CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Sous un nom modeste et métaphorique, le Théâtre du fil tient depuis près de quarante ans, avec des hauts et des bas, il faut le reconnaître, un rôle original dans le monde de l’action culturelle et sociale. Il se définit comme une « compagnie-école, école de théâtre, école de vie ». Véritable entreprise de spectacles animée par six professionnels (metteurs en scène, décorateurs, chorégraphe, techniciens) qui aiment se désigner comme « éduc’acteurs » et affichant un répertoire varié, il est un lieu reconnu de formation aux métiers de la scène. Mais il est également une entreprise d’insertion ouverte à des jeunes en difficulté placés sous mandat judiciaire ou administratif et répond aux projets de l’éducation populaire visant une transformation sociale par l’éducation, l’accès à la culture et l’usage de méthodes d’action collective. Dans un long article qu’elle consacre au Théâtre du fil [*], une doctorante en sociologie, Céline Fèvres, note que la formation qu’il propose se déroule à la fois en interne, sous la forme d’un « laboratoire pédagogique », et en externe, sous la forme de « stages de réalisation » en partenariat avec différentes structures sociales.

2Issu de l’imagination et surtout de la volonté farouche d’un homme, Jacques Miquel, alors éducateur spécialisé, le Théâtre du fil a rapidement bénéficié du soutien des ministères de la Justice (via la direction alors dénommée de « l’éducation surveillée ») et de la Jeunesse et des Sports (éducation populaire), l’un et l’autre soucieux, dans la mouvance des idées de 1968, d’encourager la société civile à participer à la modernisation des politiques publiques destinées à la jeunesse. Mais, dès 1975, le Théâtre du fil s’est émancipé de ces tutelles en adoptant un statut d’association selon la loi de 1901 et des règles de fonctionnement, le « faire avec », le « vivre ensemble », la non-hiérarchisation des fonctions et une large ouverture interactive sur le reste de la société, qui, dans le cadre des contraintes propres à l’activité théâtrale, sont aussi impératives et formatrices que la discipline sur le pont d’un navire.

3Conçu dans le foisonnement idéologique invitant aux décloisonnements des années post-68 et alimenté par l’intérêt pour des mouvements théoriques comme l’antipsychiatrie et l’antipédagogie, le théâtre a alors suivi son chemin en retrouvant les voies de l’itinérance qui étaient celles des compagnies du XVIIe siècle, et qui l’ont conduit dans de nombreux lieux souvent délaissés par l’offre culturelle ordinaire, comme les hôpitaux psychiatriques ou les prisons. À l’âge d’or (1981-1997) qui a suivi sa phase de maturation a succédé une ère de plus grande difficulté, liée à la fois à la diminution du soutien institutionnel ainsi qu’à la disparition progressive de ceux qui l’ont animé. Mais le théâtre vit toujours et the show must go on !

Notes

Mis en ligne sur Cairn.info le 15/04/2016
https://doi.org/10.3917/inso.190.0025
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