CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La figure de l’ingénieur est ancienne et valorisée. Ce fut d’abord un inventeur capable de concevoir des machines : Léonard de Vinci a poussé l’exemple jusqu’à concevoir les engins du futur. Puis un militaire qui fait des projets pour conquérir ou conserver des places : Vauban en est l’archétype. Et, enfin, un ingénieur civil, susceptible de penser de grands dispositifs à l’interface du technique et de l’économique, comme ont su le faire certains « grands commis » de l’État (Raoul Dautry, François Bloch-Lainé). Issu d’une école prestigieuse, l’ingénieur représente une sorte d’idéal de rationalité et de maîtrise technico-scientifique.

2Il y eut au XIXe siècle des initiatives d’ingénieurs sociaux issus de la mouvance fouriériste pour convertir des utopies en réalisations concrètes. Aujourd’hui, il faut compter avec l’ingénierie sociale, et plus particulièrement avec un diplôme qui devrait progressivement qualifier cette nouvelle compétence professionnelle [1] Cependant, «?ingénieur?» étant un titre protégé, le terme d’«?ingénieur social?» n’est pas utilisable, ce qui explique que l’intitulé du nouveau diplôme du travail social soit «?diplôme d’État d’ingénierie sociale?» (DEIS).

3La conception, la conduite et l’évaluation de projets figurent parmi les compétences de l’ingénieur social. Il s’agit de viser la résolution de problèmes sociaux en prenant appui, d’une part, sur les sciences sociales pour l’établissement d’un diagnostic et, d’autre part, sur les techniques de management pour coordonner divers collectifs professionnels. L’ingénierie sociale s’exerce le plus souvent dans un contexte de politiques publiques décentralisées, dont une partie des contenus doit être élaborée dans le cadre d’un plan de développement territorial.

4L’ingénierie sociale se concrétise par l’émergence d’emplois qui ont pu être testés dans différents secteurs des politiques sociales transversales des trente dernières années, comme ceux de chefs de projets, de chargés de mission, de responsables d’observatoires, d’agents de développement, etc. Ces professionnels, qui ont pour mission d’améliorer la situation sociale de populations sur des territoires, ne doivent pas se contenter de produire des services, mais aussi de travailler avec les groupes dont ils ont la charge. Cette dimension de leur métier suppose d’ajouter à l’expertise technique des compétences éthiques impliquant une relative autonomie vis-à-vis des institutions et une capacité d’empathie avec les populations concernées par des dispositifs locaux.

Notes

  • [1]
    Patrick Dubéchot et Thierry Rivard, 2010, Diplôme d’État d’ingénierie sociale, Paris, éd. Vuibert, coll. «?Itinéraires pro?».
Alain Vulbeau
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/01/2012
https://doi.org/10.3917/inso.167.0051
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