CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Dans la plupart des sociétés, des rituels marquent officiellement l’accession des jeunes au statut de membres adultes et autonomes de la communauté. Tous n’ont cependant pas la capacité d’accéder à cette promotion. C’est particulièrement le cas des personnes handicapées mentales : les mesures juridiques et sociales qui les protègent tendent à les maintenir dans une situation d’enfance permanente et font d’elles des « sans âge » à vie.

2De l’observation prolongée d’une pratique originale dans un institut médico-éducatif (IME) de la banlieue parisienne accueillant des jeunes handicapés, Éric Santamaria [*], ethnologue et docteur en sciences de l’éducation, a acquis la conviction que l’accession de ces jeunes à l’âge de la majorité ne devait pas être banalisée. Car, même si le statut de majeur est pour eux vide en droit de tout effet concret, il peut néanmoins revêtir une signification par rapport à la perception que ces jeunes ont de leur place dans un espace social aux frontières si étroites.

3L’équipe éducative de l’IME de Villejuif était convaincue qu’il était nécessaire de les accompagner vers la société des adultes avec ses droits et ses devoirs, même si les exigences de la vie d’adulte sont incompatibles avec les vulnérabilités liées aux différentes formes de handicap. Elle a mis en place, sous la forme d’une interunité des jeunes majeurs (IUJM), une division de l’établissement au sein de laquelle les pensionnaires disposent de certains droits qui ne sont pas reconnus aux mineurs, à commencer par celui de participer à l’élaboration de certaines dispositions du règlement auquel ils sont soumis. L’accession à l’IUJM a lieu le jour du dix-huitième anniversaire du jeune et se déroule avec une certaine solennité, en impliquant l’ensemble des personnels de l’établissement, les pensionnaires et leurs familles lors d’une cérémonie qu’Éric Santamaria qualifie de « rite ».

4Ce rite n’a rien à voir dans le spectaculaire avec les épreuves, quelquefois extrêmement rudes, que décrivent les anthropologues et auxquelles sont parfois soumis les jeunes garçons au moment de leur entrée dans la société adulte. Mais le terme est approprié car le propos de l’auteur est bien de porter sur cette pratique de l’IME un regard ethnologique pour saisir l’existence d’un fait qui n’a de sens que considéré à l’intérieur du groupe qui le produit. Sa démarche éclaire les modalités de l’acquisition de ce nouveau statut d’adulte et interroge son contenu. Elle analyse les transformations engendrées par cette nouvelle quête dans la construction identitaire des usagers, dans les pratiques professionnelles, dans les relations entre les professionnels, les usagers et leurs familles.

5Bien qu’elle se limite à une seule institution de taille modeste, l’observation interroge la place des personnes en situation de handicap mental dans notre société et apporte des réflexions pour une meilleure participation sociale de ces hommes et de ces femmes.

Notes

  • [*]
    Handicap mental et majorité. Rites de passage à l’âge adulte en IME, Paris, l’Harmattan, 2009, 169 p.
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/03/2018
https://doi.org/10.3917/inso.195.0076
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