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1À partir du début des années 1950, les personnes qui présentent des limitations de capacités motrices ont commencé à investir le terrain du sport. Analysant la constitution du mouvement sportif des « handicapés physiques », qui se structure alors en Europe, Anne Marcelli, professeure de sociologie du sport à l’Université Montpellier 1, note que l’enjeu de l’équité dans les épreuves sportives est vite devenu central [*]. « Si dans les premiers événements compétitifs des “handicapés physiques“, tous les compétiteurs sont considérés comme égaux car pratiquant tous en fauteuil roulant, on devra bientôt distinguer les “debout“des “assis“en organisant des épreuves distinctes. Puis le jeu de la comparaison générera l’identification progressive de différentes “classes“», explique la sociologue. D’ingénieux systèmes de classification fonctionnelle sont ainsi élaborés, avec l’organisation de regroupements non plus par type d’atteinte – paralysies, amputations, troubles du contrôle moteur, etc. – mais selon une équivalence fonctionnelle dans la tâche sportive considérée. « Cette façon de penser et de classer les participants (…) comme des sportifs ayant des limitations de capacités plus ou moins handicapantes dans tel ou tel sport a transformé radicalement la pratique et la définition du “sportif handicapé“» analyse Anne Marcelli. En vertu des règles d’éligibilité qu’instaurent les classifications sportives, l’intéressé peut en effet ne plus être reconnu comme suffisamment handicapé pour pouvoir participer à certaines compétitions internationales. A contrario, on constate aujourd’hui que certains athlètes handicapés jouent sur les deux tableaux : ils relèvent à la fois de la catégorie des athlètes paralympiques et de celle des athlètes olympiques et concourent dans les deux circuits [1]. Ces sportifs de haut niveau construisent une figure tout à fait inédite, souligne Anne Marcelli, « celle de l’athlète ayant des déficiences mais qui ne serait pas handicapé puisqu’il peut concurrencer les meilleurs mondiaux de sa discipline sportive ». En 1984, la Néo-Zélandaise Néroli Fairhall (1944-2006), qui était paraplégique, fut la première personne à s’être ainsi qualifiée en tir à l’arc pour les jeux Olympiques après avoir pris part aux Jeux paralympiques. Soulignant « la transformation récente des “handicapés“en “héros“sur le terrain sportif », Anne Marcelli relève que seuls les athlètes ayant des déficiences motrices ou sensorielles accèdent à une couverture médiatique. Les sportifs atteints de déficiences intellectuelles ne sont quasiment jamais évoqués ni représentés dans la presse.

Notes

  • [*]
    « Les savoirs des sciences des activités physiques et sportives », contribution d’Anne Marcelli à l’ouvrage collectif Handicap, une encyclopédie des savoirs. Des obscurantismes à de Nouvelles Lumières coordonné par Charles Gardou, éditions Érès, 2014.
  • [1]
    Les premiers jeux Paralympiques ont eu lieu à Rome en 1960.
Caroline Helfter
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Mis en ligne sur Cairn.info le 15/06/2015
https://doi.org/10.3917/inso.187.0109
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