1Avec la répétition de plus en plus rapide des crises économiques au cours des cinquante dernières années, les pouvoirs publics ont perdu la possibilité de financer seuls des politiques sociales de plus en plus coûteuses. À cette disparition de l’État-providence et de sa compétence quasi régalienne dans le domaine, une réponse a été donnée sous la forme de l’obligation à impact social, syntagme qui traduit assez heureusement l’expression anglo-américaine de Social Impact Bond (SIB), laquelle désigne un outil financier de partenariat original permettant de faire financer des actions sociales par des investisseurs privés.
2La formule n’a rien de commun avec la philanthropie, qui s’exerce à fonds perdus, puisque les sommes investies sont ici remboursées avec un taux d’intérêt, à condition toutefois que les objectifs assignés conjointement par l’investisseur et par l’État à l’opération qui fait l’objet du financement aient été atteints.
3Imaginée par un économiste néo-zélandais, Ronnie Horesh, en 1988, l’idée n’a connu sa première réalisation concrète qu’en 2010 en Grande-Bretagne, afin de financer un programme de réinsertion sociale de détenus. Elle a été ensuite adoptée aux États-Unis, en Suède et en Australie.
4Dans la pratique, le contrat engage trois parties : l’État (ou le gouvernement), un financeur privé, acteur de l’économie solidaire, et une association à but non lucratif, prestataire du service envisagé. La mission est définie en termes de durée et de résultats et, à l’issue de son déroulement, une instance indépendante procède à son évaluation. Si les résultats sont conformes aux attentes du maître d’œuvre (l’État), les sommes avancées sont remboursées à l’organisme financier avec les intérêts convenus, voire bonifiés si les objectifs ont été dépassés ; en revanche, un échec de la mission n’entraîne pas de remboursement, l’argent investi auprès de l’association devenant alors un simple don caritatif. Autrement dit, la puissance publique ne paie pas pour une action mais pour un résultat.
5Un tel mode de financement a inspiré des réactions diverses. Certains sont plutôt enthousiastes devant l’élargissement de la responsabilisation de la société face à ses problèmes et au changement que cela marque dans la mentalité française. D’autres dénoncent « une financiarisation croissante de notre société », selon l’expression du collectif des associations citoyennes qui, à la découverte du projet [1] a exprimé son inquiétude devant le risque de mise des associations dans la dépendance des grands investisseurs financiers et sa grande préoccupation devant un dispositif qui pourrait se révéler in fine onéreux pour les finances publiques.
Notes
-
[1]
Sibille H., 2014 Comment et pourquoi favoriser des investissements à impact social ? Innover financièrement pour innover socialement, Rapport du Comité Français sur l’investissement à impact social, Paris.
http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/RapportSIIFce_vdef_28082014.pdf