1L’identification de « générations », regroupant des individus ayant vécu autour de leurs 20 ans des événements fédérateurs, fut d’abord un exercice de démographes, puis de sociologues, avant que le marketing ne s’en empare pour anticiper (et imposer ?) les tendances à venir, grâce au traitement des data.
2Après la génération « Libération », née entre 1920 et 1930, les pays occidentaux connurent l’explosion démographique des baby-boomers. Nés entre 1945 et les années 1960, ceux-ci vécurent les Trente Glorieuses, l’emploi pour tous et Mai 1968.
3La génération X naît entre les années 1960 et la fin des années 1970. Ce terme a d’abord désigné aux États-Unis la jeunesse perdue ou exclue, la « lost generation » [1], celle des « enfants à clé » – dont les deux parents travaillent –, des enfants du divorce et de la télévision. C’est la première à être confrontée au chômage de masse, la première aussi à utiliser l’ordinateur.
4Elle est éclipsée par la génération Y, formatée par la révolution de la communication en ligne – internet puis téléphones intelligents. Nés entre 1980 et 1995 (ou 2000), ces Millenials ont eu vingt ans autour de l’an 2000. Ils sont des « digital natives » connectés en permanence, dont la maîtrise intuitive des outils de communication fascine. Pour la première fois dans l’histoire, les enfants en savent plus que leurs parents en la matière ! Des repères millénaires comme l’Église, l’Armée, voire la famille, s’effacent devant ceux, beaucoup plus éphémères, des communautés en ligne.
5L’apparition des réseaux sociaux crée l’actuelle génération Z, qui en fait un usage intensif. Nés entre 1995 et 2010, souvent classés eux aussi parmi les Millenials, ses membres expriment leur individualité dans le collectif, entre identités plurielles et appartenances multiples. Ils diffusent, échangent et remixent textes et photos sur des plates-formes ou sur leurs blogs. Ils vont et parlent vite.
6Leurs valeurs – horizontalité, échange, collaboration, mobilité… – sont un défi pour les entreprises dont elles bousculent la pesanteur hiérarchique. La « Gen Z » fonctionne en mode « projet » et pas en vue d’objectifs chiffrés. « Ce sont des free-lance nés », assure Éric Delcroix, conseil en entreprise, qui leur consacre un blog, « les z’ed » [2].
7La génération Z chamboule aussi la politique. Elle se tient à l’écart des organisations et partis traditionnels mais défend des valeurs universalistes – l’égalité, le respect de la différence, la justice sociale – et, grâce aux réseaux, s’engage pour des causes ponctuelles, explique la sociologue Anne Muxel [3].
8La connexion permanente crée un rapport différent à soi et aux autres. Des anxiétés sociales apparaissent – la Fomo (fear of missing out, peur de rater quelque chose) ou la « nomophobia » (no mobile phobia, peur d’être sans portable) – et des pratiques tel le ghosting (fantômisation), le fait de disparaître d’une relation amoureuse soudainement, sans même un texto [4].
9Et ensuite ? La génération qui gazouille dans les berceaux est déjà baptisée : ce sera Alpha. Son monde sera celui des objets – et de l’humain ? – connectés. Les travaux de prospective sont déjà en cours…
Notes
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[1]
Le terme « Génération X » aurait été imposé en 1991 par un roman du Canadien Douglas Coupland, Génération X, contes pour une culture accélérée, Saint-Martin Griffin.
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[2]
Cf. le site Internet d’Eric Delcroix, www.les-zed.com.
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[3]
« Les jeunes et l’engagement (politique) ». Un entretien avec Anne Muxel, IONISMag, n° 22, été 2013 ; Muxel A., 2010, Avoir vingt ans en politique, Paris, Seuil.
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[4]
« Why ‘ghosting’ haunts modern relationships », The Guardian, 29 mars 2016.