1« Demain est moins à découvrir qu’à inventer », affirmait le philosophe Gaston Berger (1896-1960). Se plaçant sous les auspices de cet auteur à qui l’on doit justement le terme « prospective », la Fonda, laboratoire d’idées au service des associations, a lancé en 2011 une large démarche participative sur l’avenir du monde associatif. Quatre futurs possibles sont issus de cette initiative baptisée « Faire ensemble 2020 » [1].
2Le premier scénario est le plus sinistre. « Dans une société où la marchandisation et l’individualisme l’emportent, les associations sont préoccupées par leur survie et cherchent à s’adapter pour devenir compatibles au marché. Elles ont renoncé à jouer un rôle politique, les projets financés par les pouvoirs publics sont peu issus de leur réflexion (…) et les associations ne sont plus que des prestataires de services », résume Pierre Vanlerenberghe, président de la Fonda [2]. Cette « économisation » infléchit les pratiques associatives : le bénévolat se raréfie, car les bénévoles ne sont pas prêts à s’engager dans des logiques commerciales. Mais elle crée aussi de nouveaux besoins d’association en raison de la multiplication des exclusions qu’elle tend à générer. Cela réactive les fonctions de lutte du monde associatif et on assiste à la création de collectifs éphémères autour de diverses causes.
3Le deuxième scénario est celui de la défausse de l’État. Celui-ci s’allège en transférant à d’autres acteurs une grande partie des services et des missions qu’il assurait. Les associations sont ainsi confrontées à la volonté du pouvoir central de favoriser une société auto-organisée de proximité. Cette configuration constitue pour elles une forme de reconnaissance, mais en même temps les instrumentalise par l’imposition de multiples normes et contrôles. Ainsi enrégimentées, les associations s’adaptent au modèle économique dominant, mais l’innovation associative en est fortement compromise.
4Dans le troisième scénario, l’économie sociale et solidaire est une force économique et politique. Les entreprises s’impliquent dans le partenariat avec les associations et l’essentiel de la protection sociale est préservé. L’acte III de la décentralisation a eu lieu et l’échelon local devient l’espace de construction de nouvelles réponses, notamment pour ce qui concerne l’accompagnement des individus et le respect de leurs droits.
5Le dernier scénario est sans doute le plus utopiste. Avec le développement de l’économie de la connaissance, de nouveaux modes d’organisation transforment en profondeur le rapport à l’activité productive. Les associations sont parvenues à imposer le principe d’un encastrement du marché dans des règles décidées de façon démocratique, et les entreprises ont mis à leur agenda leur participation à la construction de l’intérêt général.