CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les associations sont nombreuses et actives dans le champ social. Leurs répertoires d’action sont divers, et dépendent de leur secteur d’intervention, de leur environnement, de leur insertion dans un réseau... Certaines s’inscrivent sur le registre militant défendant aussi un projet de société, d’autres, ancrées sur un territoire, peuvent être amenées à jouer, en tant qu’acteur de proximité, un rôle dans la mise en œuvre des politiques locales. D’autres encore, parce qu’elles sont en contact avec les usagers, font valoir un rôle d’expertise, ou de relais démocratique de la parole des personnes.

2Cependant, d’importantes mutations du champ social influencent ces répertoires d’action. Ainsi, la décentralisation a multiplié les interlocuteurs locaux, tout en limitant l’intervention étatique auprès des populations?; la constitution de certaines associations en fédération renforce dans ce contexte leur rôle d’interface des différents niveaux territoriaux. La maîtrise des dépenses publiques, et les exigences accrues d’évaluation, ont renforcé les financements sur projet et non plus de fonctionnement ; certaines associations ont vécu cette évolution comme une transformation significative de leur rapport aux institutions publiques, comme un passage de partenaires à prestataires. Par ailleurs, l’émergence de nouvelles problématiques sociales, particulièrement en matière d’insertion, a renforcé la nécessité d’innovation, potentiellement portée par le secteur associatif.

3Ces mutations sociales et politiques ont induit de nouveaux positionnements, de nouvelles missions pour les associations. Un exemple en est le dialogue civil, qui a fait l’objet, début 2012, d’un séminaire coorganisé par la Direction générale de la cohésion sociale et par le Centre d’analyse stratégique. Utilisée en référence au dialogue social, cette notion évoque une nouvelle manière de construire les politiques, reposant sur un dialogue entre les pouvoirs publics et les associations. Le succès de cette notion est sans doute explicable par la reconnaissance qu’elle induit de la place de l’acteur associatif dans la construction, la mise en œuvre, et même l’évaluation des politiques. Les «?Grenelle?» (de l’environnement, de l’insertion) en sont des exemples, qui prennent appui sur l’ensemble des acteurs sociaux agissant dans un champ pour (re)bâtir une politique. Ces nouvelles pratiques, séduisantes sur le principe, posent toutefois questions. Tout d’abord, la notion est encore floue, et le dialogue civil reflète dans les faits une grande disparité de pratiques, de la simple information à la consultation, la concertation, la négociation, ou, dans son acception la plus large, la coconstrution. Certains acteurs soulignent alors la déception après un Grenelle lors de l’adoption concrète de leurs propositions dans des lois souvent moins ambitieuses que les propositions elles-mêmes. Par ailleurs, les postures de certains intervenants ne sont pas toujours simples et peuvent être ambiguës?; ainsi, on peut interroger le rôle de «?juge et partie?» des associations, qui cumulent souvent les rôles d’opérateurs tout en prétendant relayer la parole des usagers.

4Il nous semble que les associations se trouvent aujourd’hui à une croisée des chemins?: intervenants indispensables du champ social, elles doivent pour conserver une marge de manœuvre, qui est le fondement de leur existence, repenser leurs positionnements traditionnels et leurs modalités d’action. Ce numéro d’Informations sociales vise à participer à une meilleure compréhension des enjeux qui se posent aux associations du secteur social, en proposant une réflexion sur deux axes. D’une part, il s’agit de mieux connaître les associations du champ social, leur fonctionnement et répertoires d’action. D’autre part, il s’agit de souligner la diversité des interactions qui se nouent avec les institutions publiques, et de mettre en exergue les évolutions en cours.

5Ainsi, dans une première partie, le numéro fait le point sur l’économie des associations. Les associations du secteur social fonctionnent assez largement avec le soutien des financements publics, de plus en plus orientés vers le soutien aux actions. Est alors soulignée la dépendance croissante des associations au contexte économique et leur situation financière délicate ; apparaît une logique gestionnaire qui s’installe jusque dans la gestion des personnels.

6La deuxième partie porte sur les différents rôles tenus par les associations et analyse leurs répertoires d’action et leurs évolutions. Ainsi, par exemple, on note que, alors que le rôle de militantisme traditionnel régresse, d’autres modes d’influence de la politique se développent, des happenings à l’expertise ou à l’organisation de la parole des usagers.

7La dernière partie illustre enfin, par des exemples, les modes de coopération des institutions publiques et des associations dans le champ social : petite enfance, protection de l’enfance, care, services à la personne.

Delphine Chauffaut
Cnaf
Mis en ligne sur Cairn.info le 27/09/2012
https://doi.org/10.3917/inso.172.0004
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