CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1En employant d’emblée l’adjectif « états-unien » pour qualifier la production nord-américaine en matière de sociologie, les deux auteurs d’un petit ouvrage [*] récemment publié par La Découverte soulignent la singularité qui caractérise la discipline outre-Atlantique.

2Aux sociologies française, allemande ou sud-américaine dont l’histoire, les objets et les méthodes sont bien connues, s’ajoute ainsi un rameau original qui se caractérise paradoxalement, à l’heure de l’internationalisation croissante des programmes de recherche, par un certain repli sur des problématiques locales, par la mise en évidence d’un objet unique qu’il convient d’expliquer et par une tendance assez marquée à une espèce d’endogamie intellectuelle qui pousse à ignorer les courants étrangers.

3S’il n’est pas exceptionnel pour un sociologue, quelle que soit sa nationalité, de privilégier la proximité tant géographique que culturelle pour choisir ses objets de recherche, il est en revanche plus rare de constater un renfermement sur le national aussi rigoureux qu’aux États-Unis au cours des trente dernières années.

4Ce constat repose sur un examen des canaux de diffusion des travaux sociologiques, qui a été réalisé à partir d’une analyse des sommaires des quelque deux cents revues spécialisées publiées aux États-Unis dans les années 1980. Les auteurs s’appuient pour ce faire sur les modalités de fonctionnement de la principale association professionnelle, l’American Sociological Association (ASA) dont ils soulignent deux évolutions principales. Ils remarquent d’abord l’émergence d’un régime épistémologique s’approchant de celui des sciences de la nature, indiqué par le format imposé des articles de l’American Sociological Review : formulation des hypothèses, exposition des données, discussion. Ils notent ensuite la forte spécialisation interne à la discipline, traduite par l’augmentation du nombre de sections de l’ASA qui constituent autant de sous-champs autonomes et la conséquence de cette spécialisation qui peut conduire à passer sous silence des pans entiers de la discipline.

5L’ouvrage propose un tableau d’ensemble d’une sociologie qui est souvent évoquée mais dont les orientations sont finalement assez peu connues. Son option est de privilégier la description de la sociologie telle qu’elle se fait, point de vue qu’on peut qualifier de pragmatique et qui semble désormais intéresser davantage le lecteur américain que la construction théorique qui avait ses faveurs jusque dans les années 1960. Six champs thématiques ont été retenus par les auteurs (L’économie, les organisations, la ville, la culture, les mouvements sociaux et le droit) en raison, semble-t-il, de leur fécondité et de leur exemplarité par rapport à la discipline dans laquelle ils s’inscrivent. Il faut savoir gré aux auteurs d’avoir réussi à établir cet état des lieux dans le cadre d’un ouvrage aussi condensé.

Notes

  • [*]
    Christin A. et Ollion E., 2013, La sociologie aux États-Unis aujourd’hui, Paris, éd. La Découverte.
Mis en ligne sur Cairn.info le 20/08/2013
https://doi.org/10.3917/inso.177.0085
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