CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1À quel type de politiques publiques fait-on référence lorsqu’on parle de politiques sociales ? Comment les définir ? Marie-Thérèse Join-Lambert, dans l’ouvrage qu’elle a coordonné, les définit comme une « ‘’invention’’ nécessaire pour rendre gouvernable une société ayant opté pour un régime démocratique, dans le cadre d’un système économique libéral ». Inscrites historiquement, depuis le XIXe siècle, dans les modes d’intervention de l’État, il s’agit d’un « ensemble d’actions mises en œuvre progressivement par les pouvoirs publics pour parvenir à transformer les conditions de vie d’abord des ouvriers puis des salariés et éviter les explosions sociales, la désagrégation des liens sociaux. Ce champ correspond, dans leur ordre d’apparition, aux politiques du travail (conditions de travail et relations collectives entre employeurs et salariés), à la protection sociale (aide sociale, politique d’assurances puis de sécurité sociale, vieillesse, santé, famille, indemnisation du chômage), aux politiques de la formation professionnelle et de l’emploi, ainsi qu’aux différentes politiques dites ‘’ transversales ‘’ plus récentes : revenu minimum et politiques locales d’insertion qui lui sont liées, intégration des immigrés, politique de la ville » [1].

Un champ historiquement lié au travail

2Le champ des politiques sociales apparaît ainsi particulièrement vaste et variable au regard de la définition précédemment citée. Historiquement, il est lié au travail, comme en attestent les premières interventions de l’État réglementant le travail des enfants, puis celui des femmes au milieu du XIXe siècle. L’histoire des institutions en charge d’impulser et de mettre en œuvre les politiques sociales reflète ce lien avec la sphère du travail. En effet, les politiques du travail et des assurances sociales sont rattachées à un ministère unique (travail et prévoyance sociale) dès 1906. Après 1945, le système de protection sociale qui se met alors en place est un système dit « bismarckien » fondé sur l’assurance collective dans un cadre précisément professionnel. En 1945, la politique de sécurité sociale est toutefois séparée de celle du travail, chacune dépendant de ministères différents. Cependant, depuis 1966 et la création d’un ministère des Affaires sociales, il s’est tantôt agi, au gré des gouvernements, d’un grand ministère fusionnant travail/emploi et affaires sociales, tantôt d’un ministère en charge de la sécurité sociale et de la santé d’un côté et de l’autre du travail et de l’emploi. Ainsi, au cours des dernières décennies, le ministère dans sa version élargie regroupe l’emploi, la formation professionnelle, la sécurité sociale, la santé, l’action sociale, l’intégration des populations étrangères, les droits des femmes, la famille et même la politique de la ville.

Un double principe d’assistance et de solidarité

3Quel(s) lien(s) entre ces différents domaines d’intervention ? On pourrait les rattacher à un double principe d’assistance et de solidarité qui vise, selon les logiques de la protection sociale, à préserver les individus d’un certain nombre de risques : maladie, chômage, vieillesse, etc. Les politiques sociales non seulement assurent la protection des travailleurs mais visent également à corriger en quelque sorte le principe de solidarité pour garantir un minimum de bien-être aux individus. En outre, elles intègrent une dimension importante de réduction des inégalités puisqu’il s’agit notamment de tenir compte des différences de situation entre individus produites par les mécanismes sociaux. On pourrait dire que promouvoir ce que l’on appelle communément la cohésion sociale revient à réduire les inégalités et agir, en conséquence, pour améliorer l’égalité des chances.

Une articulation entre l’économique et le social

4Les critiques voire les remises en cause de l’État-providence ont des impacts directs sur les politiques sociales. Les fonctions de régulateur du social de l’État sont dénoncées pour leur coût financier creusant les déficits d’une part et pour leur peu d’efficience au regard des crises économiques d’autre part. Ceci permet d’interroger au bout du compte l’articulation entre l’économique et le social, entre les politiques sociales et les politiques économiques. Les politiques sociales s’étant structurées à partir de la matrice du travail et du salariat, définir le champ de ces politiques apparaît d’autant plus complexe car il est, de fait, une forme de variable dominée à l’interface entre l’économique et le politique. Ainsi, au niveau européen, l’interaction entre les politiques sociales et économiques constitue l’un des objectifs objectifs généraux de la Méthode ouverte de coordination (Moc) pour la protection sociale et l’inclusion sociale [2]. La performance économique s’accompagnerait, en effet, d’une plus grande cohésion sociale qui favoriserait l’intégration professionnelle des individus. L’objectif d’insertion sur le marché du travail est assurément devenu un élément central dans l’élaboration des politiques sociales. Il n’en demeure pas moins que sous l’effet des crises économiques qui entraînent une augmentation des risques, notamment celui de perdre son emploi, et compte tenu des transformations démographiques en cours, l’État reste plus que jamais « promoteur » du social.

Notes

  • [1]
    - Join-Lambert M.-T. (dir.), 1994, Politiques sociales, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques et Dalloz, p. 23.
  • [2]
    Instituée lors du Conseil européen de Lisbonne en 2000, la Moc a pour objectif que les États membres coordonnent leurs politiques dans un certain nombre de domaines sur la base d’échanges de bonnes pratiques.
Sandrine Dauphin
Rédactrice en chef
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/02/2010
https://doi.org/10.3917/inso.157.0006
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