1Dans une perspective de spécification du travail social mené par la caisse d’Allocations familiales de Paris, il a été développé une offre de service en matière d’accompagnement de parcours pour les familles non suivies par des travailleurs sociaux d’autres institutions. Informations sociales a souhaité interroger la mission Logement et Animation de la vie sociale sur cette démarche.
2Quelles sont les priorités d’action en matière de logement de la Caf de Paris ?
3Dans le cadre de la dernière convention d’objectifs et de gestion, les Caf sont invitées à investir fortement le champ du logement. La Caf de Paris a retenu deux champs prioritaires qui correspondent aux préoccupations majeures des Parisiens. La première est le maintien dans les lieux. À Paris, compte tenu des montants de loyers très élevés et des revenus qui ne sont pas toujours équivalents, il existe un fort risque d’impayé, voire d’expulsion. Le deuxième champ prioritaire est celui de l’amélioration des conditions de logement. En effet, le parc immobilier se caractérise par un nombre important de logements anciens de faible superficie. Ce contexte génère des situations de suroccupation, c’est-à-dire des logements trop petits au regard de la composition de la famille qui y vit. Quant à l’accès au logement, il est plutôt utilisé comme levier d’action dans le cadre des projets négociés avec les familles.
4Quels sont les faits générateurs déclenchant l’accompagnement social des familles ?
5Le fait générateur vient majoritairement des services prestations.
6Pour le maintien dans les lieux, le fait générateur est la connaissance d’un impayé de loyer ou un risque d’expulsion. Conformément à la loi, le bailleur signale à la Caf que son locataire ne paye pas de loyer. Trois étapes identifiées : un premier impayé de loyer, une rechute et la résiliation du bail (après protocole de cohésion sociale). Le dernier cas est plus délicat puisque le ménage, devenu occupant sans titre, peut être plus facilement expulsé. D’autre part, à Paris, la Caf a passé convention avec le conseil général pour traiter les situations des familles avec enfants à charge assignées pour endettement locatif si elles ne sont pas déjà connues d’un travailleur social. Dans ce cadre, notre mission est double : d’une part, réaliser une évaluation sociale pour le juge pour qu’il puisse prendre sa décision en connaissance de cause et d’autre part, inciter la famille à se présenter à l’audience et l’aider à s’y préparer. En effet, il est fréquent que les ménages ne se présentent pas au tribunal parce qu’ils redoutent ce qui va se passer.
7Dans le cas d’une suroccupation, le fait générateur est une ouverture de droit à l’allocation de logement à caractère dérogatoire puisque, lorsque les conditions d’habitabilité ne sont pas remplies, on verse une prestation à caractère dérogatoire sous conditions. Ce sont ces différents faits générateurs, ou éléments fragilisants – terminologie désormais utilisée – qui déclenchent l’accompagnement social d’une famille.
8À partir de vos deux priorités dans le champ du logement, comment se pratique l’accompagnement social ?
9Ce qui caractérise le travail social dans les Caf est clairement la prévention du risque. Concrètement, lorsque nous avons connaissance d’une situation, la première étape est d’appeler le service coordination pour savoir si la famille connaît déjà un travailleur social. Si la famille n’est pas connue d’un travailleur social, nous prenons alors contact avec elle. Le travailleur social commence par un préparcours qui passe par une première approche de la situation pour évaluer avec la famille si elle a besoin d’une aide très ponctuelle ou bien si sa situation justifie un accompagnement global et sur une plus longue durée. Lors d’un premier contact dans le champ du logement, l’évaluation de la situation permet la plupart du temps (parce qu’on facilite l’expression de la famille et que le contact passe par une visite à domicile) de repérer des problématiques autres, par exemple, liées à la parentalité, à l’insertion, à la santé, ou à la scolarité. Ensuite, est élaboré avec la famille un plan d’action qui est toujours négocié. En effet, il est impératif de s’assurer que c’est bien le plan d’action de la famille même s’il a été suggéré par le travailleur social pour qu’elle y adhère et s’y engage. C’est pourquoi, en termes de méthodologie et de pratique professionnelle, les travailleurs sociaux sont amenés à être très attentifs à l’expression des besoins de la famille : comment voit-elle sa situation ? Quelles sont ses difficultés ? Quelles sont ses priorités ? Comment pense-t-elle sortir de cette situation ?
10La nouveauté par rapport à la situation antérieure est que l’accompagnement de la famille est contractualisé et échéancé (six mois renouvelable une fois si nécessaire). Puisque le travail social se situe principalement sur la prévention des risques, il n’est plus justifié d’accompagner les familles pendant plusieurs années. En outre, le plan d’action définit des objectifs opérationnels à atteindre afin qu’ils puisse être évalués facilement. Si le projet est l’accès au logement, on sait bien qu’à Paris intra muros le délai de six mois ne peut être tenu, l’objectif à atteindre est donc l’autonomie de la famille dans la réalisation de toutes les démarches à engager et sa capacité à en gérer les suites.
11Nous sommes bien dans une logique de contractualisation avec la famille ? Et depuis quand est-elle mise en place ?
12En fait, cette méthodologie est utilisée à la Caf de Paris depuis vingt ans. Le travail social, qu’il soit individuel ou d’une approche plus collective, s’est toujours exercé dans le cadre d’une la contractualisation plus ou moins formalisée. Les pratiques professionnelles se sont toujours référées à la méthodologie de projet. Disons que depuis deux ans la démarche de contractualisation est plus structurée.
13Quels sont les véritables changements dans l’exercice de leur métier ?
14Ce qui a changé c’est une démarche encore plus volontariste :
- Problématiques ciblées,
- Prévention des risques.
15Quel est le vécu des travailleurs sociaux ?
16Comme je viens de le préciser, la démarche de contractualisation n’est pas nouvelle. Nous avons commencé il y a vingt ans avec des outils manuels tels que les « fiches programme action » et les « fiches synthèses action ». Il y a deux ans nous avons voulu valoriser le travail social conduit dans la branche Famille. La réflexion a porté sur les logiques des interventions sociales de la Caf et les montées en compétence des familles. Des groupes thématiques ont été mis en place et près de 80 % des travailleurs sociaux de la Caf de Paris y ont participé et ont élaboré des outils méthodologiques. Ils se sont appropriés la démarche : centrer leur activité sur des situations fragilisées à la suite d’un événement à risque et travailler avec des familles qui ne sont pas connues d’autres services sociaux. Nous avons ainsi caractérisé encore davantage notre offre de service centrée exclusivement sur le registre de la prévention, c’est-à-dire que l’on travaille à partir de requêtes ou de signalements. On est donc passé d’une logique ou le travailleur social « décidait » des familles qu’il accompagnait, à une organisation plus structurée qui lui attribue les situations à traiter. Par ailleurs, pour certains travailleurs sociaux, la démarche systématique vers une famille qui n’a pas sollicité le service social, a demandé une adaptation des pratiques professionnelles. Mais l’offre de service ainsi caractérisée et structurée facilite cette approche. Elle contribue également à consolider notre légitimité à l’égard des partenaires.
17Et en tant que cadre, que faites-vous des informations détaillées auxquelles vous avez désormais accès grâce à un outil technique de pilotage?
18Les cadres sont aussi des pilotes. Ils veillent à l’équilibre des charges entre leurs coéquipiers et accompagnent les travailleurs sociaux dans leur pratique professionnelle. L’outil de pilotage les y aide [1]. Il est très élaboré et permet de mettre en évidence un certain nombre de données que l’on peut croiser. Par exemple, je me suis rendu compte que dans les situations de logements suroccupés, les aides financières Caf pour l’aménagement du logement étaient peu mobilisées. De même que l’on compte peu d’orientations vers des séjours de vacances dont l’offre est pourtant très développée à la Caf de Paris. Il me semble intéressant d’en discuter avec les travailleurs sociaux. Cela nous permettrait d’adapter nos propositions d’aides financières ou encore de négocier des projets avec des partenaires comme les centres sociaux. Avec cet outil, on peut analyser l’adéquation des réponses aux problématiques repérées par les travailleurs sociaux. Les professionnels n’interviennent pas sur le seul registre de l’accompagnement mais peuvent être aussi force de proposition quant à l’adaptation ou le développement de projets en partenariat et de dispositifs financiers ou autres.
Note
-
[1]
- Il s’agit d’un outil informatique qui permet de suivre en temps réel les dossiers des familles accompagnées par les travailleurs sociaux.