1Les systèmes de protection sociale ont été très sollicités pour amortir les effets sociaux de la crise financière puis économique qui balaye l’Europe. La durée de la crise a conduit à lancer des plans d’ajustement qui n’ont pas épargné les politiques sanitaires et sociales. Sans provoquer de bouleversements structurels majeurs des systèmes de protection sociale, ces plans ont nettement contribué à renforcer la pauvreté dans les États de l’Union européenne les plus touchés par la crise.
2La crise financière et économique qui a éclaté en 2007-2008 a entraîné de multiples réformes de la protection sociale dans les pays européens. Après une année 2009 marquée par les plans de relance, de nombreux pays ont lancé des programmes d’ajustement budgétaire, dans lesquels les dépenses de protection sociale ont tenu une place importante. Les mesures prises ont pu être de trois ordres : hausses de recettes, mesures paramétriques de réduction des dépenses ou décisions d’ordre plus structurel modifiant l’architecture d’un risque de protection sociale, en limitant le nombre de bénéficiaires ou en ciblant les plus vulnérables. En s’appuyant sur une analyse de l’évolution globale des dépenses sociales depuis 2007 (voir Focus p. 82), cet article étudie les réformes menées au sein des différents risques sociaux afin d’évaluer dans quelle mesure les modèles de protection sociale propres à chaque pays ont été affectés. Les mesures les plus significatives ont été repérées dans huit pays : l’Allemagne, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. Malgré leur ampleur, les plans d’ajustement n’ont pas remis en cause les modèles propres à chaque pays dont ils ont plutôt conforté et renforcé les caractéristiques. Dans tous les pays pris en compte, la pauvreté et les inégalités ont augmenté en raison de la crise, et mais aussi des mesures prises pour tenter de la juguler. Cependant cette augmentation est bien plus marquée dans les pays les plus touchés par la crise.
Des dépenses sociales fortement touchées par les restrictions budgétaires
3Trois pays se distinguent par le poids de leurs plans d’ajustement en pourcentage du PIB au cours de la période 2010-2013 [1], l’Espagne, la Grèce et le Portugal avec respectivement 7,1 %, 15,3 % et 12,2 % de PIB de consolidation. Dans ces trois pays, le financement des déficits publics a connu des tensions très importantes. La Grèce et le Portugal ont même dû solliciter un plan de soutien financier de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI), lequel a été assorti de conditions strictes de réduction des dépenses publiques. Trois autres pays ont subi des plans de restructuration représentant 2,5 à 4 % de PIB de consolidation, le Royaume-Uni (3,8 %), la France (3,2 %), l’Allemagne (2,5 %), alors que les efforts d’ajustement en part de PIB étaient plus bas en Finlande (1,4 %) et aux Pays-Bas (1,7 %).
4Entre 2009 et 2013, la majorité des plans d’ajustement nationaux ont consisté principalement à réduire les dépenses : Pays-Bas pour 92 %, Royaume-Uni pour 78 %, Allemagne pour 72 %, Espagne pour 70 % et France pour 60 %. Grèce et Portugal ont eu recours à part égale aux coupes dans les dépenses et à la hausse des recettes. La Finlande est le seul État où les plans d’ajustement ont surtout augmenté les recettes, à hauteur de 60 % des sommes engagées (OCDE, 2012a).
5Si la réduction des budgets de la fonction publique représente une part importante des ajustements dans la plupart des pays (plus de 25 % en Grèce, en Espagne et au Royaume-Uni), ce sont les dépenses sociales qui constituent le volant le plus important d’économies possibles, compte tenu de leur poids financier. Dans deux tiers des pays ayant effectué des coupes dans les dépenses sociales (OCDE, 2012b), ce sont ainsi les transferts vers les travailleurs d’âge actif (dépenses chômage, dépenses d’assistance et allocations familiales) qui ont été prioritairement visés. En matière de retraites, les coupes ont été particulièrement sensibles au Portugal, et dans une moindre mesure en Grèce.
Les retraites : des mesures à court et long terme
6Les réformes des retraites intervenues depuis 2008 ont combiné mesures de réduction des pensions versées, à effet immédiat sur les finances publiques, et mesures de plus long terme visant à renforcer la contributivité et la soutenabilité des systèmes ainsi qu’à réduire les coûts de gestion.
7Les pays ayant connu les difficultés financières les plus graves ont engagé les efforts de court terme les plus importants au niveau des pensions. En Grèce, les mesures de réduction se sont succédé depuis 2008 : gel des pensions en 2008 puis indexation sur les fluctuations du PIB avec la loi retraite de 2010 ; suppression par cette dernière loi des 13e et 14e mois pour les pensionnés ; introduction en août 2010 d’un prélèvement spécial sur les pensions les plus élevées… Les pensions des plus pauvres ont cependant été relativement épargnées. Depuis 2012, les réductions de pensions versées sont désormais progressives à partir de 1 000 euros, pour atteindre 20 % pour les pensions de plus de 3 000 euros. Le Portugal a fait lui aussi un usage important des mesures de coupes à court terme dans le montant des pensions.
8En France, les retraites complémentaires qui avaient jusque-là été épargnées par les coupes, comme les pensions de base, sont, depuis le 1er avril 2013 et pour trois ans, moins revalorisées que l’inflation, en application d’un accord entre partenaires sociaux gestionnaire des régimes complémentaires. Le Royaume-Uni se distingue en ayant annoncé, début 2013, la simplification du système existant de pensions d’assistance (State Pension) et son remplacement, pour les pensionnés arrivant à l’âge de la retraite à partir de 2016, par un dispositif dit de « Single-tier State Pension » garantissant une revalorisation annuelle minimale.
9À plus long terme, les mesures visent à restaurer la soutenabilité financière des systèmes via un durcissement des paramètres de calcul des pensions (allongement de la durée de cotisation, recul de l’âge de départ à la retraite et modification de la période de référence pour le calcul de la pension) et un nombre important de pays ont introduit des mécanismes de paramétrage automatiques de leur système. L’Allemagne fait exception. La réforme de 2007 prévoyait déjà dans ce pays une augmentation graduelle de l’âge de départ de la retraite de 2012 à 2029. Ce calendrier n’a pas été accéléré par la crise.
10En Grèce, la réforme des pensions de juillet 2010 a harmonisé l’âge de départ à la retraite, jusqu’alors très éclaté, à 65 ans et a allongé la période de référence (salaires pris en compte) pour le calcul des pensions.
11L’âge de la retraite été reculé à 66 ans au Portugal et à 67 ans en Espagne. Au Royaume-Uni, le Pension Act de 2011 prévoit, conformément aux résultats de la Spending Review de 2010, un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite des femmes de 60 à 65 ans ainsi qu’une accélération du calendrier du relèvement de l’âge légal de départ en retraite qui avait été prévu par la loi de 2007. En France, la réforme de 2010 a prévu un recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et de l’âge à partir duquel il est possible de partir sans décote même en cas de carrière incomplète (âge du « taux plein ») de 65 à 67 ans. Le calendrier du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite a été accéléré à l’automne 2011.
12En outre, la plupart des pays étudiés ont mis en place des mesures prévoyant le paramétrage automatique de leur système de retraite en fonction de l’évolution de l’espérance de vie. La mesure sera effective dès le 1er janvier 2014 aux Pays-Bas, à partir de 2021 en Grèce ou encore 2027 en Espagne.
13In fine, peu de réformes systémiques des retraites ont été décidées en Europe durant la crise, l’urgence étant à l’adoption des mesures d’économies de court terme. La Grèce, confrontée à un coût très élevé de son système par rapport aux autres pays européens, est l’un des rares pays à avoir engagé une réforme ambitieuse. La multitude de régimes spéciaux caractérisés par des différences importantes de niveaux de contribution, de pensions et d’âge de départ, y a été fusionnée et les droits harmonisés.
Des mesures avant tout paramétriques en santé
14Si une large gamme de mesures d’économies budgétaires a été mobilisée en matière de santé, les tentatives de réformes plus ambitieuses portant sur l’organisation des soins ont été relativement rares. Les mesures paramétriques ont pesé sur les assurés (tickets modérateurs, franchises, etc.) ainsi que sur l’offre de soins (fusions d’établissements, baisse du prix des médicaments, baisse des budgets des hôpitaux, baisse des marges pharmaceutiques). L’Allemagne est, là encore, dans une situation particulière : son fonds de santé étant excédentaire, elle a fait le choix de supprimer, au 1er janvier 2013, la taxe de dix euros par trimestre versés par les assurés lors de leur première consultation.
15En Grèce, en Espagne et au Portugal, des mesures draconiennes ont été prises pour maîtriser le coût des médicaments, consistant à accroître l’utilisation des génériques, à en limiter le coût ou encore à aligner le prix des médicaments sur la moyenne des trois prix les plus bas de l’Union européenne (UE) (« International Reference Pricing »). Au Portugal, la réduction de dépenses publiques de médicaments, prévue par le programme d’ajustement conclu avec le FMI et l’UE, atteint 1,25 % du PIB en 2012 et 1 % en 2013. Les assurés ont également été mis à contribution par le biais des tickets modérateurs et des franchises. Le Portugal a ainsi prévu d’augmenter les franchises à la charge des utilisateurs du système de santé, tant pour les soins de ville que les soins à l’hôpital (Commission européenne, 2012a). Les personnes les plus vulnérables sont cependant épargnées par ses mesures, notamment les personnes démunies, les femmes enceintes, les enfants de moins de 12 ans, les personnes handicapées et les personnes atteintes de certaines maladies (Commission européenne, 2012b).
16En Espagne, le bénéfice de la gratuité des soins a été fortement restreint à partir du 1er septembre 2012 ; il est désormais réservé aux seuls résidents légaux ayant cotisé ou cotisant à la Sécurité sociale espagnole. Les agents hospitaliers ont été considérablement mis à contribution par des baisses d’effectifs et de salaires ou l’augmentation du temps de travail. Alors que le système de soins est fortement décentralisé dans les régions, un certain nombre d’entre elles, comme Madrid, ont annoncé des mesures ambitieuses de fermeture de structures. En Grèce, la refonte de la carte hospitalière a fait passer le nombre d’hôpitaux de 137 à 83. Les services psychiatriques et les services de prévention et de soins de la toxicomanie y sont fortement atteints par les coupes ; en 2011, le budget des unités de santé mentale a été réduit de 45 %. Selon certaines enquêtes, les économies sur les achats conduisent à des pénuries chroniques de matériels.
17Ces mesures de coupes en matière de budgets de santé semblent avoir des impacts sur l’état de santé de la population. Les pays ayant réduit leurs budgets de santé et de protection sociale tels la Grèce, l’Italie et l’Espagne connaissent d’ores et déjà une dégradation de l’état de santé de leur population, par rapport aux pays ayant mené des politiques moins dures comme l’Allemagne, l’Islande ou la Suède (Stuckler et Basu, 2013).
Réduction des aides en faveur des chômeurs et des plus modestes
18Face à la crise économique, de nombreux pays ont, dans un premier temps, élargi la portée de leurs systèmes d’assurance chômage, les améliorations portant, notamment, sur la durée d’indemnisation et les critères d’affiliation (OCDE, 2013 a). En Allemagne, la durée d’indemnisation a ainsi été allongée de douze à quinze mois en 2008 pour les chômeurs de plus de 50 ans alors que le Portugal, la France et la Finlande ont réduit, en 2009 ou 2010, la durée minimale d’affiliation permettant d’avoir droit aux allocations chômage. Plusieurs pays ont également renforcé les systèmes d’assistance chômage et d’aide sociale afin de soutenir les chômeurs les plus vulnérables. Au Portugal, la durée de la période de perception de l’indemnité sociale de chômage, à l’échéance du droit à l’assurance chômage, a été prolongée de six mois, tandis que l’Espagne a accordé en 2009 une prime mensuelle pendant six mois aux demandeurs d’emploi en fin de droits. Enfin, la plupart des pays ont recouru à des programmes de chômage partiel, notamment en Allemagne (concernant 3,17 % de la population salariée en 2009), en Italie (3,29 %) et en Espagne (1,01 %).
19Dans la deuxième phase de la crise, les pays sont revenus assez largement sur les améliorations qu’ils avaient décidées. Les conditions d’assurance chômage ont été ramenées à leur niveau d’avant crise. Au Portugal, la réduction de la durée d’affiliation de quinze à douze mois comme la prolongation de six mois du droit aux allocations chômage ont été supprimées en 2010, avant même l’expiration de ces droits. Les indemnités chômage ont de plus été plafonnées, revenant ainsi à un niveau inférieur à celui d’avant la crise, tandis que les sanctions applicables à l’absence de recherche d’emploi se sont renforcées à partir de 2010.
20La crise s’est aussi accompagnée de réformes renforçant les devoirs en matière de recherche d’emploi des chômeurs. Au Royaume-Uni, l’expérimentation du Universal Credit à partir de 2013, qui fusionne l’ensemble des mécanismes de soutien au revenu (minima sociaux, allocations logement, prestations familiales et crédits d’impôt) a pour but de promouvoir le travail et la responsabilité personnelle et d’assurer que personne ne puisse toucher davantage en allocations qu’en revenus du travail. La réforme comprend également un réexamen des conditions d’attribution de l’allocation d’invalidité afin d’orienter les personnes aptes à travailler vers le dispositif d’allocation chômage (OCDE, 2013b).
Les réductions dans les dépenses famille : recentrage et ciblage
21Dans la première phase de la crise, les politiques familiales ont participé au plan de relance de l’économie. Le montant des aides aux familles a été augmenté dans la plupart des pays de l’Union, à l’exception des Pays-Bas. En Allemagne, les allocations familiales (Kindergeld) ont connu deux revalorisations successives entre 2008 et 2010 avec des augmentations substantielles. Au Portugal, les prestations familiales ont vu leur montant augmenter de 25 % entre 2008 et 2009. Des mesures exceptionnelles ont également été prises, en 2009, en direction des familles sous forme de primes : en Allemagne, prime de 100 euros versée à tous les bénéficiaires des allocations familiales ; en France, « prime de solidarité active » de 250 euros pour les bénéficiaires de minima sociaux et d’aide au logement et prime de 150 euros pour les bénéficiaires de l’Allocation de rentrée scolaire.
22Dans une seconde phase de la crise, à partir de 2010, l’adoption de politiques d’austérité a rapidement touché les politiques familiales. La plupart des pays ont décidé soit une baisse du niveau des allocations, soit un durcissement des conditions d’éligibilité. L’Espagne a ainsi aboli en 2011 le « chèque bébé » de 2 500 euros qui avait été instauré en 2007 pour soutenir la natalité. En Allemagne, le montant de l’allocation de congé parental a été revu à la baisse en 2011 (65 % du salaire antérieur au lieu de 67 % auparavant) pour les revenus nets supérieurs à 1 200 euros par mois. Au Royaume-Uni, l’encadrement de l’évolution des prestations a été progressivement durci : gel des allocations familiales dès avril 2011 ; désindexation et mise sous condition de ressources des allocations familiales au 1er janvier 2013 ; imposition d’un plafond global pour l’ensemble des allocations (chômage, logement, etc.) qui limite leur évolution à moins de 1 % par an pour trois ans à partir de 2013. Au Portugal, les conditions liées aux ressources pour bénéficier des prestations familiales ont été resserrées et le montant des prestations familiales réduit, avec notamment la suppression de l’augmentation de 25 % des allocations familiales effectuée en 2008 et la remise en cause de l’universalité des prestations pour les revenus les plus élevés.
23Aux Pays-Bas, le bénéfice du crédit d’impôt pour enfant a été soumis en 2012 à un durcissement des conditions d’emploi des parents et son montant a été limité à 230 heures par enfant et par mois pour tout type de garde. L’aide à la compensation du coût de l’enfant a été limitée à deux enfants.
Des évolutions structurelles limitées en matière de protection sociale
24Un grand nombre des réformes décrites ici n’ont fait que prolonger des tendances antérieures à la crise. Les modèles de protection sociale n’ont pas été bouleversés par la crise et n’ont pas connu de véritable convergence. Le mouvement de recul de l’âge de la retraite, d’activation des dépenses de la politique de l’emploi et de recentrage des prestations familiales était déjà engagé dans de nombreux pays. Face à la nécessité de trouver rapidement des mesures d’économies, les États ont mobilisé des concepts de réformes qui préexistaient à la crise. Cela est bien sûr vrai dans les pays qui, en raison de leur situation financière favorable, n’ont pas décidé de procéder à des coupes importantes. L’Allemagne n’a pas remis en cause la réforme « Hartz IV » de 2004, qui a restreint de deux à un an la durée de l’indemnisation du chômage et renforcé les obligations des demandeurs d’emploi, lesquels doivent notamment accepter des emplois ne leur apportant qu’une rémunération supplémentaire limitée à un euro de l’heure (« 1 euro-Job »). L’effort de rattrapage en matière de garde d’enfant, avec un objectif d’accueil en crèche de un enfant de moins de 3 ans sur trois à partir de 2013, s’est poursuivi. De même, les pays d’Europe du Nord n’ont pas modifié significativement leur modèle fondé sur l’investissement social et des prestations universelles.
25L’absence de remise en cause des modèles s’observe également dans les pays concernés par les coupes. Les Pays-Bas conservent leur système de libéralisme régulé, faisant une large part à l’assurance privée tant en matière de santé (depuis 2006, les Hollandais choisissent librement leur assureur) qu’en matière de retraites (de manière unique en Europe, le système public ne finance qu’une pension minimale non contributive). La France maintient un niveau de dépenses sociales parmi les plus élevés, et est l’un des rares pays à avoir pris un certain nombre de mesures favorables dans la période récente [création du RSA en 2009 ; revalorisation de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) et du minimum vieillesse de 25 % entre 2007 et 2012 ; élargissement des possibilités de départ anticipé à la retraite ; revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire en 2012 ; revalorisation du RSA ; et enfin extension de la CMU complémentaire annoncées pour 2013]. Quant aux pays d’Europe méridionale, les coupes importantes décidées ces dernières années ont accru la fragilité d’un système de protection sociale relativement peu développé et très centré sur les pensions aux personnes âgées dans les cas de l’Italie et de la Grèce.
26C’est peut-être au Royaume-Uni que les évolutions structurelles ont été les plus nettes. Les mesures d’activation prolongent celles décidées par le gouvernement travailliste à partir de 1998. En outre, une importante réforme du National Health Service (NHS) est entrée en vigueur en avril 2013, sur la base du Livre blanc de juillet 2010 Liberating the NHS. Elle supprime des échelons administratifs (Primary Care Trusts et Strategic Health Authorities) et donne à des groupes de généralistes le pouvoir d’organiser les soins de leur ressort, dans une logique d’achat public où le NHS est mis en concurrence avec des offreurs privés. Si la réforme ne remet pas en cause le financement public des soins, elle pourrait conduire sur le plan de l’offre de soins à des restructurations importantes.
Des conséquences très sensibles en termes de pauvreté et d’équité
27La crise et les mesures prises depuis 2008 ont eu une incidence forte sur le risque de pauvreté et d’exclusion dans l’Union européenne. Alors que la réduction du nombre de personnes confrontées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale était un objectif clé de la stratégie Europe 2020, explicitée en 2010, ce risque est passé entre 2009 et 2011, avant prise en compte de l’effet des transferts sociaux, de 23,1 % à 24,2 % de l’ensemble de la population pour l’ensemble de l’Union européenne (UE27), voir le tableau ci-dessous. L’aggravation est particulièrement nette en Espagne (+ 3,6 %) et en Grèce (+ 3,4 %), où le risque atteint des niveaux très élevés, respectivement 27 % et 31 %. La hausse est moins marquée mais réelle en France (+ 0,8 %), au Royaume-Uni (+ 0,7 %) et aux Pays-Bas (+ 0,6 %). Portugal et Allemagne sont les seuls pays du panel où le risque de pauvreté et d’exclusion a baissé entre 2009 et 2011. L’intervention des transferts sociaux permet seulement de freiner la hausse du risque de pauvreté, non pas de l’empêcher. Après transferts, le risque de pauvreté a augmenté, entre 2009 et 2011, de 2,3 points en Espagne, 1,7 en Grèce et 1,1 en France. La capacité des transferts sociaux à atténuer le risque de pauvreté aurait régressé en France, Allemagne et Portugal. Elle serait en revanche en progrès pour l’ensemble de l’UE27, en Grèce, en Espagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.
Risque de pauvreté et d’exclusion parmi la population des États membres de l’Union européenne, en %

Risque de pauvreté et d’exclusion parmi la population des États membres de l’Union européenne, en %
Qui sont les personnes « à risque de pauvreté » ?
- les personnes confrontées à la pauvreté financière, c’est-à-dire disposant d’un revenu disponible par adulte inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 60 % de la médiane des revenus ;
- les personnes en situation de privation matérielle sévère, confrontées à la fois à un manque de ressources et à des privations dans quatre domaines au moins : payer son loyer, chauffer correctement son domicile, faire face à des dépenses imprévues, consommer de la viande ou du poisson, partir en vacances… ;
- les personnes vivant dans des ménages où les adultes ont une activité professionnelle très limitée et peu rémunératrice.
28Parallèlement à cette montée globale du risque de pauvreté et d’exclusion, on constate dans beaucoup de pays du panel une hausse de la part de la population en situation de privation matérielle sévère entre 2009 et 2011 : en moyenne pour l’ensemble de l’Europe l’indicateur passe de 8,1 à 8,8 % de la population. La hausse est surtout spectaculaire en Grèce (+ 4,2 points), au Royaume-Uni (+ 1,8) et aux Pays-Bas (+ 1,1). Elle est plus mesurée en Espagne ou en Finlande (+ 0,4). France, Allemagne et Portugal échappent à cette aggravation. La Grèce, avec 15,2 % de sa population souffrant de privation matérielle sévère, compte désormais parmi les pays les plus mal placés au sein de l’Union européenne, en cinquième position après la Bulgarie, la Roumanie, la Lituanie et la Hongrie.
29La hausse spectaculaire du taux de chômage depuis 2009 dans les pays de l’Union européenne, qui atteint 12 % dans la zone euro en février 2013 selon Eurostat, et jusqu’à 26 % en Grèce et en Espagne, a entraîné une hausse considérable du nombre de personnes vivant dans un ménage à très faible intensité de travail. Cette augmentation a été de plus de 5,5 points en Grèce, 5,1 en Espagne et 1,3 au Portugal.
30Un certain nombre d’organisations ont dénoncé cette montée de la pauvreté, notamment pour la Grèce et l’Espagne. Le nombre de ménages espagnols où tous les membres de la famille d’âge actif sont au chômage a quadruplé entre 2007 et 2012 (Caritas, 2013).
31Cette hausse générale de la pauvreté se traduit aussi en termes de pauvreté des enfants, les familles monoparentales et les familles nombreuses étant les plus touchées. Ainsi, en Espagne, 38 % des parents isolés avec enfant vivent en dessous du seuil de pauvreté et 11,7 % sont en situation de pauvreté extrême ; 48 % des familles nombreuses sont en dessous du seuil de pauvreté.
32Enfin, la période a vu une hausse importante des inégalités : de l’ordre de 1 % en moyenne pour l’ensemble de l’Union entre 2009 et 2011 mais de 5 % en Espagne, 3 % en France, 1,8 % au Royaume-Uni et 1,2 % en Grèce. Pour la période 2007-2011, l’évolution est encore plus marquée et les inégalités sociales se seraient creusées en Espagne de 30 % entre 2006 et 2012 selon Caritas (2013).
33Pour faire face à ces situations difficiles, la Commission européenne (2013) a confirmé récemment l’octroi aux États membres d’un délai supplémentaire pour réduire leurs déficits tout en réaffirmant le caractère « primordial » de l’engagement de réformes structurelles. Elle estime important, la crise touchant déjà durablement les plus défavorisés, que les États membres « prêtent davantage d’attention aux effets distributifs des réformes afin que celles-ci produisent des résultats durables qui bénéficient à tous ». Ces trois éléments laissent augurer pour l’avenir des coupes budgétaires moins sévères dans les budgets sociaux en ce qui concerne les mesures de court terme comme les réformes plus structurelles.
Note
-
[1]
Calculs à partir d’OCDE, 2012. Ce document ne donne pas les chiffres 2014 et 2015 pour un certain nombre de pays d’où la période choisie.