1« Le service social a utilisé différents “mots forts” au cours de son histoire pour désigner son “faire professionnel” », explique Cristina de Robertis, experte en méthodologie du travail social [*]. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, c’est le terme d’assistance qui est employé. « On signifiait ainsi la volonté de la société d’assister, de soutenir un de ses membres lorsqu’il en avait besoin », précise la spécialiste. La période 1904-1930 est celle qui voit se profiler « l’aide » et « la protection », surtout en rapport avec l’enfance : l’aide sociale à l’enfance et la protection des mineurs. Entre 1930 et 1945, le mot « protection » s’affirme, notamment avec la naissance de la protection maternelle et infantile en 1945. L’apparition du terme « suivi » date aussi de cette époque. Ce dernier a été emprunté au langage médical alors que, dans ces années 1930-1945, le courant hygiéniste du service social est encore fort, commente Cristina de Robertis. Entre 1946 et 1970, d’autres vocables ou expressions entrent en scène, qui cohabitent avec les précédents sans s’y substituer. Il en est ainsi de la « prise en charge », qui s’associe aux notions de poids, de fardeau, de difficulté. « On parle aussi de “cas lourds” pour désigner souvent des familles à problèmes multiples », rappelle l’auteure. Puis de noter deux nouveautés importantes dans la période 1970-1985 : « l’approche globale » et « l’intervention ».
2L’approche globale désigne la manière de resituer l’acte professionnel dans un contexte social et institutionnel et d’envisager la personne dans toutes ses dimensions. Quant à l’expression « intervention en travail social », qui évoque le fait de prendre volontairement part, de se rendre médiateur, son utilisation est attestée en 1980 dans le programme au diplôme d’assistant de service social. Un an plus tard, ajoute l’experte, « la publication de mon livre Méthodologie de l’intervention en travail social confirme ce terme qui deviendra alors prédominant pour définir le faire professionnel ». Mais quid de l’accompagnement ? L’usage de ce terme remonte à la décennie 1985-1995 et il n’a pas cessé, depuis, de se développer. Il est, lui aussi, issu du milieu médical : exprimant la nécessité d’être à côté jusqu’au bout du chemin, l’accompagnement désignait initialement l’aide aux mourants. Les premiers à parler d’accompagnement dans le domaine social furent, dans les années 1980, les militants de la lutte contre l’exclusion. Ils traduisaient ainsi leur désir d’établir une relation solidaire avec les personnes en grande difficulté. Le terme fera ensuite l’objet de multiples utilisations dans les textes concernant les politiques sociales. Qu’il s’agisse par exemple de la loi instaurant le Revenu minimum d’insertion, (RMI, 1988), ou de celles portant sur le surendettement (1989) et le logement (1990), le législateur a posé l’accompagnement des personnes comme une nécessité. Mais le travail social ne saurait voir la complexité de ses pratiques réduite au seul accompagnement, souligne Cristina de Robertis. « L’accompagnement est une des fonctions de l’intervention sociale » et une des formes de la relation d’aide, estime–t-elle.
Notes
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[*]
Robertis (de) C., « L’accompagnement : une fonction du travail social » par Cristina de Robertis, La revue française du service social, n° 223-224, décembre 2006.