1Le terme de « cohésion sociale » est à la fois une notion et un concept. Dans le premier cas, il s’agit d’un mot d’ordre des politiques sociales pour désigner une solidarité actualisée ; dans le second, le vocable fait référence à un concept sociologique employé dans le premier tiers du XXe siècle par l’école durkheimienne, notamment par Marcel Mauss et Paul Huvelin.
2Ce dernier [*], juriste, historien mais aussi diplomate et homme politique, fut un collaborateur de L’Année sociologique, la revue créée par Émile Durkheim. Il a été l’auteur d’un mémoire sur les cohésions humaines, paru en 1923, alors qu’il était enseignant à l’Université libre de Bruxelles.
3La cohésion sociale est présentée comme une « équation d’équilibre » entre les membres de sociétés marquées par l’individualisme et l’organisation rationnelle. Le concept est proche, voire redondant avec celui de « solidarité organique », employé par É. Durkheim. Par la suite, M. Mauss se servira du concept de cohésion sociale pour spécifier les relations de réciprocité marquées par le don. Vue sous cet angle, la solidarité est plutôt définie par le fait de donner à ceux qui n’ont pas de moyens, comme le prône la doctrine solidariste. D’une certaine manière, les riches, pour être solidaires, se sentent tenus de rembourser une dette aux pauvres. On voit alors une différence entre la cohésion sociale, qui serait un échange réciproque entre des membres d’une société, et la solidarité, qui serait une façon de résorber une inégalité socio-économique.
4La cohésion sociale devient une notion à partir du moment où on l’emploie pour définir un objectif de politique sociale. Tout au long des années 1990 et au début des années 2000, l’expression a peu à peu remplacé le mot « solidarité » dans les appellations gouvernementales. D’abord pour nommer le ministère de référence, puis pour spécifier un certain nombre de services ou de dispositifs. C’est la politique de la ville, plus particulièrement, qui en a fait l’usage le plus récent, avec les Contrats urbains de cohésion sociale (Cucs), qui ont remplacé les anciens contrats de ville.
5Dans les politiques sociales, solidarité et cohésion sociale sont sans doute des mots employés l’un pour l’autre. Pourtant, si l’on s’intéresse aux concepts sociologiques, on constate que l’idée centrale de la solidarité est la redistribution tandis que l’objectif fort de la cohésion sociale est plutôt celui de lien social. Ainsi, avec la cohésion sociale, on pourrait faire l’hypothèse qu’il s’agirait surtout de faire « tenir ensemble » les différentes composantes de la société, en faisant de la lutte contre l’exclusion l’objectif central et de la participation, entre autres, un des moyens de l’action.
Notes
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[*]
Cf. Frédéric Audren, « Paul Huvelin, juriste et durkheimien », Revue d’histoire des sciences humaines, n° 4, 2001/1. Article mis en ligne sur le site www.cairn.info