1Roller, skateboard, basket de rue, « parkour » [1], escalade urbaine ou football de pied d’immeuble sont quelques-unes des activités sportives pratiquées dans l’espace public par des jeunes gens – seules quelques filles sont présentes en skateboard et un peu plus en rollers, précisent les sociologues Christophe Gibout et Florian Lebreton, qui analysent ces usages récréatifs de la rue dans une contribution à la revue Agora débats/jeunesses [*]. À partir d’enquêtes qualitatives réalisées depuis le début des années 2000 dans plusieurs villes (Calais, Dunkerque, Lille, Paris, Poitiers, Rennes, notamment), les auteurs dressent à grands traits le portrait des pratiquants de ces sports de rue : il s’agit d’adolescents et de jeunes adultes âgés de 15 à 30 ans, issus des classes moyennes ou intellectuelles supérieures, avec une présence plus populaire dans le cas des sports collectifs ainsi que du parkour. Ce qui réunit ces pratiques ludosportives est, d’une part, qu’elles sont auto-organisées ou sauvages et, d’autre part, que « la ville apparaît comme le théâtre nécessaire de leur mise en scène ». Les différents sites de l’espace public – places et rues, jardins, trottoirs, bancs et escaliers, toits et murs, caves, égouts et parkings – voient leur fonctionnalité initiale détournée ou contournée, expliquent Christophe Gibout et Florian Lebreton. Cet usage de l’espace urbain est également qualifié d’« alternatif » au sens où les « différentes activités traduisent des usages oscillants ou cadencés des lieux : certaines s’y succèdent, d’autres y prennent place un temps et finissent par s’implanter ailleurs, d’autres encore y développent des sessions performatives à intervalles réguliers, les dernières s’y concurrencent et y déploient des stratégies d’occupation et/ou de privatisation de l’espace public ». Des conflits liés à l’appropriation de celui-ci peuvent d’ailleurs surgir entre les sportifs et les autres usagers de la ville, par exemple les commerçants ou personnes âgées gênés par le bruit ou les dégradations commises sur le patrimoine bâti. Ce genre de confrontations donne aux jeunes sportifs l’occasion de pratiquer le dialogue et d’acquérir des compétences de négociateurs. « Ainsi, à Dunkerque, les skateurs, soucieux de pouvoir être entendus par les édiles face à des groupes structurés d’opposants (associations commerçantes et associations de défense du patrimoine), ont appris à rencontrer ces derniers de façon régulière pour construire avec eux des compromis pratiques et autres transactions sociales », constatent les sociologues.
Notes
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[*]
« Cultures juvéniles et loisirs sportifs de rue : une approche par l’espace public », par Christophe Gibout et Florian Lebreton, contribution au dossier « Des sports et des jeunes » publié dans Agora débats/jeunesses, 2014/3 n° 68, p. 71-84. Article disponible en ligne : www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2014-3-page-71.htm
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[1]
Le parkour est une activité physique consistant à se déplacer librement en dehors des voies de passage existantes, ce qui suppose de franchir les obstacles jalonnant le parcours en utilisant par exemple le saut, l’escalade ou la quadrupédie.