CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Comment le travail parental a-t-il été pensé par les Français dans les trente dernières années ? Quelles sont les évolutions perceptibles ? Le modèle traditionnel de division sexuée des tâches tend à s’atténuer toutes classes sociales confondues, mais pas au même rythme. De même, on peut constater un effet de génération.

2Les Enquêtes valeurs, réalisées tous les neuf ans depuis 1981, comportent une série de questions sur le thème de la famille. Celles qui concernent les enfants et l’éducation ne portent pas sur des pratiques ou des comportements mais sur des approches et des conceptions générales. Il nous a paru intéressant d’interroger ce que ces enquêtes révèlent, non pas tant du travail parental au quotidien, mais de la manière dont ce dernier est pensé et idéalisé dans notre société, mis en principe pour « les enfants des autres »… Autrement dit, ces enquêtes n’apportent pas d’indications concernant l’exercice, l’expérience ou la pratique de la parentalité [1], mais sur les injonctions sociales concernant le travail parental. Elles permettent de donner quelques éclairages sur les représentations de la parentalité, cet « ensemble culturellement défini des obligations à assumer, des attitudes, des sentiments et des émotions, des actes de solidarité et des actes d’hostilité qui sont attendus ou exclus de la part d’individus qui […] se trouvent, vis-à-vis d’autres individus, dans des rapports de parents à enfants » (Godelier, 2004, p. 239-240).

3Alors que les données sur la vague 2008 de l’enquête en France (cf. encadré) sont disponibles depuis peu, l’objectif de cette contribution reste modeste. Il s’agit de montrer, à travers les réponses données à quelques questions, comment le regard porté sur le « métier de parent » a évolué au fil du temps. L’intérêt d’un « baromètre » est précisément de comparer les réponses à des questions strictement identiques d’une enquête à l’autre. Bien sûr, la manière dont les questions sont comprises et interprétées peut varier, mais cela constitue aussi un enseignement, que le croisement des réponses permet de dégager.

4Les formes familiales ont été profondément bouleversées depuis les années 1980. Certains travaux ont mis en évidence des conceptions de la famille de plus en plus « libérales » ou encore des opinions de plus en plus ouvertes au « pluralisme familial » (Déchaux, 2007, p. 24-25). On assiste à l’effritement du modèle de la famille bourgeoise, fondée sur un mariage stable, avec une mère se consacrant aux enfants et au foyer et un père doté d’une autorité sur l’ensemble de la famille. Cette forme familiale n’est plus la seule légitime. Elle a été bousculée par le développement de l’activité féminine comme par le progrès de l’individualisme. La famille prend désormais en charge la construction de « l’identité individualisée » (Singly, 1996). Dès lors se développe une conception de la famille comme « une façon d’être entre soi, tout en restant soi-même, qui s’accommode de la célébration de l’individualisme et de la promotion de l’autonomie » (Attias-Donfut et al., 2002, p. 9). Alors que la famille traditionnelle impliquait la conformité de ses membres à des rôles prescrits et notamment le sacrifice parental, la famille contemporaine serait celle de la construction et de l’expression de l’individualité de chacun. On peut ainsi supposer que les manières de penser la parentalité ont également subi des transformations massives. Dans quelle mesure des conceptions « libérales » ou « pluralistes » de la parentalité viennent-elle supplanter un modèle traditionnel caractérisé par une forte division sexuelle du travail parental ? Ce sont ces changements ainsi que leur distribution dans l’ensemble de la société que l’on interrogera.

Quelques indications techniques et méthodologiques sur l’Enquête valeurs 2008 en France

  • Un questionnaire portant principalement sur quatre grands thèmes : le travail, la religion, la famille et la politique.
  • Un baromètre mis à jour : pour une large partie, les questions sont formulées de la même manière depuis 1981, mais d’autres ont été supprimées (questions peu pertinentes ou obsolètes) ou ajoutées (nouveaux enjeux sociaux).
  • Un questionnaire passé en face-à-face (durée moyenne d’une heure).
  • 3 071 questionnaires renseignés auprès de personnes de plus de 18 ans.
  • Un échantillon constitué pour une moitié par méthode aléatoire et pour l’autre moitié par celle des quotas renforcés.
En 2008, l’enquête European Values Study a été menée, suivant un questionnaire identique, dans 45 pays européens.

Le desserrement progressif d’un modèle traditionnel

5Une première question laisse entrevoir une conception sacrificielle du métier de parent. En effet, l’idée selon laquelle « le devoir des parents est de faire de leur mieux pour leurs enfants, même aux dépens de leur propre bien-être » domine largement depuis 1981, et progresse même légèrement lors de la dernière enquête (voir tableau 1).

Tableau 1

La responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants (en % par année) *

Tableau 1
1981 1990 1999 2008 Le devoir des parents est de faire de leur mieux pour leurs enfants, même aux dépens de leur propre bien-être 73 74 74 81 Les parents ont leur vie à eux, et on ne doit pas leur demander de sacrifier leur propre bien-être au bénéfice de leurs enfants 17 18 16 17 Ni l’un, ni l’autre 10 8 10 2 * La question est posée en ces termes : « Laquelle des deux affirmations suivantes correspond le mieux à votre opinion en ce qui concerne la responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants ? »

La responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants (en % par année) *

6La formulation des items est très tranchée et vise à obtenir un positionnement sur le consentement à un sacrifice parental – et non pas concernant l’altruisme, par exemple. La réponse « ni l’un, ni l’autre » n’est pas proposée dans le questionnaire, mais relevée comme telle lorsqu’elle est donnée, et distinguée des catégories « sans réponse » et « ne se prononce pas ». Cette position « ni l’un, ni l’autre » atteint un niveau particulièrement élevé pour une réponse non suggérée de 1981 à 1999. En revanche, elle recule en 2008, alors que le premier item – la conception « sacrificielle » – progresse. Ce premier aperçu pourrait laisser penser que le modèle traditionnel valorisant le sacrifice parental perdure, et même qu’il tend à se renforcer en fin de période. Mais que sait-on des représentations du sacrifice parental de ces enquêtés ? Ont-elles évolué au fil du temps ? Quelques questions permettent de répondre à cette interrogation et montrent que, de fait, l’injonction d’agir pour ses enfants « aux dépens même de son propre bien-être » ne s’accompagne plus des mêmes conceptions des rôles parentaux et des relations entre parents et enfants (voir tableau 2).

Tableau 2

Les mères, les pères et le travail parental (% par année)

Tableau 2
1981 1990 1999 2008 Une femme désire avoir un enfant et rester célibataire (approbation). 61 37 48 59 Pour qu’un enfant grandisse dans une atmosphère heureuse, il lui faut à la fois un père et une mère 85 92 84 81 (plutôt d’accord) Une mère qui travaille peut avoir avec ses enfants des relations aussi chaleureuses et sécurisantes qu’une - 40 50 59 mère qui ne travaille pas (tout à fait d’accord) Un enfant qui n’a pas encore l’âge d’aller à l’école a des chances de souffrir si sa mère travaille (tout à fait - 63 55 44 et plutôt d’accord) En général, les pères sont aussi capables que les mères de s’occuper de leurs enfants (tout à fait d’accord) - - 42 55

Les mères, les pères et le travail parental (% par année)

7Les données de 1981 ne s’inscrivent pas dans la tendance générale et l’absence de données antérieures rend leur interprétation difficile. Mais, de 1990 à 2008, des tendances lourdes se dessinent, avec des variations se situant autour de 20 points pour trois des questions. Si, en dépit d’un léger tassement, le couple hétérosexuel reste très largement considéré comme le cadre idéal de la parentalité, l’idée qu’une femme puisse avoir un enfant tout en restant seule est de plus en plus souvent acceptée. Ce contraste peut surprendre. Il souligne en partie un écart et une tension entre les positions concernant le bien-être des enfants et le souci de ne pas juger les mères. La maternité est profondément respectée et le désir d’une femme d’avoir des enfants est considéré comme légitime, quelle que soit sa situation matrimoniale. Cette position est sans doute encore renforcée par l’impact des transformations de la famille contemporaine sur les conceptions des rôles parentaux. La fréquence des divorces et le développement des familles monoparentales – pour l’essentiel composées de mères avec leurs enfants – amènent à remettre en cause les évidences du modèle parental traditionnel. Mais le respect de la maternité et l’affirmation de la liberté des femmes se combinent avec la valorisation du couple parental hétérosexuel comme condition du bien-être des enfants. Cette position peut renvoyer à une conception des rôles parentaux encore très sexuée, comme le montre la réponse à la question sur la capacité des pères à s’occuper des enfants. Elle est aussi susceptible d’exprimer une opposition massive à l’homoparentalité – une autre question de l’enquête montrant par ailleurs que 16 % des personnes interrogées sont tout à fait d’accord avec la proposition selon laquelle « les couples homosexuels devraient avoir le droit d’adopter des enfants ».

8En lien avec les transformations familiales des trente dernières années, mais aussi avec la progression de l’activité féminine, l’activité professionnelle de la mère est de plus en plus perçue comme compatible avec l’épanouissement et le bien-être des enfants. Depuis une vingtaine d’années, en contraste avec les pratiques antérieures, les femmes sont de plus en plus nombreuses, notamment parmi les plus diplômées, à continuer à travailler lorsqu’elles ont des enfants [2]. De ce point de vue, on observe une concordance entre l’évolution des opinions et celle de pratiques conciliant vie professionnelle et vie familiale. En revanche, le père est de plus en plus considéré comme étant « aussi capable » que la mère de s’occuper des enfants. Les fortes transformations sur ces questions indiquent une redéfinition des représentations de la division sexuelle des rôles parentaux. L’injonction d’un entier dévouement de la mère à ses enfants est moins fréquente, tandis que l’idée d’un rapprochement des situations des mères et des pères à l’égard du travail et de la parentalité est de plus en plus souvent affirmée.

9On peut donc globalement constater un desserrement du modèle traditionnel du male breadwinner (monsieur Gagne-pain) centré sur la dissymétrie devant le travail parental, avec un rapport privilégié mère-enfant dans le cadre d’un couple hétérosexuel stable dans le temps. Se pose alors la question de la répartition ou de la généralisation de ces transformations dans les conceptions des rôles parentaux. Concernent-elles l’ensemble des groupes sociaux ? Ou bien ce constat général masque-t-il des évolutions différenciées au sein de la société ?

Tendances communes et rythmes différenciés

10On a retenu ici des critères dont on sait par ailleurs qu’ils sont corrélés aux conceptions de la famille [3]. Il s’agit de l’âge, du sexe, de l’activité professionnelle, de la pratique religieuse et du fait d’avoir des enfants, pour les réponses données depuis 1990 – ce qui permet d’opérer le constat sur l’ensemble des questions, sauf une. En 2008 comme en 1990, les plus jeunes, les femmes [4], les actifs à temps plein, ceux qui sont les moins intégrés à une religion et ceux qui n’ont pas d’enfant se montrent les plus ouverts à une redéfinition des rôles parentaux et des rapports parents-enfants. Mais la tendance au pluralisme familial, précédemment soulignée, se retrouve dans l’ensemble de la population. On n’observe pas de catégories dont les réponses iraient à contre-courant par rapport à la moyenne, du moins selon les critères retenus. Cependant, les changements ne s’opèrent pas au même rythme dans toutes les catégories observées. Ainsi, certains écarts ont tendance à se résorber tandis que d’autres se creusent. On a choisi de le souligner ici à partir des résultats par âge et selon le niveau de pratique religieuse.

11À la question de savoir si une mère qui travaille peut avoir des relations aussi chaleureuses avec ses enfants qu’une mère qui ne travaille pas, l’écart entre les réponses des 35-49 ans et celles des plus de 65 ans passe de 20 à 12 points entre 1990 et 2008, notamment parce que les réponses affirmatives des derniers ont le plus fortement progressé (+ 27 points). Les positions des plus âgés, souvent perçues comme plus traditionnelles, tendent en fait à rejoindre celles des autres catégories, dans un mouvement qui concerne tous les âges. Un effet de génération joue vraisemblablement ici, les plus personnes âgées de plus de 65 ans en 2008 ayant connu des transformations de l’activité féminine et de la famille que les générations précédentes n’avaient pas vécues.

12On ne doit cependant pas conclure trop rapidement à une convergence générale des positions entre les différents âges. Sur d’autres questions, les écarts se sont au contraire creusés. Alors qu’en 1990, 10 points séparaient les réponses des 18-24 ans de celles des plus de 65 ans concernant l’affirmation selon laquelle un enfant a besoin d’un père et d’une mère pour « grandir dans une atmosphère heureuse », l’écart est de 19 points en 2008. La monoparentalité et, davantage encore, l’homoparentalité semblent ainsi difficilement s’inscrire dans les représentations de la famille des plus âgés. En outre, concernant la souffrance que peut endurer un enfant en bas âge si sa mère travaille, la différence maximale entre tranches d’âge passe de 13 points en 1990 à 35 points en 2008. Cette différence croissante tient à une relative stabilité des réponses des plus âgés lors de chaque enquête, tandis que les répondants de 25 à 49 ans considèrent, beaucoup plus fréquemment qu’auparavant, que le travail de la mère ne saurait être une source de souffrance pour un enfant pas encore scolarisé. Pour cette tranche d’âge, il s’agit pour partie d’une mise en conformité du regard sur le travail parental par rapport aux conceptions de la réussite sociale et aux contraintes professionnelles. L’évolution des injonctions professionnelles a ainsi sans doute fortement travaillé les réponses apportées à cette question, et de manière plus générale la conception du travail parental [5].

13Il semble ainsi particulièrement important de souligner que, de manière générale, la tendance massive à un relâchement du modèle familial traditionnel peut masquer l’accentuation de divergences entre certaines catégories. Dans la même perspective, l’intégration religieuse – appréhendée à travers la pratique religieuse – demeure un critère discriminant dans les conceptions de la parentalité. Même si les positions des plus pratiquants ont évolué au cours des vingt dernières années, elles restent assez éloignées de celles des non-pratiquants. Entre 1990 et 2008, l’écart passe de 7 à 13 points à propos de l’affirmation selon laquelle un enfant a besoin à la fois d’un père et d’une mère, de 24 à 27 points pour la question concernant les femmes célibataires, et il demeure de 16 points s’agissant de la souffrance des jeunes enfants dont la mère travaille. Ces différences s’observent à tous les âges. La corrélation n’est pas liée à l’âge, qui agirait comme variable cachée du fait que les plus pratiquants sont aussi les plus âgés, mais est bien due à un effet propre de la religion. Les valeurs religieuses continuent donc à travailler les conceptions familiales et le regard porté sur la parentalité. Le développement de la conception pluraliste se heurte, dans certains cas, à la persistance d’un modèle traditionnel encore très affirmé chez les plus âgés comme chez les plus pratiquants.

Des conceptions sous contraintes familiales et professionnelles ?

14On peut enfin se demander dans quelle mesure les regards portés sur la parentalité sont à rattacher à la situation familiale et professionnelle des répondants. Une première observation sur les réponses de 2008 montre que le fait d’avoir soi-même des enfants n’est pas un facteur discriminant. Parmi les questions retenues, l’écart le plus important entre ceux qui sont parents et ceux qui ne le sont pas est de 10 points, pour la question portant sur la responsabilité des parents à l’égard de leurs enfants. Ceux qui n’ont pas d’enfant considèrent plus souvent que les autres que les parents n’ont pas à sacrifier leur propre bien-être. Cette relative proximité des réponses s’observait déjà en 1990, sauf pour une question, celle portant sur la souffrance du jeune enfant lorsque sa mère travaille. L’écart était alors de 21 points entre ceux qui avaient des enfants (66 % pensant que l’enfant risquait de souffrir) et ceux qui n’en avaient pas (45 % pensant de même). Il n’est plus que de 6 points en 2008 (respectivement 43 % et 37 %). C’est ici l’attitude des parents qui a fortement évolué : leur position en 2008 est sensiblement différente de celle de 1990, tandis que celle de ceux qui n’ont pas d’enfant se modifie peu.

15Ces évolutions doivent être mises en regard des données concernant l’activité professionnelle. Si l’on compare à la moyenne les réponses de ceux qui exercent une activité salariée à temps plein, il apparaît qu’ils ont davantage tendance à remettre en cause le modèle parental traditionnel. Cependant, il est intéressant de croiser ces données avec le sexe. On observe alors que les réponses des hommes salariés à temps plein se situent à peu près au niveau de la moyenne générale, tandis que les femmes salariées à temps plein adhèrent beaucoup plus souvent à des conceptions plus « libérales ». En 2008, l’écart entre les réponses de ces deux catégories est de 11 points pour la question sur les « relations chaleureuses » d’une mère qui travaille vis-à-vis de son enfant, de 13 points concernant l’affirmation selon laquelle un enfant a besoin d’un père et d’une mère, et de 15 points à propos de la souffrance des enfants en bas âge dont la mère travaille.

16Les tendances qui affectent les réponses respectivement données par les hommes et par les femmes salariés à temps plein sont les mêmes entre 1990 et 2008. On peut voir dans les réponses des femmes des positions ancrées dans les expériences familiales, mais aussi une forme de justification de l’activité professionnelle. En contrepoint, les positions des femmes au foyer, surtout en début de période, dénotent un fort attachement au modèle parental traditionnel, modèle qui légitime et valorise leur propre situation familiale. On remarque une inversion des positions relatives sur une question seulement : alors qu’en 1990, les hommes salariés approuvent davantage que les femmes le choix d’avoir un enfant et de rester célibataire (respectivement 42 % et 36 %), c’est le contraire en 2008 (57 % et 66 %).

17Tandis qu’il s’agit essentiellement d’une position de principe pour les hommes, cette question renvoie vraisemblablement pour les femmes à des situations bien réelles et prises en charge par nombre d’entre elles, celles des familles monoparentales devenues de plus en plus nombreuses durant cette période. La position des femmes semble donc s’être reconstruite comme un soutien social à cette situation familiale et comme l’affirmation de leur capacité à « se passer » des pères dans le travail parental.

18***

19Entre 1990 et 2008, le regard porté sur les rôles parentaux et le travail parental évolue dans le sens d’un plus grand libéralisme, ou tout du moins de l’atténuation d’un modèle familial traditionnel. Ces modifications concernent l’ensemble de la société, mais sont plus ou moins marquées selon les caractéristiques retenues. Si l’on assiste à un changement de modèle dominant et à une transformation des injonctions sociales à l’égard des pères et des mères, il n’en reste pas moins que différentes conceptions de la parentalité traversent la société. Le puissant phénomène d’homogamie dans la société française contribue vraisemblablement à réduire les dissensions au sein du couple quant aux conceptions du travail parental. Néanmoins, les écarts, en progression sur certaines questions, entre hommes et femmes comme entre les générations débouchent nécessairement sur des tensions et sur des injonctions parfois contradictoires à l’égard des pères et des mères. De là, l’éclatement des modèles de parentalité et le pluralisme familial et parental : plutôt que de figer des certitudes, ils contribuent sans doute à imposer un travail permanent de redéfinition et de justification, pour soi et pour autrui, des conceptions de la parentalité.

Notes

  • [1]
    La distinction est proposée par Michel Bughin, Colette Lamarche et Pascale Lefranc, dans La parentalité : une affaire d’État ?, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 37-38. Elle reprend les différentes dimensions explorées par Didier Houzel (1999).
  • [2]
    Sylvain Allemand (2002) évoque à ce propos « la double vie des femmes », p. 223-227.
  • [3]
    Voir par exemple la partie consacrée à la famille dans Bréchon et Tchernia (2009).
  • [4]
    La fréquence des positions relativistes des femmes (par exemple, « Cela dépend ») doit sans doute aussi être interprétée comme la marque d’une plus grande tolérance ou d’une acceptation plus répandue du « pluralisme familial ».
  • [5]
    On rejoint ici les analyses de Claudine Attias-Donfut et al. (2002), dans la partie consacrée aux « générations dans leur temps ».
Français

Résumé

Depuis 30 ans, les Enquêtes valeurs permettent de mettre en évidence une forte évolution des conceptions familiales et des injonctions sociales à l’égard des parents. Dans l’ensemble, le modèle traditionnel fondé sur une forte division sexuée du travail parental décline. Cependant, cette tendance se dessine à des rythmes différenciés selon les catégories de la population et ce mouvement d’ensemble masque parfois des écarts encore importants (selon la croyance religieuse ou l’activité professionnelle), voire des divergences de vues de plus en plus marquées (entre générations notamment).

Bibliographie

  • Allemand S., 2002, Familles. Permanence et métamorphoses, Paris, Sciences humaines.
  • Attias-Donfut C., Lapierre N. et Segalen M., 2002, Le nouvel esprit de famille, Paris, Odile Jacob.
  • Bréchon P. et Tchernia J.-F. (dir.), 2009, La France à travers ses valeurs, Paris, Armand Colin.
  • Bughin M., Lamarche C. et Lefranc P., 2003, La parentalité : une affaire d’État ?, Paris, L’Harmattan.
  • En ligneDéchaux J.-H., 2007, Sociologie de la famille, Paris, La Découverte.
  • Godelier M., 2004, Métamorphoses de la parenté, Paris, Fayard.
  • Houzel D., 1999, Les enjeux de la parentalité, Ramonville, Érès.
  • Singly F. de, 1996, Le soi, le couple et la famille, Paris, Nathan.
Nathalie Dompnier
Professeure de science politique à l’Université Lyon 2 et membre du laboratoire Triangle (UMR 5206), elle a contribué au traitement des Enquêtes valeurs réalisées en 2008 et à l’ouvrage de présentation des résultats (P. Bréchon, J.-F. Tchernia [dir.], La France à travers ses valeurs, A. Colin, 2009), avec, notamment, trois notices sur la famille : « Tolérance croissante de l’homosexualité, interrogations récentes sur l’homoparentalité », « Un idéal très romantique du couple et du mariage. Les habits neufs du couple traditionnel », « L’avortement : positions de principe et jugements circonstanciés ».
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 31/07/2009
https://doi.org/10.3917/inso.154.0060
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Caisse nationale d'allocations familiales © Caisse nationale d'allocations familiales. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
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