1Trois directives de la CEE imposant le principe de l’ouverture du marché et de la libre concurrence à « l’assurance directe autre que l’assurance sur la vie » ont été transcrites en droit français. Se fondant sur l’interprétation de ces textes, un certain nombre de juristes sociaux d’inspiration libérale soutiennent que les citoyens français disposeraient désormais du libre choix du prestataire qui les protège dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire. Ceux-ci pourraient ainsi se désaffilier de la Sécurité sociale ou du Régime social des indépendants (RSI) pour se couvrir auprès d’un prestataire privé contre les risques assurés par ces institutions.
2Cette position est très vivement contestée par les autorités politiques et judiciaires, y compris la Cour de justice de l’Union européenne, aux yeux desquelles l’obligation pour les Français de cotiser en France est tout à fait compatible tant avec la coordination européenne des régimes de sécurité sociale qu’avec les règles européennes de la concurrence et les dispositions des directives européennes sur l’assurance, en particulier celle sur l’abolition du monopole en matière d’assurance à laquelle se réfère l’analyse libérale [*].
3Si une telle liberté s’applique bien au choix – facultatif – d’une mutuelle qui apportera un complément de couverture au souscripteur, cet organisme, dont la compétence n’est que subsidiaire, ne peut légalement pas se substituer au régime de Sécurité sociale. Sur ce point, la Constitution de 1958, qui se réfère explicitement au préambule de celle de 1946, est très claire : elle rappelle le principe de solidarité sur lequel repose la Sécurité sociale et l’obligation pour toutes les personnes travaillant en France de s’affilier et de s’acquitter des cotisations qui assurent son fonctionnement. Il est évident que la Sécurité sociale n’est pas un simple régime d’assurance procédant à des remboursements de frais mais une institution qui finance aussi, entre autres dépenses, la construction, l’équipement et le fonctionnement des structures de soin, la recherche ou la formation des personnels.
4Si l’obligation de cotiser à la Sécurité sociale n’est pas contraire aux règles européennes de la concurrence, c’est que celles-ci ne lui sont pas applicables [1] selon une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, initiée en 1993 par le rejet du recours de deux travailleurs indépendants français qui avaient cessé de cotiser à la Sécurité sociale pour souscrire uniquement une assurance privée. Le juge communautaire considère en effet que les organismes de Sécurité sociale n’exercent pas des activités économiques au sens des règles européennes de la concurrence puisqu’ils remplissent une fonction de caractère exclusivement social fondée sur le principe de la solidarité et dépourvue de tout but lucratif.
5De lourdes sanctions tant pénales que civiles visent ceux, salariés ou employeurs, qui cherchent à se soustraire à leurs obligations financières vis-à-vis de la Sécurité sociale mais également ceux qui les y aideraient, même sous la forme de conseils ou d’encouragement.
Notes
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[*]
La question est traitée en détail sur le site de la Sécurité sociale : http://www.securite-sociale.fr/Le-monopole-de-la-Securite-sociale
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[1]
La directive 73/239/CEE stipule dans son article 2-1 : « La présente directive ne concerne pas (…) les assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale ».