1Pour nourrir sa réflexion sur la pauvreté en milieu rural, la Mission régionale Rhône-Alpes d’information sur l’exclusion (MRIE) a demandé à Anne-Laure Budin, conseillère en économie sociale et familiale, de procéder à une enquête de terrain. Réalisée en 2007 dans cinq cantons du Diois (Drôme), qui comptent parmi les moins peuplés de France, cette recherche a pris la forme d’une vingtaine d’entretiens auprès de destinataires de dispositifs d’aide [*]. L’analyse des éléments recueillis a conduit Anne-Laure Budin à distinguer trois grands types de rapports au territoire parmi les ménages rencontrés.
2Le premier groupe, composé de retraités du régime agricole qui résident dans le Diois depuis leur naissance, est celui de personnes qui ont « un rapport traditionnel et ambivalent » avec le territoire. Cette population vieillissante est essentiellement confrontée à des problèmes de santé et de perte d’autonomie – même si d’autres difficultés émergent au fil des entretiens, telle que la modestie des ressources. Ces usagers sont globalement réticents à s’adresser aux dispositifs de soutien, d’ailleurs souvent méconnus, et préfèrent se tourner vers leur famille et leurs voisins. Toutefois, ils accueillent volontiers les professionnels à même de les aider lorsque ces derniers se déplacent jusqu’à eux.
3Anne-Laure Budin qualifie d’« étroit et porteur de sens face aux difficultés » le deuxième mode de rapports au territoire. Très divers et pas forcément du cru, les ménages de cette catégorie comptent notamment dans leurs rangs des exploitants agricoles et des artistes. Ce qui les rassemble est un fort attachement à leur milieu de vie, ainsi que l’instabilité ou l’insuffisance de leurs ressources. Pour y pallier, ces usagers tablent d’abord sur leurs réseaux personnels – professionnel, familial, amical. Ils n’ont recours aux services d’aide que si leur situation ne s’améliore pas. Les intéressés effectuent alors les démarches nécessaires au bénéfice d’un droit, mais ne semblent pas s’investir dans une relation d’accompagnement.
4Enfin, le troisième type de rapport au territoire repéré par Anne-Laure Budin est un rapport « incertain et peu soutenant face aux difficultés ». Les usagers de ce groupe n’ont souvent pas véritablement choisi de résider dans le Diois. Ils envisagent d’ailleurs, à moyen terme, de quitter un environnement où ils ne se sentent pas bien et disposent d’un faible tissu relationnel. Il s’agit aussi bien de personnes seules, jeunes ou plus âgées, que de ménages avec enfants (couples et foyers monoparentaux), qui ont du mal à accéder à un emploi stable et épanouissant. C’est leur instabilité professionnelle et la précarité de leurs revenus qui poussent ces publics à faire une demande d’aide. Souvent difficile à entreprendre, surtout la première fois, cette démarche, cependant, ne s’achève pas une fois le soutien matériel obtenu : les bénéficiaires sont, en effet, tentés d’amener les professionnels à s’intéresser à eux en tant que personnes. Le service devient alors, pour ces usagers, un lieu d’intégration et de convivialité.
Note
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[*]
Cf. Lettre de la Mission régionale Rhône-Alpes d’information sur l’exclusion (MRIE), n° 18, mars 2008, disponible sur le site : www.mrie.org