1Ce numéro d’Informations sociales met l’accent sur les défis et les enjeux de la protection sociale française en tenant compte du cadre fixé par l’Europe. Quelles influences l’européanisation – si elle est tangible – de la protection sociale entraîne-t-elles sur le système français, et, réciproquement, dans quelle mesure la France agit-elle sur les orientations européennes en la matière ? Sont ainsi questionnés les orientations politiques, sociales et économiques de l’Europe ainsi que le rôle des institutions européennes face à la diversité des situations et systèmes de protection sociale. Existe-t-il des voies de cohésion, des intérêts à mutualiser, des valeurs à défendre ? Que peut en attendre la France ? Il s’agit ainsi de contribuer au débat prospectif sur l’avenir de la protection sociale française dans le contexte de l’Europe.
2Lutter contre la pauvreté et l’exclusion, axe transversal à toutes les politiques de protection sociale et premier objectif du millénaire des Nations unies est bien évidemment relancé par l’Union européenne et concrétisé récemment par Europe 2020 en reprenant à son compte des éléments non monétaires tels que les notions de bien-être procurées par l’accès à l’éducation, le logement, l’emploi et la protection sociale, mais aussi les vacances et les loisirs.
3La question de la réforme des retraites posée différemment dans tous les pays en fonction de leur démographie se dessine à partir de quelques éléments communs, par exemple sur l’espérance de vie à la naissance – différente selon les pays – et sur la notion de temps restant à vivre en bonne santé.
4Trois axes structurent les développements proposés dans cet ouvrage.
5Dans la première partie, il s’agit de mettre en débat un questionnement sur les effets de l’européanisation des systèmes nationaux de protection sociale. Quels défis européens se dessinent autour de l’Europe sociale ? Vers quelle gouvernance et quel modèle social l’Europe évolue-t-elle ? Quelles réformes sont envisagées ? Quels effets la Méthode ouverte de coordination produit-elle ? Qu’en est-il de l’européanisation en matière de santé ? En 2012, la relance économique européenne en débat entraîne des interrogations sur les perspectives d’évolution de la construction de l’Europe sociale – dont la protection sociale – autour de la prévention de la santé, de la vieillesse active et des dispositifs de retraite, de l’intégration de la jeunesse, de l’éducation des enfants et du soutien aux parents.
6La deuxième partie s’intéresse aux cadres européens, juridiques, économiques et sociaux. Peut-on mesurer les influences du droit européen sur les institutions, les services, les familles, la jeunesse ? Quels résultats et enseignements l’Europe tire-t-elle de la comparaison des politiques ? L’européanisation du droit marque des avancées structurantes pour la protection sociale, ce que défendent les auteurs des articles de cette deuxième partie.
7Loin de représenter seulement des cadres contraignants, l’Europe apporte des ouvertures expérimentées en premier lieu dans certains pays pour suggérer et interpréter des règles de droit et d’usage européens – quasi universels – et les réguler par le fait de jurisprudences. Outils et méthodes contribuent à faire jouer les rapports de force en présence, comme le montrent les nombreuses décisions en matière de droit et de jurisprudence. Mesurer les influences du droit européen sur les administrations, les services, les familles et les enfants, la jeunesse et l’éducation permet ainsi d’en démontrer la portée.
8La troisième partie s’attache aux défis et débats autour des avancées de la protection sociale de la famille. Les interrogations relatives à l’européanisation des systèmes nationaux de protection sociale autour de la famille s’intéressent aux principaux défis actuels et futurs. Les principales évolutions du système de protection sociale familiale français relèvent en effet de quelques inflexions dues à l’européanisation, et inversement.
9Par exemple, la notion d’investissement dans la petite enfance et celle de retour sur investissement relaient des notions évaluées dans les pays du nord de l’Europe : les effets d’une éducation précoce se répercutent sur l’ensemble du cycle de vie et sur les générations suivantes. La France, depuis la Seconde Guerre mondiale, a fortement investi dans la petite enfance à travers sa politique familiale dont les effets sur la fécondité, l’emploi des femmes et le développement des enfants rejoignent, voire contribuent à influencer ces objectifs européens, traduits notamment dans la stratégie de Lisbonne.
10Il apparaît que l’investissement dans l’enfance et dans la jeunesse pourrait constituer les bases de l’Europe de demain. Des politiques ne pourraient-elles se dessiner en faveur de la jeunesse comme atouts et ressources pour le présent et l’avenir, alors que les jeunes semblent oubliés et manifestent dans certains pays ?
11Les questionnements parfois contradictoires autour des modèles de gouvernance, des cadres juridiques protecteurs et/ou contraignants, des orientations politiques en faveur des jeunes enfants et de leur famille, des formes de protection sociale interactives entre domaines de la santé, de la famille et de la parentalité, de l’éducation, de l’économie, de la retraite, et entre générations pourraient laisser entrevoir des perspectives d’une Europe sociale en mouvement. L’ensemble des articles constituant ce numéro contribue ainsi à définir les frontières et les contenus d’une Europe sociale en devenir dans laquelle la France apporte sa participation et dont, en retour, elle bénéficie des avancées.