CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les mémoires de masters ont-ils encore un intérêt ? Si par intérêt nous voulons surtout désigner l’intérêt pédagogique d’un écrit qui doit témoigner d’une aptitude à se saisir d’une question, à formuler des hypothèses, à mener des investigations et à produire une synthèse écrite des résultats voire à soutenir cette production devant les membres d’un jury, alors il n’y a aucun doute. En dépit d’un coût important pour l’étudiant qui doit consacrer à son mémoire souvent plus que les deux ou trois cents heures initialement prévues, cet exercice pédagogique, fait d’écriture solitaire, constitue encore, pour la grande majorité des enseignants l’une des bonnes propédeutiques à la formation par la recherche. On objectera que cette formation est parfois très éloignée de la pratique même de la recherche en ce que celle-ci requiert de pratiques collectives et d’échanges. Néanmoins, si la guidance des mémoires reste soumise à la bonne volonté et à la disponibilité des enseignants, les étudiants interrogés restent nettement attachés à un exercice dans lequel ils voient une sorte de soumission à un rite de passage. La question de l’intérêt des mémoires de masters se pose davantage du côté de la production. On mettra à part les risques de plagiat et de contrefaçons qui augmentent avec l’élévation des compétences dans le maniement du couper/coller, au point que les logiciels de détection de plagiat comme Plagium ou Copytracker commencent à être utilisés systématiquement. Le symptôme de cette perte d’intérêt semble surtout résider dans les difficultés de plus en plus grandes à accéder à des mémoires de façon systématique en utilisant, par exemple, les archives ouvertes. Alors que les dépôts de thèse se multiplient, les mémoires stagnent voire régressent. Dans le social, par exemple, le Cedias ne constitue plus la solide porte d’entrée qu’il était jusqu’en 2007. Par ailleurs, la dimension ingénierie et technique des formations réduit souvent le mémoire à n’être plus qu’un exercice fragmentaire, ce qui lui enlève un peu plus de son attrait. Il y aurait là un bon sujet de réflexions pour les pédagogues du secteur.

Michel Legros [*]
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    Directeur de recherches au Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) de 1988 à 1996, il est actuellement responsable du département des sciences humaines, sociales et des comportements de santé à l’EHESP (École des hautes études en santé publique) et préside le conseil scientifique de l’Anesm (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 29/06/2011
https://doi.org/10.3917/inso.164.0124
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