1Aux manifestations de violence dans les établissements scolaires, que l’information donnée par les médias décrit comme de plus en plus précoces, de plus en plus incontrôlées et de plus en plus tournées vers les agressions physiques de personnes, l’Éducation nationale donne ses réponses. Très récemment encore, c’est la formation des enseignants à « gérer des conflits et à prévenir la violence » qui était avancée comme solution par le ministre lors des états généraux de la sécurité à l’école des 7 et 8 avril 2010.
2À ces réponses globales et différées, les acteurs de terrain, enseignants confrontés chaque jour aux problèmes d’absentéisme, de retard, de refus scolaire, d’insolence et d’incivilité, voire de violence de la part des élèves, ajoutent leurs propres recettes, fruits de l’expérience et de l’instinct de conservation(1). À l’intention de ses collègues débutants, Sébastien Clerc(2), enseignant de français dans un lycée professionnel de Seine-Saint-Denis, anime depuis deux ans au sein de l’IUFM de Créteil des ateliers de formation à la « tenue de classe » au cours desquels il s’attache à transmettre des conseils pratiques et immédiatement utilisables. De ces recommandations se dégagent huit principes que leur caractère souvent prosaïque ne doit pas assimiler à de simples « trucs et astuces ». Même s’ils sont issus de l’expérience de leur auteur et présentés comme un « kit de survie », on en trouve en effet souvent les fondements théoriques dans des travaux dus à des psychopédagogues réputés(3).
3Les conseils que dispense Sébastien Clerc privilégient le relationnel sous divers angles et visent à l’établissement de règles facilitant le positionnement aussi précis que possible des élèves et des enseignants les uns par rapport aux autres. Pas de confusion des rôles ni de mimétisme dans les attitudes, y compris vestimentaires et langagières, ce qui n’exclut pas que s’instaure un climat de coopération respectueuse entre les acteurs. La méthode consiste à créer sans contrainte inutile l’ordre juste et nécessaire dans lequel les cours relèveront vraiment de la pédagogie et non du maintien de l’ordre. Même si le but qu’elle poursuit est le même, l’approche proposée par Yves Guégan(4) se distingue de celle de Sébastien Clerc par sa distance évidente avec la pratique quotidienne. Ici, la théorie n’est pas implicite, mais c’est elle qui guide le propos. L’auteur, qui est psychosociologue et formateur, ne s’en cache d’ailleurs pas en baptisant ses recommandations « ruses » et en les inscrivant dans des « stratégies » destinées à réveiller l’intérêt des élèves pour ce qui leur est enseigné et, partant, à les écarter d’attitudes négatives. Chacune de ces cent ruses est rapportée à une des situations de difficulté que l’enseignant peut expérimenter, et expliquée à la lumière des apports de la psychologie des comportements collectifs. Qu’elles se présentent comme des précautions à caractère préventif ou comme des recettes destinées à gérer les incidents quotidiens en milieu éducatif, ces recettes, et le succès qu’elles rencontrent parmi les professionnels, laissent l’observateur éloigné de l’univers des enseignants un peu perplexe sur la nature du nouvel art pédagogique.