1L’un des problèmes qui se pose de façon récurrente à de nombreux travailleurs sociaux est celui de la bonne distance à tenir avec celui ou celle dont on s’occupe. Trop grande, elle crée le sentiment d’une distanciation administrative qui ne facilite pas l’établissement d’une relation de confiance et renforce l’impression d’être abandonné ; trop étroite, elle imprègne le rapport professionnel d’un climat d’affect qui ne correspond pas à la neutralité émotionnelle exigée par le positionnement requis.
2Récemment rappelée à l’attention générale à travers le discours politique, le care est une notion encore peu familière à l’oreille des Français. Issu des milieux féministes anglo-saxons dans les années 1980, le terme désigne, en anglais, le soin avec une connotation d’attention bienveillante que ne possède pas le mot cure, réservé au traitement dans son acception technique. Il s’agit donc d’une approche centrée sur la façon de se soucier des autres qui met en exergue l’importance de la proximité en tenant compte des émotions et des affects. « Pratiquer le care, c’est trouver le geste, le regard, le mot juste pour répondre aux besoins des autres ; c’est parvenir à exprimer de la compassion, de la sollicitude, du respect » [1].
3Le care s’imagine plus facilement à travers des activités de soins physiques ou de prise en charge effectuées en face à face, et les professions qu’il concerne s’exercent plutôt dans les services aux personnes âgées, à la petite enfance ou dans les secteurs de la santé. Mais dans son acception la plus actuelle, il est conçu comme s’appliquant plus largement à tout domaine où existe la relation à l’autre. Il répond ainsi à l’égocentrisme qui caractérise la société postmoderne en se référant à une société du « soin mutuel » dans laquelle chacun, quel que soit le statut dont il jouit à un moment donné, se rappellerait qu’il n’est ce qu’il est que par les relations sociales qui le rattachent aux autres.
4Cette approche met l’accent sur la qualité relationnelle et témoigne d’une prise de conscience de l’interdépendance qui fonde le lien social. Le care ne prend plus seulement comme sujet celui qui est vulnérable ou en difficulté provisoire, il est un mode de rapport social que certains auteurs, à l’instar de Claude Martin [2] appellent le social care, afin de conférer au terme la plénitude de sa dimension en le sortant du seul registre caritatif.
Notes
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[1]
Molinier P., Laugier S. et Paperman P., 2010, Qu’est-ce que le care ? Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Paris, Payot, coll. « Petite bibliothèque Payot », n° 74.
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[2]
Directeur de recherche au CNRS, directeur de l’UMR 6051 - Crape, titulaire de la chaire Social Care - Lien social et santé à l’École des hautes études en santé publique.