CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le numéro 91 de la revue Connexions[*] part d’un constat : le management est une forme de gestion dominante des organisations, qu’elles soient publiques ou privées, et ce dans tous les secteurs (économiques, sociaux, culturels, associatifs, etc.). Sous couvert de rationalisation et de développement économique, le management impose des formes de normalisation des conduites individuelles tout en dévalorisant l’action collective. Les auteurs utilisent le terme de « contrôle social » pour servir à nommer et interpréter les pratiques effectives et l’idéologie parfois implicite du management.

2Le discours du management vise l’individualisation des acteurs et met en avant la toute puissance du marché. L’environnement discursif relève de la communication de guerre : il s’agit d’enrôler les salariés par une rhétorique s’appuyant sur le patriotisme entrepreneurial et de s’appuyer sur leur motivation pour convertir les impératifs de la compétitivité en normes de réalisation personnelle. Cet argumentaire serait d’autant plus pervers qu’il travestirait des formes d’imposition sous le terme de «?gouvernance?» et l’espace d’asservissement sous celui d’«?entreprise citoyenne?».

3Le chef de projet apparaît comme l’une des figures du contrôle social. Décrit par certains comme le «?délégué gouvernemental de la contrainte?», il fonde une partie de sa tâche sur l’adhésion et la coopération du personnel à un modèle d’employabilité fondé sur la compétence. Sous une apparence d’évidence, ce modèle par le management des compétences renforce l’individualisation des salariés et les vulnérabilise puisqu’ils ne peuvent pas faire valoir des éléments objectivables comme la qualification. Dès lors, on s’oriente plus vers la maîtrise des conduites que vers la maîtrise des pratiques, et une «?contrainte de réputation?» finit par s’instaurer, qui contraint les sujets à dépendre des réseaux de communication de l’entreprise.

4Si le travail est un espace essentiel de cette problématique, il n’en est pas le seul lieu d’exercice. Ainsi, un article relève l’importation de pratiques managériales dans le domaine de la santé et, plus précisément, de pratiques d’autocontrôle que chacun peut exercer sur son propre corps dans une perspective de dépistage précoce et de prévention des risques. Sur le plan technologique, alerte l’auteur, les usages de la biométrie renforcent la circulation des données identifiantes et concourent aux pratiques sécuritaires, notamment par le biais de marqueurs biométriques.

5Dans un esprit constructif, cette livraison de Connexions ne s’en tient pas à la seule critique du management. Elle cherche aussi quels pourraient être les marges de manœuvre et les dispositifs de changement susceptibles de favoriser l’émancipation des sujets et de restaurer les valeurs de l’action collective.

Notes

  • [*]
    Connexions, 2009, «?Management et contrôle social?», n° 91, éd. Érès.
Alain Vulbeau
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/01/2012
https://doi.org/10.3917/inso.167.0081
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