CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En raison de la variété de ses formes observables, du modèle monoparental au recomposé, du nombre ou du statut de ses membres, unis ou non par des liens formels, ou encore des limites, étroites ou élargies, de ses frontières, la notion de famille a reçu tant de définitions au fil du temps que l’usage même du terme semble porteur de plus d’incertitudes que de sens. Le discours le plus couramment tenu sur elle est ouvertement normatif, cherchant à distinguer le bon du mauvais ou le légitime de ce qui ne le serait pas dans les très nombreuses figures que prend l’institution. Cette démarche intellectuelle n’a pas conduit à un consensus. Les débats restent passionnés. Par exemple, l’essence même de la famille serait-elle à rechercher dans la « nature » pour les uns et dans la seule organisation sociale pour les autres ? Le fondement du lien que partagent ses membres, lequel serait à situer, relève-t-il de la communauté ou de la société – c’est-à-dire d’une solidarité nécessaire à la survie ou bien d’un lien contractuel fondé sur une négociation autour d’intérêts distincts ?

2Gabrielle Radica [1] rappelle la grande perplexité des philosophes d’abord, depuis Aristote, puis tous les autres spécialistes des sciences sociales, dans leurs tentatives de décrire l’étrange entité qu’est la famille. La sélection de textes qu’elle propose s’organise autour de cinq thèmes : la famille entre nature et société, la communauté familiale, la liberté dans la famille, sentiment et justice dans la famille, famille et pouvoirs.

3Un intérêt particulier et justifié est porté dans la dernière partie du recueil aux approches de la famille qui ont été entreprises au cours des trente dernières années. En inscrivant son analyse de la famille dans une recherche sur les formes d’exercice du pouvoir politique, la sociologie française contemporaine semble renouer avec une tradition de dévoilement des déterminismes qui opèrent au cœur de la société. Dans ces travaux publiés depuis les années 1980, la famille est considérée comme un lieu au sein duquel s’exercent des jeux de forces endogènes à travers les relations qu’entretiennent ses membres entre eux, mais, aussi, comme un objet soumis à un certain nombre de pressions sociales, morales, religieuses, qui participent du politique. Il appartient sans doute à Jacques Donzelot [2] d’avoir inauguré ce courant de recherches en montrant comment l’État intervenait sur les familles, en particulier à travers les politiques de l’enfance. Toutefois, c’est probablement dans la critique de l’idéologie du familialisme développée par Rémi Lenoir [3] que réside l’essentiel, l’auteur – qui est un disciple de Pierre Bourdieu – révélant comment la notion de famille s’est progressivement imposée comme une catégorie intellectuelle indispensable à la reproduction des structures sociales.

Notes

  • [1]
    Gabrielle Radica, 2013, Philosophie de la famille, Paris, Vrin.
  • [2]
    Jacques Donzelot, 1977, La police des familles, Paris, Éditions de Minuit.
  • [3]
    Rémi Lenoir, 2003, Généalogie de la morale familiale, Paris, Seuil.
Mis en ligne sur Cairn.info le 23/03/2017
https://doi.org/10.3917/inso.193.0073
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