1Les centres sociaux se développent en France dès le début du XXe siècle à partir d’œuvres sociales et d’associations locales qui placent les habitants – les ouvriers – au cœur d’actions visant l’amélioration de leur environnement et de leurs conditions de vie. Ils s’organisent progressivement, entre les années 1920 et 1960, en fédérations locales et nationale. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les centres sociaux sont les seuls équipements sociaux collectifs reconnus pour l’élaboration des politiques sociales.
Un équipement s’appuyant sur les habitants et les bénévoles...
2De l’extérieur, on pourrait définir un centre social comme un équipement polyvalent de proximité, c’est-à-dire qu’il ancre ses activités et actions dans le territoire d’un quartier, d’une petite ville ou d’un canton. En fonction des besoins spécifiques des habitants, et avec la préoccupation de créer à la fois du lien entre les personnes et de la cohésion sur le territoire, le centre social propose une offre de services et d’ateliers (par exemple, halte-garderie ou accueil de loisirs, permanences administratives, ateliers théâtre ou couture...) et organise des activités festives et culturelles. De plus, pour aider les habitants à réaliser leurs projets, le centre social met à leur disposition des moyens logistiques (locaux, matériel...) et professionnels (les compétences des personnels du centre social).
3Plus de deux mille centres sociaux émaillent aujourd’hui le territoire, principalement implantés dans les zones à forte densité de population (notamment dans les Bouches-du-Rhône, la Haute-Garonne, la Loire-Atlantique, le Nord et le Rhône). Les deux tiers d’entre eux constituent des associations, ce que souligne la charte adoptée en 2000 par la Fédération nationale des centres sociaux en définissant un centre social comme un «?foyer d’initiatives porté par des habitants associés, appuyé par des professionnels capables de définir et de mettre en œuvre un projet de développement social local?». En quinze ans, entre 1991 et 2006, les centres sociaux sont deux fois plus souvent gérés par les communes (passant de 13?% à 23?%), tandis que la tendance s’inverse pour les centres sociaux directement gérés par les caisses d’Allocations familiales (15?% à 7?%). Derrière une appellation et des missions communes, les centres sociaux recouvrent une réalité polymorphe, caractérisée par l’importance de l’urbanisation de leurs territoires d’implantation (urbain, périurbain, rural) et les effets du mode de gestion (gestion associative, gestion directe caisse d’Allocations familiales –?Caf, gestion directe commune, gestion mixte.
… soutenu et orienté par les Caf…
4L’affaiblissement de la part des centres sociaux gérés directement par une Caf ne signifie pas pour autant un désengagement de la branche Famille de la Sécurité sociale. Ainsi, en 1998, la Caisse nationale des Allocations familiales (Cnaf) inscrit les centres sociaux dans une politique d’animation de la vie sociale et met en place deux prestations de service?: «?Actions collectives familles?» dans les centres sociaux et «?Animation locale?» pour des structures de voisinage. Les dépenses des allocations familiales pour ce secteur, essentiellement constitué par les centres sociaux, sont de 302 millions d’euros en 2010 et représentent 7,2?% des dépenses en matière d’action sociale. Les centres sociaux peuvent en outre percevoir, en fonction de leur offre de services, des prestations pour l’accueil des jeunes enfants, des accueils de loisir ou encore l’accompagnement des départs en vacances familiales.
5Parallèlement au soutien financier qu’elle leur apporte, la branche Famille participe à l’orientation des missions des centres sociaux à travers l’agrément, qui conditionne le versement d’une prestation de service «?Animation de la vie sociale?». Pour l’octroi de cet agrément, le conseil d’administration de chaque Caf débat du projet de chaque centre social et statue sur la validité du projet (celui-ci comporte un diagnostic, un plan d’action et une évaluation). Il s’appuie pour cela sur une lettre circulaire de la Cnaf, rédigée en 1995 en lien avec la Fédération nationale des centres sociaux, définissant les missions auxquelles les centres sociaux doivent répondre pour être agréés. Ces missions rappellent la primauté de la finalité sociale de toutes les activités proposées, lesquelles ne sont, en quelque sorte, qu’un prétexte, une occasion pour créer du lien social. Elles font également du centre social un relais de l’action sociale et un acteur de développement social local, partenaire des collectivités locales. Ainsi, un centre social apparaît comme?:
- un équipement de quartier à vocation sociale globale, ouvert à l’ensemble de la population habitant à proximité, offrant accueil, animation, activités et services à finalité sociale?;
- un équipement à vocation familiale et pluri-générationnelle?; lieu de rencontres et d’échanges entre les générations, il favorise le développement des liens familiaux et sociaux?;
- un lieu d’animation de la vie sociale?; il prend en compte l’expression des demandes et des initiatives des usagers et des habitants et favorise le développement de la vie associative?;
- un lieu d’interventions sociales concertées et novatrices ; compte tenu de son action généraliste et innovante, concertée et négociée, il contribue au développement du partenariat entre acteurs locaux.
… et dont le projet exprime la conception du lien social
6Une étude monographique, réalisée par le Centre Émile Durkheim (Université Bordeaux II – Victor Segalen) en 2011, à la demande de la Cnaf, rappelle la place structurante du projet social des centres sociaux pour comprendre leur action, en soulignant la manière dont il éclaire la vision du lien social à laquelle chaque centre social se réfère pour mettre en œuvre sa mission. À partir de la (des) conception(s) du lien social mobilisée(s), trois types de projets sont identifiés. Dans tous les cas, les activités proposées dans les centres sociaux constituent un moyen d’action plutôt qu’une fin en soi, conformément aux textes institutionnels et fédératifs.
- Les projets de centres sociaux s’inscrivant dans une logique d’intégration mettent en avant l’importance des groupes et de l’intérêt collectif plutôt que les individus et leurs intérêts. Ils font référence à une vision du travail social et de l’éducation populaire héritée de la IIIe République, qui place la participation au cœur de l’action. La participation des habitants à des activités spécifiques doit leur permettre ensuite de s’impliquer dans des projets plus civiques, collectifs, allant bien au-delà de la réponse à des besoins particuliers. Par exemple, à l’occasion d’une fête de quartier, un centre social réunit ses adhérents pour qu’ils l’organisent plutôt que de s’en remettre aux associations, comme il le faisait auparavant. Les usagers du centre social ne sont pas considérés comme des «?clients?»?; ils doivent honorer leur «?dette?» à l’égard de la collectivité en participant à l’échange social.
- D’autres centres sociaux conçoivent leur projet social davantage en référence à la cohésion sociale?: la société reste, comme dans la logique précédente, perçue comme un «?tout?» cohérent, mais c’est ici davantage par les relations entre les individus que par les structures macrosociales que se fait l’appartenance. Ce sont alors les notions du «?vivre ensemble?», du lien social, de l’interaction, de la réciprocité, de la convivialité qui sont mobilisées. Ce type de projet social tend également à faire référence à une autre vision du lien social, plus individualiste, dans laquelle chacun doit se réaliser soi-même. L’action du centre social souligne, d’une part, le respect de chacun et des différences et cherche, d’autre part, à apporter les aides nécessaires pour l’accomplissement de soi. À travers des activités communes et en étant écouté, l’individu va reprendre confiance en lui (volet individualisation) et devenir capable de s’engager dans des projets communs à l’échelle du territoire (volet cohésion sociale).
- Enfin, des projets de centres sociaux mêlent la vision individualiste du lien social à une référence au conflit – conçu comme la source d’un contre-pouvoir porteur de changement social, à l’encontre de la recherche d’un consensus (jugé impossible dans cette logique). Dans ces projets de capacitation, le centre social entraîne les habitants à prendre l’initiative, à être en capacité d’agir par eux-mêmes, pour se faire entendre et agir sur leur environnement. Le centre social se positionne alors en catalyseur de projets.