CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Consistant à aller se faire soigner à l’étranger à moindre coût, le « tourisme médical » est un phénomène dont la croissance est spectaculaire depuis les années 2000 et représente un défi pour le modèle des pays développés. Ce marché global de soins de santé devrait peser cent milliards de dollars dans quelques années, estime Aïssa Khelifa, enseignant et consultant en économie de la santé, auteur d’une recherche sur le sujet [*]– à propos duquel, précise-t-il, les données sont maigres et parfois contradictoires.

2Si le tourisme médical est porté par le développement massif et conjugué du tourisme et d’Internet, il a pour moteur, explique-t-il, « la mue des patients en consommateurs de soins » à travers le « patient empowerment », la responsabilisation des patients qui gèrent eux-mêmes leur santé.

3Sur cette vaste place de marché en ligne, très peu réglementée et contrôlée, se rencontrent les acheteurs, des patients qui évaluent les offres et commentent les services, et les vendeurs, des établissements hospitaliers, situés pour la plupart dans les pays émergents d’Europe de l’Est et d’Asie et dans des zones transfrontalières, qui misent sur l’hypercompétence. Ils sont aussi partenaires d’hôpitaux dans les pays d’origine, par exemple aux États-Unis ou en Grande-Bretagne.

4Entre les deux, de très nombreux courtiers en tourisme médical organisent la filière : contacts, évaluation préalable des patients, sélection des offres, voyage, prise en charge médicale, hébergement… Le marketing et le bouche-à-oreille tenant lieu de référence pour ces intermédiaires irremplaçables, « le pire côtoie le meilleur », écrit l’auteur.

5L’offre s’industrialise. Pour beaucoup d’États, le tourisme médical est une politique de développement économique : visas spéciaux, allègements fiscaux, création de clusters hospitaliers performants et d’agences de promotion (Inde, Malaisie, Thaïlande, Singapour), chambre de commerce dédiée (Pologne)… Côté clients, de grosses entreprises (surtout aux États-Unis) ou des administrations (dans les pays du Golfe) y ont recours pour leurs personnels depuis que les assureurs privés ont commencé à garantir les soins à l’étranger.

6Dans l’Union européenne, la directive sur les soins transfrontaliers de 2011 a « dissocié le financement national et l’offre de soins nationale », écrit Aïssa Khelifa. La Hongrie est spécialisée dans les soins dentaires (en concurrence avec la Tunisie et la Turquie), la Belgique dans les chirurgie esthétique et de l’obésité et l’Espagne, Chypre et la République tchèque dans le traitement de l’infertilité.

7Les patients français sont clients de soins peu remboursés dans leur pays, comme l’implantologie dentaire, et non remboursés, tels la chirurgie esthétique, la chirurgie ophtalmologique et le traitement de l’infertilité. En tant que fournisseur, la France est peu présente alors, déplore l’auteur, qu’elle « dispose d’atouts considérables pour devenir un acteur majeur de l’offre internationale ».

Notes

  • [*]
    Mondialisation des soins et tourisme médical, Khelifa A., décembre 2013, étude pour l’Institut Montparnasse, Collection Recherche.
Léa Rochford
Mis en ligne sur Cairn.info le 28/07/2017
https://doi.org/10.3917/inso.194.0071
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