CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1On ne naît pas parent, bien sûr, on le devient, au fil d’une métamorphose qui est elle-même amenée à connaître de multiples transformations au fur et à mesure de la croissance de l’enfant. Ce « devenir parent » débute par une période de gestation très différemment vécue par les femmes et par les hommes, explique Sophie Marinopoulos [*]. En référence au découpage médical de la grossesse en trois trimestres, la psychologue et psychanalyste propose d’appréhender la « naissance psychique » des mères en trois temps. Le premier correspond à « l’état d’être enceinte », qui relie la femme à son corps fécondé sans qu’elle ait de représentation d’enfant. Puis vient « l’attente d’un enfant », qui est précisément caractérisée par cette représentation de l’enfant et par les fantasmes qui l’accompagnent. Enfin, la troisième phase est celle de « l’attente d’un enfant dont la femme va se séparer, qui permet la représentation de l’enfant hors corps et crée la rêverie de deux corps se rencontrant ».

2Parallèlement, chez l’homme qui accompagne la mère, l’accession à la paternité passe par la pensée, explique S. Marinopoulos : « C’est la tête qui met le corps en émoi et non le corps éprouvé comme chez la femme ». Ce processus s’élabore au rythme des changements du corps féminin, précise la clinicienne. Le fait de voir sa femme s’arrondir fait progressivement prendre conscience au père de la réalité de l’événement à venir. Ainsi, pendant la grossesse, se met-il à dessiner un enfant dans sa tête. Au départ, ce dernier est un « personnage aux mille facettes, reprenant des traits d’enfant mythique, fantasmatique, idéal, avant de prendre des allures imaginaires » qui conduiront le père à son enfant. « En le faisant grandir et exister dans sa pensée, précise S. Marinopoulos, le père fait entrer l’enfant dans son humanité et se projette dans son nouveau statut. »

3Il n’empêche : pour certains, le devenir père n’est pas une affaire qui se déroule uniquement au plan conceptuel. Autrement dit, « Le père enceint existe ! », affirme la psychanalyste. Et d’évoquer, par exemple, tel qui entre dans le cabinet du gynécologue avec sa femme puis, quand celle-ci passe dans l’espace d’examen, demande au praticien : « Docteur, je peux me peser ? » « L’homme est capable aussi de passer par son corps, et même de le faire examiner, profitant de ces consultations médicales pour se plaindre de maux récents : une main qui fait mal, un pied cassé, une peau irritée », observe S. Marinopoulos. Ainsi, certains futurs pères témoignent-ils de leur besoin de ressentir, dans leur chair, des modifications, réelles ou imaginaires. « Là est la grossesse masculine, commente la psychanalyste, la métamorphose de celui qui change au-delà du regard et qui sait faire tourner les yeux des spécialistes sur sa propre condition de père en devenir ».

Note

  • [*]
    In Que veut dire être parent aujourd’hui ?, ouvrage collectif publié sous la direction de Daniel Coum, éditions Érès, 2008.
Caroline Helfter
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Mis en ligne sur Cairn.info le 31/07/2009
https://doi.org/10.3917/inso.154.0115
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