1Bernard Cazes (1927-2013) a consacré sa carrière à imaginer l’avenir au sein de l’institution comme dans ses livres et ses innombrables articles. Entré au ministère des Finances et des Affaires économiques à sa sortie de l’Éna en 1955, il est mis en 1960 à la disposition du Commissariat général du Plan d’équipement et de la productivité où il restera, jusque bien après l’heure de la retraite. Il y trouve « la place qui convenait à son extraordinaire passion pour les réflexions sur le futur. Il y était l’incontournable spécialiste des études à long terme », témoigne Hugues de Jouvenel [1], fondateur et directeur de la revue Futuribles, dont Bernard Cazes fut un pilier dès l’origine.
2Son savoir n’avait pas de limites, son goût du partage non plus. Attentif à l’essor des études sur le futur, notamment aux États-Unis, au Japon et en Europe, il fut un passeur reconnu, dont « il paraît impossible de lister les livres, et donc les auteurs, qu’il a fait connaître au public français soit en conseillant un éditeur soit en les préfaçant, en en rendant compte ou en en faisant rendre compte », écrit Thierry Paquot [2], qui le décrit comme un « angliciste talentueux et raffiné » dans ses traductions.
3Revuiste invétéré, Bernard Cazes a collaboré à Critique, Arguments et Commentaire, à la Nef, Sociétal et La Quinzaine littéraire, évoluant avec liberté dans un large spectre politique. Partout, il laisse un souvenir marquant. Politique étrangère écrit ainsi : « Discrètement, il nous offrait ses idées non alignées, ses immenses connaissances, un jugement parfois acide mais d’où l’humour était rarement absent. » Julien Damon dit « avoir appris de lui le goût pour les idées, les débats honnêtes, la rigueur intellectuelle et, surtout, les sciences sociales anglo-saxonnes ». S’il semblait réservé, discret, voire austère, ceux qui l’ont connu évoquent un « être érudit et exquis », « attentif et généreux ».
4Son ouvrage majeur, Histoire des futurs : les figures de l’avenir de Saint Augustin au XXIe siècle (1986, Seghers) [3], reste inégalé. Bernard Cazes y fait l’histoire des représentations du futur, des premiers devins aux planificateurs et théoriciens du développement, en passant par les astrologues, les prospectivistes et autres futurologues – d’Hérodote à Cicéron et Sénèque, de Rabelais à Baudelaire, d’Auguste Comte à Max Weber en passant par Nietzsche et Robida, de Gaston Berger à Pierre Massé ou Bertrand de Jouvenel, jusqu’aux auteurs contemporains tel Jacques Lesourne.
5Les circonstances du décès de Bernard Cazes sont particulières. Le couple uni qu’il formait avec sa femme Georgette, partageant travail, lectures, engagements et amitiés, se donne la mort le 22 novembre 2013, dans une chambre de l’Hôtel Lutetia à Paris. Une décision mûrement réfléchie, le grand âge venant. Une ultime liberté.
Notes
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[1]
« Hommage à Bernard Cazes » 6 décembre 2013,
https://www.futuribles.com/fr/document/hommage-a-bernard-cazes/ -
[2]
« Bernard Cazes (1927-2013). Décider de son futur », Hermès, 2014, n° 68, p. 243-245.
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[3]
Réédité et enrichi en 2008 chez L’Harmattan.