CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Après avoir connu un développement considérable au cours des trente dernières années, l’action sociale continuera à être fortement sollicitée pour répondre à la multiplication des problèmes sociaux. Pourra-t-elle y faire face et comment ? Une seule chose est sûre : « Rien n’est joué », répond Pierre Savignat, maître de conférences associé à l’Université de Grenoble [*]. Pour ce spécialiste de l’évaluation et du management des politiques sociales, trois scénarios d’évolution de l’action sociale sont envisageables.

2Le premier, qu’il qualifie de « scénario au fil de l’eau », s’inscrit dans la continuité du présent, avec une action sociale chaotique et un accroissement des contraintes. « Les politiques publiques resteraient dominées par les logiques financières, avec des mouvements de stop and go, au gré de la médiatisation, de rapports de force, d’effets d’annonce », pronostique l’expert. « Marqué plutôt par l’indécision que par une volonté stratégique affirmée », ce scénario n’apporte aucune solution durable, souligne-t-il : parvenir à la diminution des dépenses sociales prendrait un temps infini cependant que, parallèlement, un nombre croissant d’usagers se retrouveraient sans réponses satisfaisantes.

3Le deuxième scénario, franchement néolibéral, « passe par une remise en cause drastique du système de protection sociale, notamment en brisant le monopole de la sécurité sociale ». Celle-ci disparaîtrait ou serait confrontée à des assureurs privés, chaque usager choisissant sa couverture maladie et son niveau de protection. Pour les retraites, la mise en concurrence des régimes par répartition et par capitalisation participerait de la même logique. Mais, du fait d’une solvabilisation limitée, on assisterait à l’« éviction d’une partie grandissante de personnes en difficultés et [à] une sollicitation beaucoup plus forte des solidarités familiales et de la générosité privée, comme substituts à l’action publique ».

4Le pire n’étant jamais sûr, Pierre Savignat ne croit pas à ce deuxième scénario. Il évoque une troisième voie, nettement plus souhaitable, qui consiste à refonder un modèle solidaire. Il s’agirait de ré-encastrer les questions sociales dans une approche globale du fonctionnement de la société en s’appuyant sur deux leviers principaux. Le premier est d’agir, autant que faire se peut, sur les causes des dysfonctionnements sociaux à l’origine des problèmes plutôt que de chercher ensuite à y remédier. Par exemple, en matière de logement, en accroissant l’offre sociale plutôt qu’en multipliant les solutions palliatives. Le deuxième levier consiste à « donner une réelle effectivité à l’idée de l’accès de tous aux droits de tous, c’est-à-dire à des stratégies en termes d’intégration au milieu ordinaire ». Qu’il s’agisse de l’aménagement des postes de travail, des modes de transport ou de l’habitat, l’accessibilité contribuerait à faire baisser la demande d’action sociale et aurait aussi « des impacts positifs pour tout un chacun », estime Pierre Savignat.

Notes

  • [*]
    2012, « 2012 : l’action sociale en question », in L’année de l’action sociale 2012, ouvrage collectif, éd. Dunod.
Caroline Helfter
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Mis en ligne sur Cairn.info le 24/04/2013
https://doi.org/10.3917/inso.175.0033
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