1Avec ses 36 000 communes, ses 4 055 cantons, ses 100 départements et ses 27 régions, la France fait figure en Europe de championne du morcellement administratif. Si l’on ajoute à ce chiffre les structures transversales et les instances de coordination que cette profusion appelle nécessairement, on arrive au nombre d’environ 60 000 entités distinctes, justifiant l’image de « mille-feuille » qui est souvent associée à l’organisation de notre pays.
2Les États voisins de la France ne connaissent pas une telle abondance. Il existe en Allemagne 13 854 communes (Gemeinden) et 323 arrondissements (Kreise) entre lesquels s’organisent plusieurs formes de coopération intercommunale qui peuvent être informelles, comme de simples groupes de travail sans statut juridique, ou plus institutionnelles, comme des conventions de droit public portant délégation de compétence, des syndicats de commune – parfois obligatoires –, des associations de métropoles ressemblant beaucoup aux communautés urbaines françaises ou encore des « associations régionales » qui, dans certains Länder, peuvent arrêter des règles contraignantes. En Angleterre, après la réforme de 1998, on recense 13 584 villes ou villages, 238 conseils de district au niveau inférieur et 34 conseils de comté au niveau supérieur, auxquels s’ajoutent, dans certaines zones, 8 200 conseils de paroisses et conseils municipaux qui assurent des services locaux de moindre importance, surtout dans les petites villes et les zones rurales.
3Plusieurs programmes internationaux de recherche se sont attachés depuis dix ans [1] à identifier et à comparer les incidences des transferts de compétences politiques, administratives et financières aux niveaux subnationaux sur la reconfiguration territoriale des équilibres de responsabilité de l’action publique. La Grande-Bretagne, l’Espagne, la France et l’Italie font partie de ces cas intéressants de ce mouvement de réorganisation [2].
4Lancée en 2006, l’enquête européenne Rescaling Social Welfare Policies. A comparative study on the path towards multi-level governance in Europe avait pour objectif de comparer les processus de réagencement territorial dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques sociales dans différents pays européens [3]. Bien que la diversité et l’hétérogénéité des découpages territoriaux et des champs de politique sociale rendent très difficile la comparaison d’un pays à l’autre, les conclusions de l’étude mettent en lumière le rôle croissant des villes et des régions dans la définition et la mise en œuvre des politiques sociales. Elles montrent en outre que si, presque partout, les acteurs des politiques sociales restent fondamentalement les mêmes au fil du temps, la conception des liens entre ces différents acteurs évolue quant à elle vers la recherche de nouveaux modes de gouvernance, un concept qui tend à s’imposer comme le nouveau paradigme des politiques urbaines.
Notes
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[1]
Voir par exemple http://blogs.sciences-po.fr/recherche-villes/files/2010/05/Dupuy.pdf
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[2]
Voir aussi la synthèse bibliographique proposée par Aurélie Dos Santos et Cécile Gracy : « Les politiques sociales des villes européennes. Quelles échelles pour quels acteurs ? Comparaison entre la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne », http://www.citego.info/?Les-politiques-sociales-des-villes
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[3]
« Réagencements territoriaux et conduites des politiques sociales à l’échelle locale (Territorial re-organisation at a local lever and social policies governance : decentralization from downwards)», synthèse par Agnès Gramain et Samuel Neuberg in Travail et Emploi, n° 119, p. 77-87, juillet-septembre 2009. Consultable en ligne : http://travailemploi.revues.org/1717#ftn1