CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’ouvrage coordonné par Franck Thénard-Duvivier, Hygiène, santé et protection sociale de la fin du XVIIIe siècle à nos jours[*], propose un état de la recherche historique sur les pratiques et les politiques de santé de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle. Au-delà des apports académiques des historiens, une section présente des réflexions sur l’actualité, dans le cadre d’un débat réunissant des professionnels de la protection sociale sur le système de santé français. Enfin, les derniers chapitres de l’ouvrage exposent des corrigés de dissertations à l’usage d’étudiants normaliens.

2Si l’on se centre sur la présentation des recherches, de multiples phénomènes et processus sont mis en valeur. Un point déterminant est celui de la santé, émergeant comme un savoir-vivre social, dépassant les limites du seul champ de la maladie. À la période considérée, le regard se déplace sur les modes de vie qui permettent d’assurer l’entretien de la santé. L’hygiène fait son entrée dans le champ social et médical, en intégrant des questions liées au travail ou à l’urbanisme. Villermé, dans un ouvrage de 1824, montre les liens entre l’insalubrité des logements ouvriers et le développement du choléra puis, médecin du travail avant la lettre, dresse un tableau des mauvaises conditions de vie de la classe ouvrière. Parent-Duchâtelet, dans son Essai sur les cloaques, paru la même année, réclame la mise en place d’une gestion des déchets. Cet hygiéniste se fera ensuite connaître par ses projets d’administration de la prostitution afin de combattre la syphilis. Les progrès de la médecine permettent de passer d’une vision morale (le malade est coupable et frappé par un mal invisible) à une vision positive (le microbe peut être combattu par des pratiques comme la désinfection, la vaccination ou le lavage). En face, si l’on peut dire, des médecins, il y a les patients. Des recherches s’intéressant aux relations entre médecine savante et médecine populaire ont revisité leur rôle. Alors qu’une historiographie traditionnelle valorisait le point de vue des médecins, dressant le tableau d’une population obscurantiste et réticente, un courant plus récent de recherches a relativisé cette représentation. À partir des années 1970, on redécouvre une autonomie des patients qui est l’effet d’une nouvelle façon de faire de l’histoire, intégrant notamment des analyses en termes de marché thérapeutique et de rapports de négociation entre les acteurs. De toutes récentes recherches sur une médecine « vue d’en bas » ont permis de prendre en compte la culture médicale des patients. Ces résultats sont issus de changements de paradigmes, mais aussi de changements de méthodes de recherches des historiens : l’étude des grands ensembles statistiques s’atténuant au profit de l’analyse de sources qualitatives comme des journaux intimes ou des correspondances.

Notes

  • [*]
    Thénard-Duvivier F. (coord.), 2012, Hygiène, santé et protection sociale de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Ellipses.
Alain Vulbeau
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Mis en ligne sur Cairn.info le 24/04/2013
https://doi.org/10.3917/inso.175.0047
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