CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’idée de planification a longtemps été associée au modèle assez peu séduisant de plan

2« à la soviétique », avec ses lourdeurs, sa rigidité et ses échecs. En Occident, la reconstruction de l’économie, après la Seconde Guerre mondiale, a pourtant dû s’appuyer sur une rationalisation des efforts et des moyens mis en œuvre, amenant des pays comme la France à adopter, en la matière, un modus operandi plus souple, fondé sur des méthodes scientifiques d’analyse des situations et sur la recherche de consensus via la conclusion de contrats entre l’État et ses partenaires publics.

3La planification française a connu, historiquement, trois étapes : celle de « l’âge d’or » initialisée par Jean Monet, couvrant la période 1947-1975 ; celle des « années de crise », la période 1975-1990 ; la dernière, aux frontières chronologiques floues, s’étiolant peu à peu jusqu’autour de 1997, avec le projet mort-né de XIe plan. Pendant ce demi-siècle, un même outil administratif, le Commissariat général du plan, dit CGP, a permis de réunir et de coordonner les talents nécessaires à la tâche qui lui avait été assignée d’« organiser un futur désiré ». L’histoire de cette institution a fait l’objet d’une thèse de droit public puis d’un ouvrage [*] au fil desquels sont analysées les spécificités du modèle français de planification et les raisons d’une efficacité qui n’a jamais été sérieusement contestée dans un pays où, pourtant, la polémique sur les moyens de l’État est l’un des sujets de conversation préférés au café du commerce.

4Dès sa création, le 3 janvier 1946, le CGP a été rattaché aux services du Premier ministre (alors encore président du Conseil) et considéré comme une « administration de mission », ce néologisme soulignant la transversalité de l’organisme et la variété des moyens d’investigation, d’étude de recherche et de suivi dont il disposait [1] pour mener sa tâche à bien. Planification négociée oblige, les bureaux du CGP, rue de Martignac, dans le 7e arrondissement de Paris, ont été, au moins jusqu’en 1975, le théâtre de rencontres réunissant les décideurs administratifs et ceux de ce que l’on n’appelait pas encore la « société civile ». En dépit de leur efficacité, ces réunions de concertation où s’est écrit une partie de l’histoire de la France des Trente Glorieuses étaient trop liées à une époque particulière, souligne M. Lamine, et trop pragmatiques pour franchir l’obstacle du temps et, surtout, celui de l’évolution des méthodes.

5La « crise du plan », qui s’est accentuée à partir de 1990, et l’évolution des attentes de l’État en matière d’information stratégique ont conduit le CGP à un profond changement de ses méthodes de travail. En recentrant son rôle sur la prospective et sur l’évaluation, l’organisme s’est doté d’un service d’études qui s’est rapidement trouvé dans une situation ambiguë, pour finir par « exister sans exister », selon la formule d’un de ses agents. D’après le dernier des commissaires, Alain Etchegoyen, c’est peut-être davantage son attachement à l’indépendance qu’il avait acquise que sa supposée obsolescence qui, en 2003, conduisit l’organisme à disparaître au profit du Centre d’analyse stratégique (CAS), alors même qu’une mission d’audit concernant les services du Premier ministre était en cours.

Notes

  • [*]
    Lamine Tirera, Du Commissariat général du plan au Centre d’analyse stratégique. Stratégie de réforme d’une administration de mission, Paris, L’Harmattan, 2008.
  • [1]
    En particulier des organismes comme le Cerc (Centre de recherche sur l’emploi) ou le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie).
Pierre Grelley
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2010
https://doi.org/10.3917/inso.157.0089
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