1Bien que certains l’apparentent au vocable latin ratio, qui se traduit par « compte, calcul, méthode, ordre chronologique », et qui a donné, par combinaison avec gens (famille, lignée), le mot génération, il est vraisemblable que l’origine du mot français race réside plutôt dans le terme italien razza, qui signifie « espèce, catégorie ou classe », et qui a été importé de ce côté-ci des Alpes en 1480 sous la forme de rasse, pour désigner, selon le Trésor de la langue française, l’ensemble des ascendants et des descendants d’une même famille ou d’un même peuple, ce qui éclaire le sens d’une série d’apostrophes contemporaines en général insultantes dont la cible est « ... ta/sa race ! ».
2Ce n’est qu’au XIXe siècle que Joseph-Arthur de Gobineau, diplomate, écrivain et penseur français, diffusa, dans son Essai sur l’inégalité des races humaines (1855), une synthèse qui se voulait scientifique de théories affirmant la supériorité de certains groupes humains sur les autres, et qui avait déjà été employées pour asservir les Indiens d’abord, au temps des conquistadores, puis les Noirs un siècle plus tard.
3Sur la base des allégations de J.-A. Gobineau et d’interprétations assez hasardeuses des travaux de Linné, de Buffon, de Broca et même de Darwin, se développa l’illusion du caractère « naturel » et scientifique du racisme, d’autant plus facilement que ces pseudo connaissances servaient fort opportunément les desseins des conquérants-évangélistes ou des pourvoyeurs des pays développés en main-d’œuvre bon marché.
4Le racisme était né, affirmant qu’il était possible d’asseoir sur des preuves scientifiques l’hypothèse de l’infériorité de certaines “races” sur d’autres. Beaucoup d’arguments ont été invoqués à l’appui de cette conviction, du volume ou de la configuration de la boîte crânienne au rapport de taille entre les membres inférieurs et supérieurs, en passant, naturellement, par la couleur de la peau, tellement évidente puisqu’elle se voit et n’est pas contestable.
5Si elle n’était pas innocente, la confusion entre critères de classification et de hiérarchisation connut un succès certain car facile à comprendre et rencontrant des intérêts idéologiques, économiques et politiques divers.
6La science a eu raison, depuis longtemps, de ces assertions. Apparue au début du XXe siècle, la génétique (même si elle sous-tend, de nos jours, d’autres fantasmes scientistes) a ruiné sans appel les théories différentialistes en établissant l’unicité génétique de l’espèce humaine, les traits considérés comme indiscutables puisque visibles n’impliquant que 0,01 % du génome.
7Les preuves du caractère infondé du racisme n’ébranlent pourtant pas les convictions de ceux qui se revendiquent racistes, même s’ils prétendent l’être sur des bases scientifiques. En 2006, un tiers de Français se déclaraient racistes. C’est assez dire qu’une telle conviction relève plutôt de facteurs psychologiques ou socioculturels qu’il est d’autant plus difficile de connaître et de combattre que la définition même du racisme, variable et mutante selon les lieux et les époques, échappe à la raison.