoine, l’âge ou la religion que l’on ne peut analyser ici. Néanmoins, son étude confirme une polarisation marquée à la fois par le rejet puissant des solutions offertes par le candidat socialiste en 2017, par l’émergence, qui reste à explorer, d’une demande de pratique gestionnaire qui ne conduise pas mécaniquement à des solutions néo-libérales et par une forte attente d’interventionnisme public. Cette polarisation doit être cependant comprise davantage comme la traduction politique d’un désarroi professionnel qui touche l’ensemble des services aux personnes plutôt que l’abandon des valeurs de solidarité et d’égalité encore très présentes dans ce milieu professionnel.

Notes

  • [1]
    L’indice comptabilise le nombre de fois où l’enquêté répond positivement à une question. Chaque dimension est étudiée ici sur la base de trois questions. L’indice va donc de 0 à 3. On peut ensuite calculer une moyenne pour chaque groupe d’enquêtés. L’intérêt de l’indice est de mesurer simultanément divers thèmes illustrant une même dimension. Pour évaluer l’homogénéité de chaque dimension, on vérifie que les indices constituent des échelles statistiques sur la base de l’alpha de Cronbach. L’indice identitaire est le plus cohérent (alpha = 0,749) suivi par l’indice de défense de l’État-providence (alpha = 0,568) puis par l’indice de libéralisme économique (alpha = 0,509).
  • [2]
    Notamment l’enquête Ipsos « Présidentielle 2017 : les Français et la protection sociale », enquête pour France Télévisions et Radio France, 15 mars 2017, http://www.ipsos.fr/decrypter-societe/2017-03-15-presidentielle-2017-francais-et-protection-sociale
Français

L’analyse empirique des valeurs des professionnels du secteur sanitaire et social montre que ces derniers défendent en moyenne davantage l’État-providence que l’ensemble des salariés du privé ou du public mais qu’ils partagent avec eux le refus d’augmenter les dépenses d’aide sociale comme le RSA et se montrent assez nuancés dans le financement des outils d’intervention. Deux clivages principaux traversent ce milieu professionnel, le secteur d’appartenance et le niveau de responsabilité. Ce dernier reste la variable la plus importante dans l’organisation de leurs valeurs politiques comme de leurs choix en matière de politique sanitaire et sociale. Leurs choix électoraux ont subi une certaine polarisation entre 2012 et 2017, à l’image de celle que l’on enregistre chez l’ensemble des électeurs.

Bibliographie

  • En ligneBertézène S. et Dubrion B., 2013, « Moderniser » les pratiques d’évaluation du travail dans la fonction publique : analyse exploratoire du cas d’un hôpital public, Formation-Emploi, n° 121, p. 83-105.
  • Chauvière M., 2007, Trop de gestion tue le social, Paris, La Découverte.
  • Vérité C. (coord.), 2011, Le management du social, Informations sociales, n° 167.
  • Rouban L., 2017, Quel avenir pour la fonction publique ?, Paris, La Documentation française.
  • En ligneSchweisguth E., 2007, Le trompe-l’œil de la droitisation, Revue française de science politique, vol. 57, n° 3-4, p. 393-410.
  • En ligneSchweyer F. X., 2010, Santé, contrat social et marché : la fonction publique hospitalière en réformes, Revue française d’administration publique, n° 132, p. 727-744.
Luc Rouban
Directeur de recherche au CNRS au Centre de recherches politiques (Cevipof) de Sciences Po. Ses travaux portent principalement sur les administrations publiques, les fonctions publiques et les élites en France et en Europe. Il a publié en 2017 Quel avenir pour la fonction publique ? à La Documentation française, et a codirigé, la même année, avec Pascal Perrineau, La démocratie de l’entre-soi aux Presses de Sciences Po.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 09/11/2018
https://doi.org/10.3917/inso.196.0134
Pour citer cet article
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