CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les images auxquelles l’Australie est associée évoquent souvent la rudesse de son climat et de sa géographie ou la virilité des rapports entre les êtres qui peuplent le pays, que ce soit sur des terrains de sport ou dans les marigots où se chasse le crocodile. Ceux qui véhiculent ces clichés savent-ils que ce pays, né officiellement avec le XXe siècle, n’est pas le royaume machiste qu’on pourrait imaginer mais qu’il est aussi, par certains côtés, l’un des berceaux mondiaux du féminisme.

2On sait en général que l’Australie possède depuis juin 2010 avec Julie Gillard un Premier ministre de sexe féminin. On se souvient aussi que Cathy Freeman, médaillée olympique en 2000 et deux fois championne du monde du 400 mètres haies figure au Panthéon de l’athlétisme, qu’une nommée Samantha Harris, abolissant d’un même élan les frontières du sexisme et celles du racisme, est devenue la première « top-modèle » d’origine aborigène, et surtout qu’une auteure australienne, Germaine Greer, contribua à stimuler les mouvements féministes dans le monde entier en publiant La Femme eunuque en 1970.

3Au-delà de ces arguments tout de même un peu factuels, on sait sans doute moins que l’Australie, très récemment fédérée, s’est distinguée en accordant aux femmes dès 1902, soit huit ans après la Nouvelle-Zélande, le droit de voter et celui d’être élues. Et on sait moins encore sans doute que les revendications des femmes australiennes ont été exprimées dès 1888 (en Nouvelle-Galles du Sud), et près d’un siècle avant le livre de Germaine Greer, dans un journal mensuel [1] baptisé The Dawn (L’Aurore) dirigé par une certaine Louisa Lawson. Rédigé, composé et vendu par un groupe d’une dizaine de femmes, le titre dont l’objectif annoncé était d’être « le haut-parleur des murmures, des opinions et des revendications de la ‘’sororité’’ humaine » fut diffusé jusqu’en 1905 et son histoire reste exemplaire.

4L’analyse du féminisme australien, précoce dans son expression publique et particulièrement original dans son développement, n’a cependant pas fait l’objet d’une attention particulière de la part des historiens européens du féminisme. Il faut en effet se reporter à l’ouvrage [2] d’une professeure de l’Université de Tasmanie, Marilyn Lake, pour en avoir une première analyse complète, y distinguant quatre périodes dont la dernière, qui commencerait avec les années 1970 et qu’elle appelle « la seconde vague », serait caractérisée par une véritable rupture avec les standards du comportement politique. Pour l’auteure, le féminisme australien s’est alors libéré des stéréotypes réduisant le rôle des femmes à la procréation et à l’entretien du foyer, et s’est développé en créant ses propres modes d’intervention sociale, le plus souvent à travers des groupes informels et non hiérarchisés sans beaucoup utiliser les droits civiques précocement acquis.

Notes

  • [1]
    Lawson O. (ed.), 1990, The First Voice of Australian Feminism : Excerpts from Louisa Lawson’s The Dawn 1888-1895, Simon & Schuster in association with New Endeavour Press, Brookvale, NSW.
  • [2]
    Lake M. 1999, Getting Equal. The History of Australian Feminism, Sydney, Allen and Unwin.
Mis en ligne sur Cairn.info le 30/07/2012
https://doi.org/10.3917/inso.171.0127
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