1La famille a longtemps été définie par l’encre et par le sang. L’encre était celle des contrats de mariage et des actes par lesquels les enfants étaient reconnus ; le sang, cette métaphore qui désigne la généalogie et les liens qui en découlent. Quoi de plus naturel en effet que cette structure aux contours simples pour assurer son rôle de cellule de base de la société : un père, une mère et des enfants issus “de leurs œuvres”, comme disent les juristes, qui deviennent à leur tour des pères et des mères, et ainsi de suite au fil des générations.

2Les avancées de la science et les transformations des modes de vie ont bouleversé le paysage. Avec lenteur d’abord (contraception, reconnaissance du statut des enfants naturels, travail des femmes, montée du divorce, accroissement de l’union libre…) puis à un rythme accéléré et à peu près non maîtrisable. De nouveaux modèles familiaux sont apparus, qui couvrent la quasi-totalité des possibilités ouvertes par la combinatoire des éléments “parent”, “enfant”, “père”, “mère”, “homme”, “femme”. Les configurations parentales sont multiples : monoparentalité, beau-parentalité, homoparentalité, pluriparentalité. Quelques chiffres étayent le propos : les familles monoparentales représentent 19,8% des familles en 2005 et sont composées à plus de 90% par des femmes ; un enfant sur dix vit dans une famille recomposée ; selon l’Association des parents gays et lesbiens, la France compterait 100 000 familles homoparentales…

3Ce qui fait actuellement la(es) famille(s), au-delà des curiosités que constituent certaines de ces situations, c’est la mise en œuvre des formes publiques qu’elle prend, la première de ces formes étant la dénomination qu’on lui donne. Le champ sémantique des termes imaginés, voire extraits d’une longue période d’inutilisation, désigne des réalités sociales nouvelles liées au statut de la famille et aux rapports qui s’établissent entre ses membres. Ces situations montrent que la(es) famille(s) affiche sa dépendance vis-à-vis de deux variables : l’enfant d’abord, dont la sociologie juridique a montré qu’il jouait désormais à son égard le rôle fondateur naguère dévolu au mariage ; les tiers, d’autre part, cette fonction connaissant des degrés de plus en plus diversifiés allant du tiers “totalement extérieur à la famille” à des relations de proximité affectives ou sociales mises en lumière par les psychologues et les éducateurs, et souvent considérées par les juges comme des composantes de l’intérêt de l’enfant. De fait, l’intégration relativement récente dans l’action publique d’une référence explicite à la parentalité montre l’importance qu’a acquise aux yeux du législateur la prise en compte des nouveaux types de relations entre les membres de la famille qui sont recouverts par ce terme générique.

4Ce numéro d’Informations sociales interroge les frontières entre la parenté et la parentalité. De ces trajectoires familiales devenues multiples, assiste-t-on à une mutation des fonctions, des rôles et des pratiques des parents ? Il est question des relations familiales induites par l’évolution des rôles parentaux et grands-parentaux à travers les familles et les fratries recomposées ainsi que par le développement de la garde en alternance. Les demandes de reconnaissance de droits de parents pour les couples homosexuels et des couples ayant eu recours à des dons de gamètes sont également interrogées. L’objectif est ici d’apporter des éléments de réflexion sur les situations familiales contemporaines, devenues banales ou encore atypiques, les débats qu’elles suscitent et les réponses institutionnelles, juridiques et sociales auxquelles elles conduisent.