CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’image d’un individu seul contre tous, détenteur d’une vérité ou d’un secret dont dépend la sécurité de ses contemporains incrédules ou hostiles, s’est imposée dans le cinéma et la littérature auxquels elle a inspiré beaucoup de récits. Loin de relever de la fiction, ce rôle social s’est réalisé en même temps que les lieux dédiés à la recherche se multipliaient et que le développement des techniques de l’information élargissait à la fois les voies d’accès aux connaissances et les moyens de diffusion de celles-ci.

2Le terme de « lanceur d’alerte » désigne ces nouveaux acteurs sociaux dont Edward Snowden, avec sa dénonciation des écoutes généralisées, constitue sans doute l’exemple le plus connu. Il a été créé à la fin des années 1990 par deux sociologues, Francis Chateauraynaud et Didier Torny [1] puis popularisé par André Cicolella, toxicologue et chercheur en santé environnementale, lui-même licencié en 1994 par son employeur, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), et soutenu par des juristes, des militants associatifs et des journalistes.

3Le lanceur d’alerte a pour but de signaler à l’attention publique un risque ou un danger encore inconnus mais qui, à ses yeux, menacent gravement les êtres humains, la société, l’économie ou l’environnement. Son action est désintéressée et parfois risquée pour sa santé financière ou physique, sa réputation, la tranquillité de sa vie et sa sécurité personnelle dans la mesure où, la plupart du temps, elle contrarie des logiques institutionnelles et des intérêts économiques ou politiques disposant de moyens puissants pour réduire leurs adversaires au silence.

4De même qu’un lanceur d’alerte n’est ni un imprécateur ni un « corbeau », l’alerte elle-même n’est ni une rumeur ni une calomnie mais, selon les termes de la définition donnée en 2014 par le Conseil de l’Europe, « une information concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général » connue de la personne qui la diffuse dans le contexte de sa relation de travail, dans le secteur public ou dans le secteur privé. Loin d’être simplement allégué, le fait évoqué doit pouvoir être attesté par des éléments matériels de preuve et présenter une chronologie claire.

5Le lanceur d’alerte s’est vu reconnaître un statut qui reste assez précaire, selon l’ONG Transparency International [2] ou la Fondation des sciences citoyennes [3]. L’une et l’autre déplorent une protection hétérogène qui repose aujourd’hui en France sur un ensemble de cinq lois dont aucune n’est complète, laissant le plus souvent seuls et mal protégés ces vigies fragiles de la démocratie.

Notes

Mis en ligne sur Cairn.info le 20/06/2016
https://doi.org/10.3917/inso.191.0019
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