1Pour assurer l’avenir de son système des retraites, la France a procédé à deux réformes, en 2003 et 2010. Celles-ci constituent « un parfait exemple d’européanisation des politiques sociales », analyse Nicole Kerschen, chercheuse en sciences sociales du politique [*]. La première réforme, en 2003, reprend plusieurs suggestions faites par l’Union européenne (UE). L’une recommandait d’élaborer « une stratégie efficace et viable pour garantir une meilleure participation des travailleurs âgés au marché de l’emploi ». Pour l’UE en effet, la France avait, à cet égard, des marges de manœuvres importantes, dans la mesure où le taux d’emploi des 55-64 ans était très faible (34,8 % en 2002) et l’âge effectif de sortie du marché du travail un des plus bas de l’Union (58,1 ans en 2002). Dans cette réforme de 2003, le gouvernement choisit d’allonger progressivement la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension à taux plein – sauf pour les assurés ayant eu des carrières longues qui auront la possibilité de partir avant 60 ans, ce qui va à l’encontre des objectifs européens. Différentes incitations pour que les travailleurs âgés se maintiennent sur le marché du travail, et donc diffèrent la liquidation de leur pension, figurent aussi dans la loi. L’une d’elles est une « surcote » pour toute année d’activité effectuée au-delà de 60 ans par les personnes qui ont déjà la durée de cotisation nécessaire pour percevoir une pension à taux plein.
2La réforme des retraites de 2010, poursuit la chercheuse, « parachève l’intégration du système français des pensions dans le processus européen de modernisation et d’adaptation des systèmes de pensions ». Cette réforme, en effet, reprend à son compte les différents objectifs adoptés en la matière au niveau européen. Ainsi, la France se dote notamment d’un outil de pilotage des réformes à venir et reporte de deux ans l’âge de la retraite – sauf pour les assurés dont l’état de santé a été très dégradé par l’exercice de métiers pénibles et ceux qui ont eu de longues carrières. « Deux années de maintien dans l’emploi à la fois rapportent deux ans de cotisations sociales (…) et réduisent d’autant la durée de versement de la pension », commente Nicole Kerschen. La loi met aussi en place de nouvelles mesures favorisant l’augmentation du taux d’emploi des seniors, telles qu’une aide à l’embauche des travailleurs vieillissants et la prise en charge d’une partie de la rémunération de ceux qui assurent le tutorat de jeunes en contrat de professionnalisation. Rien n’est prévu, en revanche, pour remédier aux écarts de pension entre les hommes et les femmes au détriment de ces dernières, qui ont pourtant été dénoncés de façon réitérée depuis 2003. Au contraire, le report de deux ans de l’âge de la retraite risque fort de les pénaliser. Selon l’auteure, la « question de l’égalité entre femmes et hommes, à la base du modèle social européen » exigera donc l’ouverture d’un nouveau chantier.
Notes
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[*]
Kerschen N., 2011, « La réforme française des retraites de 2010 : un exemple d’européanisation des politiques sociales », dossier « Se donner le droit : la force des organisations face à la loi », revue Droit et société, n° 77, p. 87-108.