CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Comme le disait souvent l’écrivain sénégalais Amadou Hampâté Bâ, s’il existe bien des traits généraux de la culture africaine, il n’y a pas un « homme africain » ni une tradition africaine valable pour toutes les régions et toutes les ethnies du continent. La même observation pourrait être faite à propos de la famille africaine et de ses modes d’exercice de l’autorité parentale. Ici, c’est le témoignage de Pierre Erny, ethnologue et enseignant, qu’il convient de solliciter.

2Auteur, depuis une quarantaine d’années, d’une vingtaine d’ouvrages portant en particulier sur les pratiques familiales et éducatives en Afrique noire [1], il souligne que la connaissance précise de l’organisation de la famille africaine et des rôles attribués à chacun de ses membres suppose le repérage préalable des influences culturelles qui s’exercent sur le groupe familial et de la durée de cette « exposition ».

3En gros, deux modèles coexistent, celui de la structure patrilinéaire et celui de la structure matrilinéaire. Dans le premier, les enfants sont rattachés à la famille de leur père et celui-ci est investi de l’essentiel des responsabilités vis-à-vis d’eux ; dans l’autre, c’est le lien lignager qui l’emporte sur le lien conjugal, conférant par voie de conséquence à l’oncle maternel une autorité supérieure à celle du père par le sang.

4Définir la famille africaine se révèle donc, d’après tous ceux qui s’y sont essayés, un exercice difficile non seulement en raison du grand nombre d’approches possibles, mais aussi et surtout parce que le terme, chargé de connotations affectives et éthiques, renvoie à l’expérience personnelle des observateurs et à leurs conceptions morales, quand ce n’est pas à leurs stéréotypes. Le psychologue togolais Ferdinand Ezembe ajoute que « par le jeu des multiples alliances symboliques et biologiques, personne ne peut dire ni où commence ni où se termine une famille ». D’autres relèvent aussi qu’il y a, dans chaque famille, un certain nombre de personnes que l’on connaît comme parents, sans que personne ne puisse dire avec précision le degré ou la nature de leur relation avec l’enfant, ou encore que, dans certaines tribus, « les morts, les vivants et ceux qui vont naître font tous partie de la famille ». Pour comprendre la famille africaine, mieux vaut donc se référer à une définition très large de la notion de parenté, ce que confirme la richesse du vocabulaire employé pour en désigner les composantes, comme le note Jacques Barou [2].

5À travers le prisme de cette grande diversité, toutes les problématiques relatives à la famille africaine, qu’il s’agisse de la paternité ou de la maternité biologiques, de l’adoption ou de la tutelle, de l’éducation des enfants et de leur socialisation, y compris dans leurs aspects considérés comme « pathologiques », doivent être reconsidérées ; ce que, curieusement, l’ethnologie semble n’avoir entrepris jusqu’ici qu’avec une certaine timidité.

Notes

  • [1]
    Voir notamment : Essais sur l’éducation en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, coll. « Études africaines », 2001 ; L’enfant et son milieu en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, coll. « Bibliothèque scientifique », 2000.
  • [2]
    In « La parenté mutilée » (1991), in Martine Segalen, Les jeux de famille, Éditions du CNRS, 1998.
Mis en ligne sur Cairn.info le 31/07/2009
https://doi.org/10.3917/inso.154.0021
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