1Dans un contexte de restrictions budgétaires qui fragilise les politiques en direction des personnes vulnérables, l’engagement des aidants informels auprès de leurs proches est plus que jamais primordial. Ce rôle central des aidants familiaux a conduit les pouvoirs publics à développer « l’aide aux aidants ». Les mesures qui en découlent peuvent être lues, dans une perspective d’investissement social, comme autant de supports nécessaires pour favoriser le bien-être des individus. Soutenir ce travail informel, longtemps invisible, évite que ces solidarités de proximité – véritable protection rapprochée – ne s’épuisent.
2L’aide informelle apportée aux proches en perte d’autonomie est longtemps restée confinée dans le domaine privé comme une affaire strictement familiale, ne donnant lieu à aucune forme de reconnaissance de la part des pouvoirs publics. Ce n’est finalement qu’au milieu des années 1970, début des années 1980, à l’heure où s’observaient déjà les premiers grippages de l’État social, que cette question des aidants, et plus largement des solidarités familiales, est progressivement devenue un sujet digne d’intérêt (Martin, 2002 ; Capuano, 2012). Aujourd’hui, cette préoccupation repose sur une réalité démographique qui ne peut être ignorée. En France, et d’après les dernières enquêtes nationales réalisées, notamment l’enquête Handicap-Santé « Aidants informels » (HSA) réalisée par la direction des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) en 2008, les aidants représenteraient environ 8,3 millions de personnes. Ils seraient issus principalement du cercle familial (Weber, 2010). Ils sont âgés de 16 ans ou plus et ils soutiennent de façon régulière et à domicile un ou plusieurs de leurs proches pour raison de santé ou de handicap. D’après Bérengère Davin et Alain Paraponaris (2012), la valeur monétaire du travail des aidants familiaux pourrait représenter entre 12,3 et 15,6 milliards d’euros, soit entre 0,6 % et 0,8 % du produit intérieur brut.
3Ce rôle central des aidants familiaux a conduit les pouvoirs publics à développer un certain nombre de dispositifs et/ou de mesures dits « d’aide aux aidants », qui peuvent être lus dans une perspective d’investissement social, comme autant de supports nécessaires pour favoriser leur bien-être. En d’autres termes, il s’agit de soutenir ce travail informel, longtemps ignoré des pouvoirs publics, et ce afin d’éviter que ces solidarités de proximité, cette protection rapprochée, ne s’épuisent. La participation de l’aidant à l’accompagnement d’un proche en perte d’autonomie a, en effet, de multiples conséquences sur l’aidant lui-même ainsi que sur sa vie quotidienne. Un certain nombre de travaux mettent ainsi en évidence les effets délétères sur les modes de vie, les loisirs, la vie professionnelle et, surtout, sur la santé des aidants (Membrado et al., 2005).
4Le rôle d’aidant entraîne d’autres types de problèmes, d’ordre plus social. Cet article s’intéresse plus particulièrement à ceux rencontrés par les aidants dans l’articulation des différentes responsabilités qui leur incombent, sur le plan familial et sur le plan professionnel. Il aborde également les difficultés auxquelles les aidants sont confrontés sur le plan organisationnel mais aussi émotionnel dans l’accompagnement de leur proche vulnérable. Il s’agit alors de donner aux aidants les moyens et les capacités de faire face à leur rôle – on parle alors de logique d’« empowerment » (en français « encapacitation »).
5Ces interrogations en termes de prévention de la santé, d’articulation des différents temps sociaux ou d’empowerment de l’aidant s’inscrivent dans une réflexion plus globale sur la notion d’« investissement social », visant à préparer les individus à faire face à l’évolution des risques sociaux, à renforcer les capacités des citoyens et à soutenir leur participation à la société et au marché du travail. L’article identifie les dispositifs mis en place en France dans le secteur des personnes âgées en perte d’autonomie, posant la question de leur impact sur le rôle d’aidant.
Les enjeux d’articulation de la vie familiale et de la vie professionnelle
6Les enquêtes européennes – l’enquête Share, Survey on health, ageing and retirement in Europe, notamment – montrent qu’apporter de l’aide à un proche en perte d’autonomie fragilise le maintien en emploi, l’intensité et la durée de l’aide, rendant l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle difficile. À propos des aidants de personnes âgées, Roméo Fontaine (2009) démontre ainsi le lien entre l’intensité de l’aide apportée et l’emploi. Une relation décroissante existe entre le nombre d’heures d’aide et le taux d’emploi, qui passe de 63 % pour ceux apportant en moyenne moins d’une heure par jour à 5 % pour ceux apportant plus de huit heures d’aide par jour. Comme l’ont montré des travaux plus qualitatifs (Da Roit et Le Bihan, 2011 ; Campéon et Le Bihan, 2013), dans la vie quotidienne, les aidants familiaux qui s’occupent d’une personne (enfant, parent ou conjoint) en perte d’autonomie doivent assumer une série de tâches allant d’une aide concrète aux travaux ménagers ou à la toilette à une intervention plus diffuse de surveillance et de suivi. L’intervention d’aidants rémunérés ne signifie pas qu’il n’y a plus aucune aide informelle, mais plutôt que les formes de cette aide évoluent, passant de tâches très concrètes à une intervention plus diffuse et difficile à appréhender quantitativement.
7Les aidants familiaux s’occupent fréquemment de la gestion des comptes, des courses et de la logistique en général. Ils assument une veille continue au quotidien, s’assurent que les relations avec les intervenants professionnels soient bonnes, et ajustent l’organisation au fur et à mesure de l’évolution de l’état de santé de leur proche. Ils prennent également les contacts avec les différents services, effectuent les démarches administratives et accompagnent leur(s) parent(s) chez le médecin ou à l’hôpital. Enfin, ils doivent faire face aux imprévus et aux situations d’urgence, courantes dans les trajectoires de personnes âgées dépendantes. Au regard de leurs différentes responsabilités, l’articulation des temps sociaux pour les aidants peut donc être problématique.
8Par ailleurs, la prise en compte des effets délétères de l’aide sur la santé des aidants a conduit, dans les années 1980, à conceptualiser l’aide comme un « fardeau » (burden, dans les recherches nord-américaines à l’origine de cette conception de l’aide) et à faire de ces aidants les secondes victimes d’une trajectoire de maladie ou de handicap (Ebersold, 2005 ; Samitca, 2004). Cette perspective du fardeau, initiée dans l’étude de la prise en charge des personnes âgées en situation de dépendance, s’est imposée relativement facilement dans un contexte de reflux des États-providence, et de réaménagement des solidarités publiques et privées, qui a notamment pris la forme d’une rationalisation des coûts des systèmes publics de santé et de prévoyance, et d’un renforcement des solidarités familiales (Le Bihan et Martin, 2014).
9Tenir compte du lien entre l’investissement dans le rôle d’aidant et l’évolution du marché du travail est dès lors un enjeu politique important en France. L’enquête HSA (Soullier, 2012) dresse le profil des aidants familiaux et permet de préciser ce lien. Âgés en moyenne de 52 ans, les aidants sont le plus souvent des femmes – 57 % des aidants (Weber, 2010). Ainsi, 82 % des personnes handicapées aidées âgées de 5 ans à 24 ans le sont par leur mère (dans 6 % des cas par leur père), et cette surreprésentation des femmes se retrouve quelle que soit la classe d’âge considéré, bien qu’à des échelles moindres. Un résultat qui n’est pas sans conséquence en raison de la participation croissante des femmes sur le marché du travail et dans la mesure où l’investissement dans les tâches de « care » – les soins prodigués aux personnes vulnérables – se fait parfois au détriment de leur activité professionnelle. Au-delà de cette question de l’égalité hommes-femmes, centrale dans la démarche d’investissement sociale, on constate par ailleurs l’importance numérique croissante des aidants qui occupent un emploi en France – 47 % d’après l’enquête HSA. Les aidants en emploi représentent ainsi 15 % de la population active (Sirven et al., 2015). Comme l’expliquent Nicolas Sirven, Roméo Fontaine et Michel Naiditch, ils évoluent dans un contexte spécifique lié à une situation d’emploi tendu, à la faible flexibilité du marché du travail et à la politique de l’emploi qui a longtemps fait, et continue à faire, de la tranche des 50-55 ans une variable d’ajustement de la politique menée.
10Dans leur proposition de refonte du système de protection sociale, Bernard Gazier, Bruno Palier et Hélène Périvier (2014) mettent l’accent sur l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle, illustrant ainsi la nécessité de prendre en compte les interdépendances et les transversalités. Quels dispositifs peut-on dès lors imaginer pour les aidants familiaux ? La recherche de flexibilité pour faciliter cette conciliation apparaît comme une solution partagée par différents pays européens. Elle peut aller dans le sens des démarches d’investissement social dans la mesure où il s’agit de donner aux individus les moyens d’organiser leur vie quotidienne et de promouvoir la qualité du travail et de l’emploi (Gazier et al., 2014 ; Palier, 2014).
Recherche de flexibilité et responsabilisation des aidants familiaux
11Le développement de prestations monétaires accordées aux familles pour faire face à leurs besoins d’aide est une première forme de flexibilisation (Da Roit et Le Bihan, 2010). L’un des principaux arguments avancé pour justifier ces mesures, notamment lorsqu’elles sont récentes, est le « libre choix », pour les familles, que faciliterait le versement de prestations en espèces. Cette responsabilisation souhaitée par les familles s’appuie sur une recherche de flexibilité, c’est-à-dire la possibilité de recruter un professionnel de l’aide à domicile quelques heures par semaine, en complément de l’aide familiale apportée au quotidien par le conjoint ou par les enfants ; ou, à l’inverse, le choix d’une délégation importante aux professionnels de l’aide à domicile, voire la rémunération d’un proche disponible pour assurer certaines tâches. Tout dépend de la situation de vie – sociale, familiale et pas uniquement médicale – de la personne en perte d’autonomie et de celle des aidants qui l’entourent. Mais l’impact de ces prestations monétaires – en France, pour les personnes âgées dépendantes, il s’agit de l’Allocation personnalisée d’autonomie (Apa) [1] – est ambigu car elles exigent un investissement des aidants familiaux. En effet, attribuées aux personnes âgées en fonction de leur niveau de dépendance et de leurs besoins, la gestion de ces prestations nécessitent la présence d’un proche pour prendre contact avec les services d’aide, assurer la coordination des différents professionnels mobilisés et de manière plus globale le suivi de la situation.
12Si ces prestations sont, dans des pays comme la France ou l’Allemagne, un moyen de soulager les aidants familiaux dans la mesure où elles permettent l’externalisation d’une partie des tâches de care à des professionnels, traduisant une redéfinition du régime de care familialiste initial (Anttonen et Sipila, 1996 ; Le Bihan et Martin, 2014), cette délégation introduit d’autres contraintes pour les aidants. En effet, il revient à ces derniers d’assurer l’organisation et le suivi des différentes aides sollicitées. Le rôle de coordination et de « care manager » (« coordonnateurs des soins ») est ainsi renforcé (Da Roit et Le Bihan, 2011). Tout dépend alors du degré de régulation de ces dispositifs et de l’intervention ou non des professionnels dans cette activité de coordination. Dans les pays du Nord ou au Royaume-Uni, des référents professionnels, les « case managers », contribuent à ces tâches de coordination. En France, où la fragmentation des secteurs sanitaire et médico-social est particulièrement prégnante, la procédure d’attribution de l’Apa fait appel à des professionnels qui définissent un plan d’aide, mais ils ne sont pas toujours suffisamment présents en aval, dans le suivi des situations. L’introduction récente des « gestionnaires de cas » en charge des situations complexes vise à répondre à ce besoin d’accompagnement des aidants dans le suivi de l’organisation mise en place autour du proche en perte d’autonomie.
13L’existence de congés peut également permettre aux aidants familiaux d’assumer les différentes tâches qui leur incombent, en leur laissant une plus grande flexibilité dans la gestion du temps au quotidien. Tout dépend alors des caractéristiques des dispositifs mis en place, qui varient d’un pays à l’autre : ces congés peuvent être rémunérés ou non rémunérés, courts ou longs, spécifiques au secteur de la perte d’autonomie des personnes âgées ou aux enfants en situation de handicap, ou de portée plus large. Ces caractéristiques ont bien entendu un impact sur leur utilisation. En France, il existe aujourd’hui deux congés destinés aux aidants familiaux : le congé de solidarité familiale pour accompagner un proche en fin de vie et le congé de soutien familial (renommé « congé de proche aidant » dans la loi d’adaptation de la société au vieillissement en 2016) pour s’occuper d’un proche âgé dépendant ou lourdement handicapé. Le premier ne concerne qu’un type de situation : la fin de vie. D’une durée de trois mois renouvelables une fois, il n’est pas rémunéré, mais son bénéficiaire peut obtenir l’Allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (pour vingt et un jours maximum, d’un montant forfaitaire de 55 euros par jour). Le second congé touche une population d’aidants beaucoup plus large, mais il n’est pas rémunéré. Outre la portée limitée de ces congés très ciblés qui ne couvrent qu’une petite partie des besoins des aidants, il faut souligner le manque d’information sur leur existence : 73 % des aidants ont une faible connaissance du congé de soutien familial et 70 % du congé de solidarité familiale (Sirven et al., 2015). Dans tous les cas, ces congés sont très peu utilisés. Des enquêtes plus qualitatives menées en France (Le Bihan et al., 2013) soulignent la préférence des aidants pour le recours à leurs journées de RTT, voire à leurs congés annuels, qui peuvent être rémunérés, qui peuvent ainsi apporter la flexibilité nécessaire à l’organisation et au suivi des situations d’aide.
14Mais qu’en est-il dans les autres pays européens ? Les différents travaux comparatifs réalisés (Le Bihan et al., 2013 ; Le Bihan et Martin, 2014) montrent que les caractéristiques des congés proposés ont un impact sur leur utilisation. Au Portugal, par exemple, où les congés sont possibles mais ne peuvent pas être rémunérés, les aidants familiaux préfèrent poser des jours de congés annuels lorsque cela est nécessaire. La durée des congés proposés est également déterminante et il semble que la possibilité de prendre une journée de manière régulière soit une réponse adaptée à la demande des aidants familiaux. Enfin, comme le confirment également certaines études quantitatives (Fontaine, 2009), le congé long n’est pas forcément la réponse la plus adaptée à la demande des aidants familiaux, qui restent très attachés à leur activité professionnelle et la présentent souvent comme nécessaire pour faire face aux responsabilités de care et éviter un investissement trop important. C’est peut-être dans le choix proposé et dans l’éventail des formules proposées que réside la solution la plus adaptée aux besoins divers des aidants familiaux (Le Bihan et Martin, 2012). Ainsi, aux Pays-Bas, trois types de congés sont mis en place : un congé pour urgence familiale, rémunéré ; un congé de dix jours par an pour s’occuper d’un proche dépendant, rémunéré 70 % du salaire ; et un congé de soins de longue durée pour s’occuper d’un parent en fin de vie, jusqu’à douze semaines non rémunérées, avec garantie de retrouver son poste. Cette variété de l’offre donne aux familles une réelle flexibilité dans l’organisation de la vie quotidienne, qui facilite l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle (Knijn et Da Roit, 2013).
15L’aménagement du temps de travail est une autre réponse pour faciliter l’articulation des temps. Mais si le temps partiel existe en France comme dans de nombreux pays, cela ne signifie pas que sa pratique soit la même partout. Bien souvent subi et réservé aux emplois peu qualifiés, l’aménagement du temps de travail reste peu utilisé comme moyen d’articulation entre vie familiale et emploi.
Empowerment et socialisation au rôle d’aidant
16Une autre forme d’action en faveur des aidants familiaux mérite d’être interrogée lorsque l’on pose la question de l’investissement social : les dispositifs d’aide visant notamment à développer les compétences sociales et à faciliter l’« empowerment » des aidants (Le Bihan et al., 2014). L’empowerment désigne, en effet, le processus par lequel les individus ou un groupe d’individus augmentent leurs capacités de choix et de contrôle dans les domaines clés de leur vie afin d’améliorer leur qualité de vie (Adam, 2003 ; Smith, 2008).
17Ce processus implique une démarche d’autoréalisation et d’émancipation des individus, de reconnaissance des groupes ou des communautés et de transformation sociale (Bacqué et Biewener, 2013). Cette notion, que l’on retrouve dans de nombreux domaines – la démocratie participative, l’intervention sociale [2] ou encore le management des entreprises – connaît un succès croissant dans le secteur du handicap depuis les années 1990, avec le développement des « disability studies », c’est-à-dire des recherches sur le handicap et la perte d’autonomie.
18Dans cette perspective, on peut analyser un certain nombre de mesures en faveur des aidants. Ainsi, à la suite des préconisations de la Conférence de la famille de 2006 pour le soutien à apporter aux aidants familiaux, la loi Hôpital, patients, santé et territoires de 2009 a permis à la Caisse nationale de Solidarité pour l’Autonomie de budgéter des dépenses de formation réservées aux aidants familiaux. Un objectif de formation qui était, entre autres, destiné à les informer mais également à leur assurer un soutien pour leur donner les moyens d’agir autrement, pour faire face à certaines situations d’accompagnement rendues problématiques. En outre, depuis le troisième plan Alzheimer (2008-2012), auquel il faut d’ailleurs reconnaître un rôle majeur dans la reconnaissance du rôle et des difficultés des aidants familiaux, des dispositifs publics protéiformes « d’aide aux aidants », destinés à soutenir cet engagement, ont été imaginés, à l’instar des plates-formes de répit [3]. Celles-ci proposent des services variés, qui vont bien au-delà du répit qui permet aux aidants de souffler et de prévenir le risque d’épuisement.
19Au sein de ces plates-formes, le mécanisme à l’œuvre est notamment celui de l’empowerment des aidants (Kenigsberg et al., 2013). Il s’agit, en effet, d’une forme de socialisation au rôle d’aidant, visant à permettre aux aidants de (ré)acquérir la capacité de faire un choix éclairé et à prendre la décision adaptée à la situation qu’ils vivent au quotidien auprès de leur proche malade, grâce à l’intervention d’un professionnel des plates-formes qui prend en compte les besoins des aidants, les spécificités de leur situation personnelle et familiale ou du contexte social dans lequel ils évoluent. On peut décliner cet effet en trois points (Le Bihan et al., 2014) : un meilleur repérage des services et des institutions dédiés à l’aide de la personne malade, qui permet de penser et d’organiser la suite de l’accompagnement ; l’appropriation de tactiques pour faire face aux dysfonctionnements engendrés par la maladie chez le proche malade et dans la vie quotidienne ; l’évaluation de la situation par les aidants, leur permettant de lever certains blocages, en étant guidés par les professionnels.
20***
21Faire reconnaître le rôle central de ces acteurs du soin profane et rappeler le caractère indispensable de leur contribution, voilà aujourd’hui les principaux besoins que les aidants revendiquent ouvertement tant vis-à-vis des professionnels avec qui ils collaborent que vis-à-vis des pouvoirs publics. Ce besoin de reconnaissance passe notamment par le droit au répit et des droits sociaux renforcés. Les pouvoirs publics semblent aller dans ce sens. En témoigne, par exemple, la récente loi d’adaptation de la société au vieillissement qui reconnaît ce rôle du « proche aidant » [4] et institue un droit au répit complété par la création d’un dispositif d’urgence en cas d’hospitalisation de l’aidant.
22Mais la nécessité de reconnaître ce rôle des aidants familiaux va bien au-delà si l’on considère que les dispositifs d’aide aux aidants s’apparentent à des investissements sociaux qui profitent à tous car ils permettent à leurs bénéficiaires qui travaillent de mieux vivre leur rôle d’aidant et de mieux articuler leurs différentes responsabilités professionnelles et de « care ». Cela a au moins deux conséquences sur le plan économique : d’abord, une meilleure productivité au sein des entreprises, puisque les aidants restent investis sur le plan professionnel. Ensuite, une diminution des coûts liés au développement de l’intervention publique dans le secteur de la perte d’autonomie, dans la mesure où cette dernière s’appuie sur les aidants familiaux qui vivent mieux leur rôle d’aidant. Il faut également ajouter l’importance de cet accompagnement des aidants pour éviter les risques d’épuisement et préserver leur investissement, reconnu comme indispensable dans un contexte de restrictions budgétaires qui ne permet pas de développer une offre de services à la hauteur des besoins des personnes en perte d’autonomie. Tenant compte de ces différents éléments, les mesures concrètes facilitant l’articulation des temps sociaux ou celles qui visent à socialiser les aidants dans leur rôle ou encore à les accompagner dans le suivi de leurs proches en situation de perte d’autonomie restent timides en France et ne permettent pas d’atteindre l’objectif visé.
Notes
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[1]
L’Allocation personnalisée d’autonomie (Apa) est versée aux personnes âgées dépendantes afin de leur permettre de rémunérer les aides à domicile ou, pour celles qui sont accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), à acquitter une partie des frais liés à leur prise en charge. Son montant est modulé en fonction des ressources et du degré de perte d’autonomie de la personne.
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[2]
En France, c’est surtout dans ce champ qu’elle a fait son apparition dans les années 2000 à partir des travaux de chercheurs francophones. Voir Bacqué et Biewener (2013, chapitre 1) ou encore Vallerie (2012).
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[3]
Une plate-forme de répit est un dispositif qui offre une palette diversifiée de solutions de répit pour les aidants de proches atteints de la maladie d’Alzheimer. Cette plate-forme est portée par un accueil de jour d’au moins dix places, autonome ou adossé à un Ehpad.
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[4]
« Est considéré comme proche aidant d’une personne âgée son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne » (article 51).