CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Comment interpréter la domination des coureurs d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Est en athlétisme depuis les années 1980 ? Les commentaires qui leur attribuent un « don naturel » lié à leurs origines ne résistent pas à l’épreuve des faits. Il faut alors substituer à ce registre d’explication qui relève de la croyance une analyse qui met en évidence que ces succès procèdent d’un ensemble de conditions dont seules les sciences sociales peuvent rendre compte.

2Depuis le milieu des années 1980, les coureurs issus d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Est opèrent une mainmise dans le domaine de la course de demifond et de fond. Si cette situation constitue une réalité indéniable, l’explication qui en est habituellement donnée ne va pas sans soulever des questions. De façon récurrente, les succès de ces athlètes sont attribués à un supposé talent inné des Africains pour la course à pied. Bien qu’elle soit très répandue, la croyance qui réfère leur réussite à un supposé don naturel est pourtant sans fondement. Cet article se propose d’effectuer un retour critique sur les différents avatars de ce mode d’explication avant de proposer une grille d’interprétation alternative fondée sur les sciences sociales.

Critique des explications naturalisantes

3Pour de nombreux commentateurs, les coureurs kenyans, éthiopiens et marocains domineraient leur discipline parce que le groupe dont ils sont issus serait porteur de caractéristiques physiologiques distinctives, héritées de la confrontation pluriséculaire à un environnement naturel particulier. Plus précisément, ces athlètes brilleraient au niveau mondial parce qu’ils sont issus de régions situées en altitude, ce qui aurait conduit à engendrer chez eux des adaptations spécifiques qui expliqueraient leurs performances. Ce schéma, séduisant en apparence, pose toutefois un problème : il omet de préciser que Tanzaniens, Népalais, Boliviens ou Péruviens, bien que confrontés à la même contrainte physique, ont des résultats beaucoup plus modestes, ce qui conduit, de fait, à douter du bien-fondé de l’argument.

4Pas plus qu’ils ne peuvent expliquer pourquoi certaines populations dotées des mêmes caractéristiques ne parviennent pas à des performances équivalentes, les raisonnements de ce type échouent à rendre compte des changements qui affectent la composition de l’élite athlétique. Effectivement, comment concevoir que celle-ci évolue alors que les caractéristiques censées l’expliquer restent inchangées ? Comment comprendre que l’on passe, au niveau mondial, d’une domination quasi exclusive des coureurs scandinaves (essentiellement des Finlandais) dans les années 1920 à celle d’athlètes originaires d’Afrique de l’Est et du Nord depuis les années 1980 sans qu’intervienne dans l’intervalle – soixante ans, soit une durée insignifiante à l’échelle de l’évolution des espèces – aucune modification de la constitution biologique de ces populations ? On pourrait à juste titre objecter que les coureurs africains n’ont, pendant très longtemps, pas eu accès aux compétitions internationales. Cette remarque n’invalide cependant pas la critique des approches naturalisantes. Car si ces dernières étaient fondées, les athlètes finlandais devraient, aujourd’hui encore, dominer l’athlétisme européen. Or c’est très loin d’être le cas puisque aucun d’entre eux n’a figuré dans le haut des bilans continentaux au cours des trente dernières années.

5En dépit de ces faits incontestables, les succès des athlètes africains sont invariablement rapportés à une prétendue différence de nature. Les premières apparitions de cette lecture sont contemporaines de l’émergence des sprinters noirs-américains sur la scène athlétique internationale. Recyclant les modes de pensée de l’anthropologie physique, les discours mobilisés véhiculent alors l’image de Noirs dotés d’une grande vitesse mais peu résistants (Wiggins, 1989). Les descriptions de l’époque considèrent qu’ils sont porteurs de propriétés biologiques particulières et à ce titre avantagés de naissance pour les épreuves explosives, mais irrémédiablement handicapés pour les épreuves de longue durée qui nécessiteraient d’autres qualités. On aurait pu croire que le fait que des coureurs africains se mettent à briller dans les épreuves de fond amène à invalider ces interprétations. Loin s’en est fallu puisque ces succès ont à leur tour donné lieu à des explications mettant l’accent sur d’autres attributs « naturels » censés être propres à ces populations. Ce qui frappe, c’est à la fois la persistance historique et la plasticité d’une telle grille de lecture qui s’accommode toujours des démentis empiriques en leur accolant systématiquement un argument ad hoc sans se soucier de la façon dont celui-ci s’intègre avec ceux qui ont précédé. Et cela, alors que toutes les études de type biologique qui entreprennent de comparer ce qui est comparable, à savoir des populations de rang sportif identique, démontrent qu’il n’y a aucune différence entre elles sur le plan physiologique, quelle que soit leur origine. De la même façon, d’autres travaux ont très clairement montré que rien ne permet de conclure à l’existence de différences de type génétique qui fonderaient la supériorité d’un groupe sur un autre dans le domaine de l’athlétisme [1].

6Ces données, qui découlent d’investigations sophistiquées, confirment ce qui se donne à voir au premier observateur un tant soit peu attentif : au Kenya comme en Éthiopie et au Maroc, il y a quantité de jeunes qui se révèlent être de piètres coureurs à pied, ce qui suffit à invalider l’argumentaire d’une supposée supériorité constitutionnelle des ressortissants de ces pays. Cette assertion sur les pratiques observées en Afrique de l’Est et du Nord fait écho à un autre registre d’explication du succès des coureurs de ces régions. Suivant celui-ci, ce serait le mode de vie des populations de ces régions qui expliquerait leurs succès athlétiques. Bien qu’apparemment opposée à l’argumentaire naturalisant, cette vision culturaliste s’accommode en vérité très bien de ce dernier. C’est le cas lorsqu’il est avancé que la « tradition nomade » de certaines tribus kenyanes aurait favorisé une sélection naturelle qui aurait elle-même rendu leurs membres plus aptes à la pratique de la course. Là encore, cette lecture – qui a tout d’un « faux évolutionnisme » (Lévi-Strauss, 1987, p. 23), passant allègrement d’un niveau (le registre socioculturel) à un autre (le biologique) – ne résiste pas à l’analyse car, comme l’indiquent les travaux d’anthropologues, rien ne permet d’avancer que les populations kenyanes, éthiopiennes et marocaines ont eu des « traditions » de course plus importantes que dans d’autres régions du monde (Segalen, 1994).

7Plus généralement, la lecture culturaliste pèche en ce qu’elle repose sur une représentation largement fantasmée de l’Afrique, qui postule notamment que les enfants iraient tous à l’école en courant, développant ainsi des qualités d’endurance exceptionnelles. Outre la question non résolue de ce qui justifierait un tel mode de déplacement (pourquoi en courant plutôt qu’en marchant ?), l’argument, là encore, ne résiste pas aux faits : la région d’où est issue la plupart des coureurs kenyans se caractérise par une densité élevée d’établissements scolaires (ce qui limite la distance moyenne séparant le domicile familial et l’école) et une grande partie d’entre eux est passée par des établissements où ils étaient internes (Bale et Sang, 1996). De la même façon, les coureurs marocains sont très majoritairement issus de milieux urbains. La situation des populations dans lesquelles se recrutent les athlètes n’a donc pas grand-chose à voir avec le nomadisme qu’on leur prête et qui est censé expliquer leurs qualités athlétiques.

Une double construction sociale

8L’ensemble de ces développements montre que c’est un non-sens de considérer que la capacité à courir vite puisse dériver de propriétés dés-historicisées. Elle relève à l’inverse d’un usage du corps socialement mis en forme (Mauss, 1978 ; Bruant, 1992) et qui ne peut être valorisé que parce qu’il existe un espace de consécration spécifique récemment inventé (Elias et Dunning, 1986 ; Defrance, 1995). L’enjeu consiste alors à substituer à ce qui relève de la croyance une analyse qui rend compte du processus conduisant au succès athlétique des coureurs d’Afrique de l’Est et du Nord depuis une trentaine d’années. C’est dans cette optique que j’ai étudié, dans un livre appelé La construction du « talent », le cas des athlètes marocains, lesquels ont été particulièrement performants au plan mondial du milieu des années 1980 au milieu des années 2000 (Schotté, 2012).

9Rendre compte de la réussite internationale de ces athlètes suppose de s’intéresser en premier lieu aux conditions sociohistoriques qui sont au principe de leur succès. Celui-ci procède en l’occurrence d’une double construction sociale : construction de l’offre, tout d’abord, du fait de l’existence au Maroc d’un modèle national de production de pratiquants rompus aux exigences du sport de haut niveau. Loin de relever d’une génération spontanée, l’émergence de quantité d’athlètes compétitifs dans ce pays s’enracine dans une longue histoire qui a débuté durant le Protectorat français, au cours duquel s’enclenche une spécialisation des jeunes Marocains en course à pied. Cette spécialisation découle d’une stigmatisation première : c’est parce que l’accès à la plupart des autres pratiques sportives lui était fermé qu’une partie de la population colonisée se reporte sur la course et y connaît des succès. Se cristallise alors rapidement la croyance selon laquelle « les Marocains sont des êtres très doués pour la course à pied », comme l’exprime dans les années 1930 le commandant d’un régiment basé au Maroc [2]. Cette croyance dans le talent inné des populations locales se prolonge après l’indépendance (1956). C’est sur la base de cette croyance qu’une politique systématique – et sans équivalent dans les autres disciplines sportives – de détection et de formation de coureurs à pied est mise en place à compter des années 1980 au plan national. Cette politique, dans sa rencontre avec les aspirations d’une partie de la jeunesse locale qui la perçoit comme une voie de possible ascension sociale, est au principe de la production d’un grand nombre d’athlètes de valeur internationale au Maroc.

10Construction de la demande, ensuite, avec l’arrivée dans l’espace athlétique international d’une forme tout à fait particulière de professionnalisme à compter des années 1980. Celui-ci étant fondé sur une absence de salariat, une généralisation des rémunérations à la prime et une distribution particulièrement inégalitaire des gains, la plupart des athlètes se trouve dans une situation aussi incertaine que difficile sur le plan matériel. Cette situation a conduit un grand nombre des coureurs européens à déserter le marché athlétique international, laissant ainsi la place à d’autres, à même d’accepter la précarité qu’il induit. L’objectivation de l’évolution des performances des différentes catégories de pratiquants permet en effet de faire le lien entre l’émergence du circuit professionnel et le déclin des athlètes européens depuis les années 1980. Il s’agit là d’un déclin relatif, du fait de l’arrivée des coureurs africains au sommet de la hiérarchie mais aussi, et surtout, d’un déclin absolu puisque l’on assiste à un net recul des performances chronométriques des meilleurs athlètes européens : si, en 1984, 92 d’entre eux couraient le 5 000 mètres en moins de 13’40, ils ne sont plus que 37 à le faire en 1996 (soit une baisse d’environ 60 %). Dans le même temps, le nombre d’Africains passant sous cette barrière chronométrique est multiplié par cinq, en grimpant de 14 à 71.

11Il est possible de compléter ce constat en s’intéressant à l’évolution des performances de rang international. Si les performances de pointe se sont améliorées, le niveau à posséder pour accéder au marché européen [3] demeure quasi inchangé [4]. L’image générale qui se dégage est donc celle d’une amélioration des performances de l’élite tandis que le niveau d’ensemble des coureurs présents sur la scène européenne reste sensiblement le même. Pour le dire autrement, le fait que les barrières chronométriques d’accessibilité au marché demeurent identiques indique que le niveau de ceux qui y accèdent à compter des années 1980 (majoritairement des Kenyans, des Marocains et des Éthiopiens) n’est pas supérieur à celui des coureurs qui l’investissaient par le passé (principalement des Européens).

12La donne actuelle n’est donc pas due à une supériorité foncière des athlètes africains mais à un remplacement des élites athlétiques internationales, un remplacement qui s’inscrit à la croisée d’histoires partiellement indépendantes, dotées de profondeurs temporelles différentes et dont la rencontre aboutit à la situation récente. C’est parce qu’il y a une coïncidence entre, d’une part, le développement de modèles nationaux de production d’athlètes de haute valeur au Kenya, au Maroc et en Éthiopie [5], et, d’autre part, l’émergence d’une forme de professionnalisme qui conduit la majeure partie de ceux qui s’y investissent à la précarité, que les athlètes issus d’Afrique de l’Est et d’Afrique du Nord se mettent à occuper les devants de la scène athlétique internationale. Le marché professionnel de l’athlétisme, tel qu’il se met en place, ne constitue en effet un « appel d’air » [6] que pour des athlètes disposés à l’investir, ce qui suppose qu’ils aient été dûment formés et qu’il n’aient rien à perdre à s’y engager. C’est le cas des coureurs kenyans, éthiopiens et marocains, tous issus de milieux populaires et enclins à « courir leur chance » du fait de leur socialisation sportive qui les conduit à voir dans l’athlétisme un espace de possible promotion.

13Finalement, loin de l’image fantasmée du « coureur naturel », l’émergence d’une élite athlétique dans certains pays d’Afrique du Nord et de l’Est à compter des années 1980 résulte d’un ensemble de conditions sociohistoriques bien précises. Les succès athlétiques récents des athlètes africains ne sauraient donc être rapportés à de supposées qualités innées d’endurance. Ils ne sont rien d’autre que le produit d’un ensemble de développements contingents. Le cas marocain est à ce titre éloquent puisque, depuis 2005, le pays est devenu beaucoup moins prolifique en matière de production d’athlètes de valeur. Alors même que la volonté de produire des coureurs continue d’exister localement, les transformations conjointes de la société marocaine, d’une part, et des formes de détection et de préparation mises en place d’autre part, conduisent à ce que le modèle national de formation perde de son efficacité en termes de fabrique de coureurs de haut rang. Cette situation vient rappeler, si besoin était encore, l’historicité de la production des élites athlétiques : quand les conditions qui sous-tendaient la réussite d’un groupe cessent d’être réunies, les résultats de ce dernier déclinent.

Penser la différence interindividuelle de réussite

14Ces considérations attestent que les capacités de performance sont modelées par des dynamiques historiques qui dépassent les athlètes. Une sociologie de la genèse sociale des succès sportifs ne peut cependant pas se contenter de décrire les conditions de réussite d’un groupe. Elle doit intégrer une réflexion sur la manière dont, à l’intérieur de cette population, se distribuent les devenirs individuels sous peine de voir resurgir, au sein même d’un cadre d’interprétation conçu pour les éliminer, des résidus d’explication par le don naturel.

15Dans cette optique, j’ai mené une enquête ethnographique de longue durée au Maroc et en France auprès d’athlètes de rang différent (du débutant jusqu’au champion olympique) afin de mettre en évidence comment se construit une carrière sportive et comment les aspirants à la réussite se différencient les uns des autres. Ces investigations ont permis de montrer que les ressources nécessaires à la performance dépassent de beaucoup le strict cadre de la scène athlétique, et ce à tous les stades de la carrière. Ainsi, chez les débutants, les différences les plus nettes entre athlètes résident dans leur inégale propension à endurer l’ascétisme qu’exige la pratique intensive de la course à pied – une propension qui est elle-même fonction des conditions et dispositions familiales. Comme chez les boxeurs étudiés par Loïc Wacquant (2000), ce n’est pas parmi les franges les plus démunies que se recrutent les futurs champions parce que seuls ceux qui disposent d’un minimum de sécurité et de régularité dans leur quotidien peuvent se soumettre aux exigences de l’entraînement intensif.

16Une autre ressource essentielle pour les coureurs qui aspirent à la gloire athlétique est la capacité à obtenir un visa permettant de quitter le territoire marocain et d’accéder au circuit international, concentré en Europe. Les athlètes sont évidemment différemment armés pour faire face aux exigences des administrations consulaires ; le fait d’avoir de la famille en Europe ou de posséder un diplôme du supérieur sont autant d’éléments décisifs qui distinguent fortement les coureurs et leurs chances de faire carrière. Une fois les athlètes présents en Europe, les frontières nationales ne sont pas abolies dans la mesure où il leur faut trouver un titre de séjour pour pouvoir y exercer le métier de coureur, ce dernier n’y donnant pas accès. Les ressources dont ils disposent et l’inégal sens de la débrouille dont ils font preuve se révèlent donc essentiels et bornent singulièrement leurs possibles.

17* * *

18Ces évocations rapides permettent de mettre en évidence que, loin de l’image du marché « pur » qui ne consacrerait que la compétence athlétique, l’espace athlétique est un univers de concurrence traversé par une série de contraintes externes qui pèsent sur les possibilités d’y réussir. Bien qu’ouvert à tous et sans discrimination statutaire, le marché athlétique se caractérise en effet par des barrières extérieures qui contribuent à étendre le champ de la lutte pour le succès sportif. Dans ce cadre, les principes d’engendrement des différences de réussite entre les athlètes résident bien davantage dans la nature des difficultés qu’ils rencontrent et dans leur inégale capacité à y faire face que dans une différence supposée de « talent » intrinsèque.

19Il apparaît clairement que les dispositions et ressources à posséder pour développer et faire valoir ses capacités athlétiques sont aussi nombreuses que variées. Comprendre le déroulement d’une carrière sportive impose donc de penser celle-ci à la fois en relation avec les autres dimensions de l’existence de l’athlète et par rapport aux différentes ressources dont il dispose. C’est en procédant de la sorte que l’on peut mettre au jour l’ensemble des conditions sociales qui, bien qu’apparemment extérieures à la carrière sportive, en déterminent le déroulement et l’issue. Loin de peser uniquement sur les possibilités d’expression de qualités qui seraient « déjà là », les quelques barrières évoquées conditionnent la possibilité même qu’a le coureur d’améliorer ses capacités athlétiques.

20L’ensemble de ces développements, ici résumés de façon très succincte [7], visent à montrer que ce que l’on appelle le « talent » n’a rien d’inné. Contre la tentation de réduire la capacité athlétique à un don de naissance, ils mettent en évidence qu’elle relève bien d’une construction dont il est possible de rendre compte avec les outils des sciences sociales.

Notes

  • [1]
    Pour une synthèse en français, voir Sacco et Grémion, 2001.
  • [2]
    Le commandant Chastenet, interrogé dans La Vigie marocaine, 9 avril 1936. Les régiments de tirailleurs ont joué un grand rôle dans la promotion de la course à pied au Maroc.
  • [3]
    « Marché européen » peut être considéré comme synonyme de « circuit international » dans la mesure où la grande majorité des épreuves de rang international se déroulait en Europe au moment de l’enquête.
  • [4]
    Les performances du 50e mondial sont en effet d’une grande stabilité depuis les années 1980. Seul le marathon fait exception. Cela peut notamment s’expliquer par le fait que l’épreuve a longtemps été délaissée par les meilleurs coureurs, qui investissaient prioritairement l’athlétisme sur piste.
  • [5]
    Voir Bale et Sang, 1996 ; Bezabih et Gaudin, 2007.
  • [6]
    Voir Terray, 1999, notamment p. 32.
  • [7]
    Pour de plus amples développements et une démonstration approfondie, je renvoie à mon ouvrage (Schotté, 2012).
Français

Depuis le milieu des années 1980, les coureurs issus d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Est opèrent une mainmise dans le domaine de la course de demi-fond et de fond. Si cette situation constitue une réalité indéniable, la façon dominante de l’expliquer soulève davantage de questions. Les succès de ces athlètes sont en effet rapportés de manière récurrente à un supposé talent inné des Africains pour la course à pied. Bien que très répandue, la croyance dans le don naturel de ces derniers est pourtant sans fondement. Cet article se propose d’opérer un retour critique sur les différents avatars de ce mode d’explication avant de proposer une grille d’interprétation alternative mettant en évidence que la réussite de ces coureurs procède d’un ensemble de conditions dont on peut rendre compte avec les outils de sciences sociales.

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Manuel Schotté
Sociologue
Maître de conférences en Staps à l’université de Lille 2, il est chercheur au centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (Ceraps), UMR 8026, CNRS. Ses travaux portent sur la construction sociale du talent et sur la structuration du football professionnel. Il a notamment publié La construction du « talent ». Sociologie de la domination des coureurs marocains, Paris, Raisons d’Agir, 2012, ainsi que les articles suivants : « La structuration du football professionnel européen. Les fondements sociaux de la prévalence de la spécificité sportive », Revue française de socio-économie, 2014, n° 13, p. 85-106 ; « Le don, le génie et le talent. Critique de l’approche de Pierre-Michel Menger », Genèses, 2013, n° 93, p. 144-164 ; « La condition athlétique. Ethnographie du quotidien de coureurs professionnels immigrés », Genèses, 2008, n° 71, p. 84-105.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/06/2015
https://doi.org/10.3917/inso.187.0096
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