1Dans le secteur de l’action sociale, les associations sont nombreuses et certaines peuvent être reconnues d’intérêt public. Une réflexion sur la mise en place d’indicateurs pour mesurer leur utilité sociale a émergé en 2009, lors des travaux préparatoires à la conférence de la vie associative. Cette notion d’utilité sociale des associations est liée en particulier au développement et à la promotion de l’économie sociale et solidaire (ESS) ces dernières décennies. La question de sa mesure a pris de l’importance avec la forte croissance, depuis les années 1990, des activités sociales des associations dans les services aux personnes – enfance, personnes âgées, santé, réinsertion, etc. (Gadrey, 2004, p. 56). C’est dans ce contexte qu’en décembre 2010 le groupe de travail «?Connaissance des associations?» du Conseil national de l’information statistique (Cnis) rendait son rapport du même nom [1]. Ce focus reprend des éléments du chapitre 6 de ce rapport qui porte sur la mesure de l’utilité sociale des associations.
Qu’est-ce que l’utilité sociale des associations...
2Il s’agit d’une notion plutôt floue, principalement invoquée par les acteurs de l’économie sociale et solidaire pour légitimer leur rôle. Jean Gadrey parle ainsi de «?convention sociopolitique?» de ce concept dans son rapport consacré en 2003 à l’utilité sociale des organisations de l’ESS [2]. Il cite la définition proposée par le juriste Thierry Guillois en 1998 dans la Revue de droit fiscal : «?Il y a utilité sociale lorsque la collectivité, au sens large ou restreint, profite aussi des effets produits par les prestations associatives, et que ce bénéfice collectif est recherché en tant que tel par l’association?» (p. 14). Lui-même définit l’utilité sociale comme toute activité dont l’objectif et le résultat contribuent à?:
- la réduction des inégalités économiques et sociales, y compris par l’affirmation de nouveaux droits?;
- la solidarité (nationale, internationale ou locale) et la sociabilité?;
- l’amélioration des conditions collectives du développement humain durable (éducation, santé, culture, etc.).
... et comment la mesurer ?
3L’apport au Produit intérieur brut (PIB) de ce qui est nommé globalement les institutions sans but lucratif au service des ménages (IBLSM) –?associations mais également fondations, partis politiques, syndicats de salariés, Églises?– a été mesuré par l’Insee?: il représentait 1,4?% en 2008? [3]. La participation des associations à l’économie se fait principalement par les rémunérations de leurs salariés, avec 3?% de l’emploi total. Leur rôle social se situe dans les services non marchands proposés aux ménages, le bénévolat, les aides directes aux ménages qui bénéficient de la redistribution. En 2008, près de la moitié de leur activité relevait de l’action sociale, c’est-à-dire de l’aide aux personnes fragiles (Vanderschelden, 2011).
Indicateurs proposés à partir du rapport de J. Gadrey
4Pour ce qui concerne spécifiquement l’utilité sociale, J. Gadrey suggère de repérer, qualifier et quantifier trois réalités observables?: le projet et ses missions d’utilité sociale?; les publics bénéficiaires?; ses actions et ses impacts. Il regroupe cinq thèmes d’utilité sociale qui lui permettent de répertorier 11 critères globaux et 35 critères élémentaires. Sur cette base, le rapport du Cnis de 2010 propose quelques indicateurs possibles.
Utilité sociale à forte composante économique

Utilité sociale à forte composante économique
5L’utilité sociale se caractérise par sa capacité à produire à moindre coût des services identiques rendus par des entreprises privées et/ou le secteur public. Le rapport du Cnis propose un indicateur de la différence des coûts de production entre organisations associatives et autres organisations. Par exemple, dans le cadre d’associations qui œuvrent pour la réinsertion de personnes sans emploi, l’indicateur pourrait être l’économie réalisée en matière de dépense publique d’indemnisation.
Égalité, développement humain et développement durable

Égalité, développement humain et développement durable
6La difficulté est de bien isoler la contribution des activités associatives dans la réduction des inégalités sociales à l’aune des indicateurs déjà existants. C’est pourquoi le Cnis ne propose pas de nouveaux indicateurs pour ce thème.
7Les missions d’entraide, d’insertion et de vivre ensemble sont au cœur des projets associatifs. Les associations ont ainsi un rôle social par leur capacité à créer des liens entre les individus et réinsérer des personnes isolées. Aucun indicateur de mesure n’est proposé par le Cnis pour ce thème.
Lien social et démocratie locale

Lien social et démocratie locale
Contributions à l’innovation sociale, économique, institutionnelle

Contributions à l’innovation sociale, économique, institutionnelle
8Il s’agit là de la capacité des associations à mettre en œuvre des projets innovants répondant à des besoins insatisfaits ou inexplorés. L’indicateur proposé par le Cnis est le repérage et la description des innovations et l’évaluation de leurs impacts.
9La mesure proposée est la vérification de la non-lucrativité et de la gestion désintéressée, la mesure de l’activité bénévole, la vérification du respect des règles démocratiques. Bien qu’énumérant les indicateurs possibles, le groupe du travail du Cnis a considéré que le système statistique public n’avait pas la légitimité nécessaire pour définir l’utilité sociale des associations.
Autres indicateurs
10L’association Culture et promotion et la chambre régionale de l’économie sociale (CRES) de la région Languedoc-Roussillon, un groupe d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, ont eux aussi produit, en 2006, un document?: «?Référentiel d’identification et de mesure de l’utilité sociale générée par les structures de l’ESS?». Ils ont dégagé trois grandes thématiques de l’utilité sociale avec des critères associés : la cohésion sociale, le développement local et le changement sociétal.
Utilité sociale « interne », avec des effets possibles de contagion « externe »

Utilité sociale « interne », avec des effets possibles de contagion « externe »

11Trois types d’indicateurs sur le lien social sont proposés?:
- Indicateurs de réalisation (ce qui est réalisé concrètement)?: nombre de participants à des actions collectives, niveau d’implication des participants, diversité des participants.
- Indicateurs de résultat (les effets directs de l’activité)?: niveau et nature des échanges entre les personnes durant l’activité, amélioration de la connaissance des autres groupes.
- Indicateurs d’impact (effets à moyen ou long terme, attendus ou inattendus)?: relations développées en dehors de l’activité, accroissement de l’investissement dans les projets collectifs, participation à la vie de la cité, transmission de savoirs et de savoir-faire.
- Indicateurs de réalisation?: nombre d’usagers, dispositifs de suivi personnalisé mis en place, activation d’un réseau partenarial, dispositif de participation des salariés mis en place, modulation des tarifs des services.
- Indicateurs de résultat?: amélioration des situations sociales, familiales et personnelles, évolution du rapport à l’emploi, reconnaissance des acquis de l’expérience, acquisition de compétences.
- Indicateurs d’impact?: amélioration de la situation personnelle, capacité à se projeter à court, moyen ou long terme, renforcement du réseau relationnel, taux de retour à l’emploi, entrée dans des dispositifs de formation, participation à des espaces publics de proximité.
Notes
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[1]
Archambault É., Accardo J. et Laouisset B., 2010, Connaissance des associations, rapport n°?122 pour le Conseil national de l’information statistique (Cnis), consultable sur le site http://www.cnis.fr
-
[2]
Gadrey J., L’utilité sociale des organisations de l’économie sociale et solidaire. Une mise en perspective sur la base de travaux récents, rapport pour la DIES-MiRe, février 2004.
-
[3]
Vanderschelden M., 2011, «?La place du secteur associatif et de l’action sociale dans l’économie?», «?Deux dimensions de la vie sociale à l’aune des comptes nationaux?», Insee première, n°?1356.