1L’image d’Épinal de campagnes désertées a cédé la place depuis plusieurs décennies à celle d’espaces ouverts et dynamiques, d’un monde qui a su évoluer tout en restant attaché à ses valeurs et à son terroir. En 2006, en France métropolitaine, on comptait onze millions de ruraux, soit 18 % de la population totale (Igas, 2010). On a même pu parler de renaissance rurale en raison du renversement démographique, qui a mis fin au déclin pour assister à un repeuplement, qui s’effectue désormais par un mouvement des villes vers les campagnes. Il conviendrait sans doute de nuancer l’évidence statistique car il existe des disparités entre des zones rurales qui continuent à se dépeupler et d’autres qui exercent, au contraire, une réelle attractivité. Les déplacements de population traduisent aussi des formes de résidences de plus en plus variées : certains nouveaux résidents vont faire la navette entre le milieu rural et l’espace urbain où ils travaillent, d’autres résidents vont choisir de s’installer au quotidien mais cet engagement reste réversible et fonction de leur état de santé ou de leur situation familiale…
2Le monde rural ne se caractérise plus par une présence constante et permanente de ses résidents, donc par le lien d’interconnaissance (c’est-à-dire de connaissance personnelle, complète et mutuelle des résidents) qui semblait lier ses habitants (Mendras, 1976). La question du lien et de la cohésion sociale se pose donc de façon centrale dans ces espaces où les solidarités traditionnelles (familiales et de voisinage) sont toujours actives mais ne s’étendent pas toujours aux nouveaux résidents qui sont alors plus en demande d’aide et de solidarité venant des politiques publiques. Aussi, l’un des premiers objectifs de ce numéro d’Informations sociales est de s’intéresser aux liens sociaux d’un monde rural toujours plus marqué par son hétérogénéité entre population de souche et « nouveaux habitants », entre travailleurs de la terre – minoritaires numériquement, et assez peu présents dans ce numéro – et les autres catégories socioprofessionnelles. Le déploiement et l’impact de politiques sociales sur ces territoires (telles celles de la petite enfance ou de l’action sociale) seront également examinés.
3Ce numéro d’Informations sociales souhaite donc analyser le monde rural en termes d’espaces de vie, qu’il s’agisse de la mobilité résidentielle, des familles résidentes, ou encore de la cohésion sociale locale.
4Une première partie est ainsi consacrée à l’hétérogénéité du monde rural et montre la diversité des formes d’inscription dans cet espace au regard de la cohabitation entre résidents « traditionnels » et « nouveaux arrivants ». Une deuxième partie relate les histoires de familles en milieu rural, de la mise en couple, des séparations jusqu’à l’orientation scolaire des jeunes. Enfin, une troisième partie est, quant à elle, axée sur la question des solidarités locales que l’on pense traditionnellement plus actives alors même que le taux de pauvreté est plus élevé qu’en milieu urbain : exclusion sociale, pauvreté, aides sociales mais également accueil de la petite enfance et sociabilités à travers le monde associatif.