CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le nom de Roland Lebel [*] n’est pas celui qui vient en premier à l’esprit quand on évoque la naissance de la Sécurité sociale ou de la branche Famille. Pourtant, sa carrière de quarante années au sein de l’institution fait de lui un acteur historique. Recruté comme simple agent, il fut l’un des architectes et l’administrateur actif de la branche Famille, y introduisant des méthodes de gestion innovantes et efficaces, comme l’animation du réseau des Caf fondée sur la concertation et la coconstruction.

2C’est probablement de son enfance difficile que Roland Lebel a acquis très tôt la conviction, qui ne l’a jamais quitté, que la puissance publique devait apporter à la famille l’appui que les circonstances de la vie rendaient nécessaire. Né à Reims le 1er septembre 1912, Roland Lebel est mort à Paris dans sa cent unième année le 17 avril 2013. Dernier-né de trois enfants, il perdit son père au cours de la Première Guerre mondiale et devint pupille de la Nation. Dès l’obtention de son certificat d’études à l’âge de quatorze ans, il trouva dans une banque un premier emploi de bureau afin d’aider sa mère à élever la famille. À l’âge de vingt ans, il décida de reprendre ses études dont il combina les exigences avec celles d’un travail compatible ; il entra alors comme agent payeur dans une caisse de compensation des allocations familiales, découvrant ainsi « sur le terrain » la profonde misère de beaucoup de familles parisiennes, alors qu’il leur apportait à domicile l’argent de leurs allocations. Ayant acquis une licence en droit, il devint chef du personnel de la caisse de Paris. Homme de gauche et militant de la cause familiale, Roland Lebel adhéra à la Confédération général du travail (CGT) dont il devint rapidement secrétaire fédéral. Au moment de la scission de 1947, il choisit de rejoindre Force ouvrière. Père de trois enfants et attaché à la laïcité, il appartenait aussi à la Ligue de l’enseignement et à la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE).

3En 1946, à la création de la branche Famille de la Sécurité sociale, il est nommé directeur de l’Union nationale des caisses d’Allocations familiales (Uncaf), structure associative et souple, chargée d’être l’interface entre les caisses et les pouvoirs publics. Il est maintenu en poste en 1967 lorsque l’Uncaf devient un établissement public administratif sous l’appelation de Caisse nationale des Allocations familiales (Cnaf). Il quitta volontairement son poste en 1973, déçu, semble-t-il, par la bureaucratisation de l’organisme. Il prit alors une retraite active en devenant membre du Conseil économique et social où il siégea dix ans au titre de la Cnaf. À ce titre autant qu’en raison de sa parfaite connaissance du secteur, il était fréquemment consulté par les ministres des Affaires sociales au cours de cette période. Il fut élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur en 1985.

4Ses engagements militants et professionnels étaient déterminés mais sans sectarisme, selon de nombreux témoignages [*]. Pierre Laroque soulignait par exemple que Roland Lebel « jouissait de l’estime de tous à quelque tendance qu’ils aient appartenu et qu’il montrait dans l’exercice de ses fonctions une modestie parfois excessive, une réserve, une capacité de sympathie qui lui valaient une amitié générale ».

5Ses écrits portent la marque de sa connaissance fine de la question familiale. Ils témoignent aussi de l’humanisme, du réalisme et du respect des autres qui caractérisaient sa personnalité et sa méthode intellectuelle. En dehors de ses interventions officielles, il est l’auteur de nombreux articles dans des revues comme Droit social et d’un rapport remis en 1980 au gouvernement sur les aspects financiers de la natalité (Lebel et Johannet, 1980) [1].

Notes

  • [*]
    Des éléments de la biographie de R. Lebel sont rapportés dans l’ouvrage de Jacqueline Ancelin, ancienne directrice de l’Action sociale à la Cnaf, L’action sociale familiale et les caisses d’Allocations familiales (Paris, Association pour l’étude de la Sécurité sociale, 1997) et dans l’hommage au premier président de l’Uncaf, coordonné par Robert Fonteneau et Philippe Steck, Pierre Boisard et la politique familiale (Paris, Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 2011).
  • [1]
    Roland Lebel (dir.) et Gilles Johannet (rapporteur), 1980, Natalité : aspects financiers, rapport du Haut Conseil de la population remis à M. Matteoli, ministre du Travail et de la Participation, Paris, La Documentation française.
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/11/2015
https://doi.org/10.3917/inso.189.0029
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