CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle est une priorité pour les caisses d’Allocations familiales (Caf). Elles disposent de deux modes d’intervention financiers, afin de faciliter l’accès des enfants de moins de trois ans aux modes d’accueil. D’une part, les Caf versent aux parents le Complément mode de garde (Cmg) de la Prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). D’autre part, les Caf financent les structures collectives d’accueil, comme les crèches. Au titre de leur action sociale, elles les subventionnent directement en leur versant une aide au fonctionnement. Par ailleurs, les Caf versent aux collectivités locales des aides à l’investissement afin de créer ou de rénover des places d’accueil.

2L’implantation des modes d’accueil de la petite enfance n’est pas répartie de manière homogène sur le territoire (Pélamourgues, 2012). L’examen des différents plans crèches, lancés depuis 2000, permet de comprendre et de mesurer la manière dont la branche Famille de la Sécurité sociale s’emploie à favoriser une répartition de l’offre d’accueil plus harmonieuse sur le territoire.

Investir dans les modes d’accueils collectifs

3Le mode opératoire de ces sept plans crèches a été stable en matière d’investissement. Un socle de base a permis d’aider les collectivités à créer des places d’accueil quelle que soit leur localisation. Des majorations sont venues s’ajouter à ce premier niveau de financement, en fonction de critères jugés prioritaires pour l’action publique. L’objectif a consisté alors à lever les obstacles d’implantation par un financement accru de la part des Caf. L’examen de ces majorations fournit une indication sur les objectifs que s’est fixés la branche Famille pour mieux prendre en compte la composante locale de l’offre d’accueil.

4Au cours de la période 2000-2005, 51 000 places ont été créées grâce aux différents plans mais la question de la disparité territoriale de l’offre n’était, alors, qu’un objectif secondaire.

5Lors des deux premiers plans, « Fipe » et « AEI », la dotation de base accordée à chaque place nouvellement créée (6 097 euros) pouvait être majorée de 3 000 euros si, deux critères innovants étaient respectés : la préscolarisation des enfants de deux à trois ans au sein d’actions « passerelles » et l’accueil d’urgence et les équipements soutenus et financés au niveau intercommunal. Dès 2001, l’approche territoriale a fait son apparition par la « petite porte ».

6En 2004, les critères précédents ont été reconduits (plan « Daipe »), mais l’approche territoriale était plus affirmée puisqu’une nouvelle majoration, de 2 000 euros, a été accordée aux projets implantés sur les zones de revitalisation rurale (ZRR).

7Au total, la mesure de l’approche territoriale sur le rééquilibrage est délicate au cours de cette première période, cet aspect étant trop implicite pour faire l’objet d’une mesure précise. Tout juste peut-on dire que 767 places nouvelles ont été créées en ZRR et 2 332 dans des intercommunalités.

Les plans crèches

Depuis une dizaine d’années, les sept plans crèches suivants ont permis de créer 105 154 places nouvelles accessibles au public [1] :
  • en 2000, le fonds d’investissement petite enfance (Fipe) ;
  • en 2003, l’aide exceptionnelle à l’investissement (AEI) ;
  • en 2004, le dispositif d’aide à l’investissement petite enfance (Daipe) ;
  • en 2006, le dispositif d’investissement petite enfance (Dipe) ;
  • en 2007, le plan d’aide à l’investissement pour la petite enfance (Paippe) ;
  • en 2008, le fonds d’abondement pour le plan d’aide à l’investissement pour la petite enfance (Fapaippe) ;
  • en 2009, Le plan crèche pluriannuel d’investissement (PCPI).

Une prise en compte progressive des spécificités locales

8Le plan « Dipe », mis en place en 2006, a amené de nombreux changements. Premièrement, les Caf ont dû hiérarchiser les territoires en fonction de plusieurs critères dont le taux de couverture en mode d’accueil [2], ce qui a favorisé de fait les communes peu équipées en modes d’accueil individuels ou collectifs.

9En plus du module « intercommunalité », une majoration, attribuée en fonction du potentiel financier [3], a pu atteindre 5 000 euros par place. Les majorations prenant en compte les spécificités locales permettaient pratiquement de doubler la subvention de base de 6 500 euros en la portant à 12 500 euros par place nouvelle.

10L’attractivité de ces mesures était importante puisque les fonds ont été majoritairement attribués soit à des intercommunalités, soit à des communes dont les recettes fiscales étaient faibles, ce qui a contribué à diminuer les inégalités entre territoires.

11Mis en place en 2009, le plan « PCPI » a permis aux Caf et à leurs partenaires de programmer la création de places nouvelles de manière pluriannuelle. La hiérarchie des projets s’est faite alors selon un critère unique : le taux de couverture en mode d’accueil. En plus de la majoration « intercommunalité » et selon le potentiel financier, la majoration « rééquilibrage territorial » a permis d’attribuer 800 euros supplémentaires par place nouvelle, implantée sur une commune dont la couverture en mode d’accueil est inférieure à celle du département. Au total, la subvention peut désormais atteindre 14 000 euros, dont 6 600 au titre de caractéristiques territoriales.

12Indéniablement, le caractère pluriannuel a rassuré les partenaires impliqués, en lissant l’intervention des Caf dans le temps et en permettant un rythme de création de places plus soutenu (11 400 places par an contre 8 500 précédemment).

13Le développement bien qu’intense a été néanmoins ciblé : 30 % des places nouvellement créées ont bénéficié de la majoration « rééquilibrage territorial ». 16 % des places nouvelles ont bénéficié du bonus intercommunalité et 87 % des places nouvelles bénéficient d’une majoration pour faible potentiel financier (inférieur à 2 000 € / habitant).

Les plans crèches ont contribué à diminuer les disparités

14L’approche territoriale d’abord assise sur des catégories ou des normes existantes (l’intercommunalité, la ZRR), a été progressivement supplantée par les caractéristiques propres du territoire (le potentiel financier, le taux de couverture). Cette évolution témoigne d’une volonté du réseau des Caf de mieux prendre en compte les situations locales et d’adapter les financements attribués en conséquence. Mais cette attention particulière portée aux zones faiblement couvertes a-t-elle permis un meilleur équilibrage de l’offre d’accueil ?

15En 2010, 369 267 places étaient autorisées par les services de protection maternelle et infantile (PMI) des Conseils généraux. Depuis 2002, le nombre de places en crèches n’a cessé de s’accroître (ONPE, 2011). Après 8 ans, le solde s’élève à 60 000 places.

16En outre, l’impact relatif des plans crèche a été d’autant plus important que le nombre de places dans des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) était faible dans le département au début de la période.

17Les 26 départements dont le nombre de places en 2002 était le moins élevé ont vu leur parc augmenter de 50 % en moyenne grâce aux plans crèches, alors que dans les 26 départements les mieux pourvus, les plans crèches n’ont représenté qu’une augmentation de 29 %. Le soutien des Caf à l’investissement a donc été un puissant levier de rattrapage pour les départements mal pourvus, dix ans auparavant.

18Les départements qui avaient le moins de places de crèches en 2002 sont souvent ceux qui ont connu le plus fort développement grâce aux plans crèches : il en va ainsi, par exemple, d’une série de départements allant du Gers jusqu’à la Haute-Loire, mais aussi des Hautes-Alpes, du Cher, des Deux-Sèvres, et d’une série de départements allant de la Haute-Saône à la Meuse. Les bénéficiaires de ce rattrapage sont des départements éloignés des plus grandes agglomérations du pays.

19Par ailleurs, 36 % des nouveaux établissements d’accueil ouverts en 2009 ou en 2010 l’ont été sur des communes qui n’étaient pas couvertes l’année précédente. À cette période, le nombre de communes disposant d’un EAJE est passé de 4 151 à 4 419 (+ 6,7 %). Les différentes majorations introduites par les plans crèches ont largement contribué à ce développement.

20Au-delà d’un développement purement quantitatif, les Caf œuvrent pour une meilleure répartition territoriale de l’offre d’accueil pour les jeunes enfants. Ce deuxième objectif, élaboré progressivement, témoigne de la volonté des Caf de participer à une régulation plus efficace des politiques de la petite enfance. Pour y parvenir, elles se sont dotées de mécanismes incitatifs qui prennent en compte les réalités locales. Pour la période à venir, et conformément à la volonté de la convention d’objectifs et de gestion (COG) pour la période 2013-2017, le rééquilibrage territorial devrait s’accentuer, voire s’étendre aux aides au fonctionnement et non plus simplement à l’investissement.

Notes

  • [1]
    Au cours de la période, 127 573 places nouvelles ont été financées, mais au 31 décembre 2012, seules 105 154 places étaient accessibles au public. Ce décalage s’explique par le temps séparant la décision de financement, la réalisation des travaux et l’ouverture d’une nouvelle crèche (cette durée moyenne est de 26 mois). D’ici 2016, la création de 22 419 places est programmée.
  • [2]
    Le taux de couverture en mode d’accueil correspond à la somme des enfants de moins de 3 ans quel que soit leur mode d’accueil (assistantes maternelles, garde à domicile financée par la Paje, structures d’accueil collectif…) rapporté au nombre d’enfants de moins de 3 ans.
  • [3]
    La Direction générale des collectivités locales (DGCL) utilise le potentiel financier pour comparer la richesse fiscale des collectivités locales. Cet indicateur est obtenu à partir des quatre taxes directes locales (taxe professionnelle, taxe foncière bâti et non bâti, taxe d’habitation) majorées des dotations récurrentes de l’État.

Bibliographie

  • Haut Conseil de la famille (HCF), 2013, Accueil des jeunes enfants et offre de loisirs et d’accueil des enfants et des adolescents autour du temps scolaire : la diversité de l’offre et les disparités d’accès selon les territoires.
  • Observatoire national de la Petite enfance (ONPE), 2011, L’accueil du jeune enfant en 2010 : données statistiques.
  • Pélamourgues B., 2012, « Quelle offre territoriale pour l’accueil des jeunes enfants ? », l’e-ssentiel, n° 127.
Catherine Dreux
Conseillère technique à la Direction des politiques familiale et sociale, Département des gestions et du financement de l’action sociale, Pôle financement, Caisse nationale des Allocations familiales (Cnaf).
Laurent Ortalda
Responsable du pôle « Petite enfance » au département enfance et parentalité, Direction des politiques familiale et sociale, Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 10/02/2014
https://doi.org/10.3917/inso.179.0124
Pour citer cet article
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